28 septembre 2022. Tenue de deux évènements historiques en Guinée: l’ouverture du procès des massacres du 28 septembre 2009 et la signature d’un Mémorandum d’Accord entre la République de Guinée, par le Président de la Transition et le Bureau du Procureur de la Cour Pénale Internationale (CPI), par le Procureur, en présence du Ministre de la justice et des droits de l’homme, Garde des Sceaux.

Dans la présente tribune bimensuelle, qui revient après la période de vacances, nous allons aborder spécifiquement deux principes essentiels dégagés par les deux évènements sus évoqués portant mise en œuvre de la justice pénale internationale que sont le principe de complémentarité et le principe de coopération et nous ferons une projection sur le potentiel legs du procès des massacres du 28 septembre 2009 comme apport à la justice pénale internationale.  

De la mise en œuvre du principe de complémentarité par la tenue du procès  

Parlant de ce principe, le Pr E. David souligne, d’emblée, avec raison que « la CPI ne jouit d’aucune priorité pour la poursuite et le jugement des auteurs des crimes visés par le Statut. C’est même l’inverse […] le Statut est en effet fondé sur un principe de complémentarité de la CPI par rapport aux juridictions nationales. » En se basant sur les faiblesses et les difficultés d’application du principe de primauté (les précédents des TPI du Rwanda et de l’Ex-Yougoslavie) et en se fondant sur la volonté de mettre les États face à leur responsabilité de rechercher, poursuivre et punir les auteurs des violations graves des droits de l’homme, les rédacteurs du Statut de Rome ont opté pour le principe de complémentarité entre la CPI et les juridictions pénales internes des États parties. Ce principe, solennellement affirmé au Préambule (alinéa 10), est inscrit aux articles 1er et 17 du Statut de Rome. La lecture combinée de ces dispositions indique clairement que la CPI est « complémentaire aux juridictions pénales nationales.» Elle n’exerce sa compétence qu’en cas de manque de volonté ou d’absence de capacité de la part de l’Etat. En tant qu’Etat partie au Statut de Rome (14 juillet 2003), l’organisation du procès des massacres du 28 septembre 2009 par la République de Guinée est une parfaite illustration du principe de complémentarité en la CPI et les juridictions pénales guinéennes. 

Sélectionné pour vous :  TPI de Dixinn : le procureur requiert 6 mois d'emprisonnement contre Sékou Jamal Pendessa 

De l’application du principe de coopération par l’entremise du Mémorandum d’Accord 

Le droit international pénal comme toutes les autres branches du droit international est avant tout et surtout un « droit de coordination » et non un « droit de subordination ». A ce titre, sa mise en œuvre est tributaire de la coopération des Etats de la communauté internationale. Le Statut de Rome instituant la CPI n’en fait pas exception et intègre ce principe dans son arsenal de mise en œuvre. Le principe de coopération figure en ses articles 86 et suivants. Il porte sur divers aspects nécessitant la coopération des Etats de la recherche des auteurs présumés jusqu’à l’exécution des peines en passant par la remise des personnes, les demandes concurrentes et autres. Ainsi, on peut estimer que la signature du Mémorandum d’Accord entre la CPI et la Guinée s’inscrit bien dans le cadre de la coopération entre la République de Guinée et la CPI pour la mise en œuvre du Statut de Rome sur le territoire guinéen, en particulier le cas des évènements du 28 septembre 2009. L’économie de l’Accord se résume à la coopération entre les deux parties en termes d’information, de partage de meilleures pratiques et de soutien technique. L’auteur sus-indiqué a ainsi raison d’affirmer que « l’avènement et l’activité de la Cour [CPI] dépendent de la volonté des Etats à l’accepter […[ L’Etat qui ne souhaiterait pas être montré du doigt par la communauté internationale pour son abstention à poursuivre devra prendre des mesures nécessaires pour être à même de réprimer les crimes visés au Statut, quelque soient la nationalité de leur auteur, celle de la victime et de leur lieu de perpétration.» La République de Guinée joue ainsi sa partition, une partition qui sera évaluée à l’aune du résultat en aval du processus.  

Sélectionné pour vous :  Simone Gbabo rejoindra-t-elle son mari à la Haye ?

Du legs potentiel du Procès des massacres du 28 septembre 2009 pour l’avancement de la justice internationale pénale  

L’intérêt de la ténue de ce procès va au-delà de la République de Guinée ; il concerne toute la communauté internationale. Outre, l’application concrète des deux principes sus évoqués, application jointe à la lutte contre l’impunité par la répression des infractions graves du Statut de Rome, intégrée dans nos textes internes, la jurisprudence qui résulterait des décisions issues du procès constituera un legs pour la justice pénale internationale. Ce legs consistera en la consolidation du concept de complémentarité positive, de la précision de certains aspects substantifs et procéduraux du droit à la lumière des faits et de la place accordée aux divers acteurs du procès. Le droit international pénal s’enrichit de divers apports du contentieux internes et internationaux en la manière, l’actuelle visite des membres de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples à la CPI en est une parfaite illustration. Cependant, pour pleinement jouer un tel rôle, toutes les garanties d’un procès juste et équitable doivent être pleinement assurées à l’égard de toutes les parties prenantes au procès.  

Pour terminer et pour plus de cohérence, il est essentiel d’inscrire le présent procès dans un schéma plus global de mise en œuvre holistique des droits de l’homme en République de Guinée. 

                                                                                         Conakry, le 30 septembre 2022

-Juris Guineensis No 36.   

Me Thierno Souleymane BARRY, Ph.D  

Docteur en droit, Université Laval/Université de Sherbrooke (Canada)   

Professeur de droit, Consultant et Avocat à la Cour

LAISSER UN COMMENTAIRE AVEC Facebook