Le mardi 12 avril dernier, le juriste Mohamed Camara, a, dans un entretien accordé à votre courrier électronique, dit comment pérenniser les acquis dans l’optique de la continuité de l’Etat en matière de signature d’accords de conventions entre la Guinée et ses pays amis. Lisez !

 Lecourrierdeconakry.com : Avec le balai diplomatique que connait la Guinée ces derniers temps, peut-on estimer que le pays est redevenu fréquentable ?

Mohamed Camara : On peut dire que la Guinée est revenue. Elle  attire à travers les visites qui se succèdent. Par exemple au titre de cette rencontre dont la visite d’amitié du premier ministre éthiopien, il était question de passer en revue deux accords. Un accord-cadre de coopération et un accord sur les consultations diplomatiques régulières entre les deux pays. Il y a eu d’autres accords qui ont été proposés par la Guinée  qui vont être examinés par le parlement éthiopien pour des fins d’approbation. A ce titre, je pense que la Guinée a la chance actuellement  d’attirer, il faudrait que l’on garde ce cap-là.  Mais pour maintenir ce cap, il faut qu’il y ait une stabilité interne.  Pour qu’il y ait une stabilité interne, il faut qu’il y  ait entente  entre les acteurs politiques.  Ça permettra à ce que tout le monde fasse  marcher le rouleau  compresseur du développement de la Guinée que nous avons en commun. Parce que  si un partenaire vient,   il a besoin d’assurance. Et  les économistes nous apprennent que même l’argent a peur du bruit. Alors je pense que l’élan  pris par les pouvoirs publics dans ce sens-là est à apprécier. Seulement, il faut continuer à garder ce cap là en stabilisant le pays. Donc, en nouant le dialogue pour que  le partenaire qui va donner son accord puisse comprendre qu’il y a une volonté au niveau national.

Voulez-vous donner raison au chef de l’Etat Pr Alpha Condé qui dit que les acteurs politiques le bloquent dans le processus de développement du pays?

Bon ! Vous savez quand il y a une mésentente entre les camps politiques, chacun tire le drap de son côté. Chacun envoie des piques et flèches avec des stratégies liées à la diabolisation et la justification de part et d’autres. Moi, en tant qu’analyste, je ne rentre pas dans ce type de raisonnement. Je dirais tout simplement que c’est évident qu’en Guinée, il y a une mésentente entre les acteurs. Mais il faut quand même rassurer. Vous savez, il peut y avoir une opposition entre les personnes dans le cadre d’idée, il ne faudrait pas que cela construise une  mésentente au point que le pays puisse vibrer au rythme des mésententes et des manifestations. C’est toujours important qu’il y ait la possibilité que les Guinéens puissent fumer le calumet de la paix. C’est important ! Il  ne s’agit pas pour moi de situer les responsabilités. C’est d’inviter à ce que le dialogue soit mené de ce côté. C’est le premier ministre qui doit être le garant de la mise en application des accords mais aussi de nouer le dialogue entre les acteurs politiques en  vertu de l’article 58 de la Constitution.  Non seulement les acteurs politiques, mais aussi les acteurs sociaux, donc les syndicats. En le faisant, les acteurs-là vont mettre en sourdine leurs revendications pour donner une période sabbatique au niveau du pays pour que les pouvoirs publics mettent en application  leurs programmes et leurs politiques publiques pour permettre la réalisation du service public afin satisfaire le besoin d’intérêt général de la population.

En Guinée, on parle toujours de signature d’accords de conventions etc. Mais le citoyen lambda s’interroge sur la matérialisation de ces accords…

Vous avez tout à fait raison. Je pense que l’essentiel de votre question,  c’est là. C’est bon de signer des accords, mais l’important c’est la mise en œuvre. Et pour qu’il y ait mise en œuvre il faut qu’il ait un suivi, une volonté, des moyens de mise en œuvre. Il faut qu’il y ait des outils d’évaluation, des indicateurs objectifs  vérifiables. Donc, en le faisant on se dire voilà, est-ce que la Guinée va tirer profit ou pas. Il faut qu’il y ait des structures en Guinée qui fasse de la prospective. Quand les gens disent gagnant-gagnant, mais qui évalue ce qu’on gagne ? Il faudrait qu’il y ait des structures qui fassent des prospectives.

Voulez-vous dire que ces structures-là ne fonctionnent pas ou qu’ils n’existent pas?

Non, il y a des structures qui existent mais qui n’ont pas les moyens de leurs politiques. Elles n’ont pas les moyens humains, matériels  et financiers nécessaires. Il y a des moyens, mais rudimentaires.  Donc, il faut accroitre cela pour que par exemple les Affaires Etrangères qui constituent ce qu’on appelle le ministère dépositaire des accords  puisse en être le garant. Mais que les autres départements sectoriels procèdent à la mise en œuvre correcte. Et qu’on archive le plus souvent nos accords pour savoir : on a signé tels accords avec qui et quel est son   niveau d’avancement? Est-ce  que ça été appliqué ? Est-ce que ça nécessite une révision. Il faut également assurer la continuité de l’Etat.

Propos recueillis par Nantènin Traoré