Monsieur le Procureur spécial, Aly Touré, recevez très rapidement mes salutations car je sais votre temps ultra précieux.
Le Président de la Transition, le colonel Mamadi Doumbouya, vous a choisi vous, parmi près de 14 millions de Guinéens, pour diriger l’élément essentiel de cette refondation et de moralisation de la vie publique : la lutte contre la corruption et les détournements de deniers publics.
A l’aune du bilan à mi-parcours, mauvaise communication ou manque d’informations, l’immense majorité des Guinéens ne sait exactement pas ce que vous faites ou avez fait, pour mériter cette confiance. Contrairement à ce que vous pouvez croire ou que l’on vous fait croire, en dehors d’une infime minorité de l’élite intellectuelle guinéenne, nos compatriotes ne connaissent même pas votre nom et ignorent royalement ce que c’est que la CRIEF. Pour ainsi dire, à leurs yeux, vous n’existez pas, vous êtes un parfait inconnu. Savez-vous ce que les Guinéens du pays réel comprennent ? « Doumbouya veut lutter contre la corruption, il a pris Kassory, les Diané et autres pour des affaires de milliards qu’ils ont volés, mais l’homme-là qu’il a chargé de faire les enquêtes est un incapable ». Voilà monsieur le procureur spécial, ce que pense l’homme de la rue qui met sous votre compte le décès sans soins en prison de Loucény Camara, ancien député, ancien Président de la CENI, à qui vous auriez refusé tout traitement. C’est dur, c’est triste, ce n’est pas exactement comme cela, mais c’est le sentiment populaire aujourd’hui en ce qui vous concerne.
Maintenant, pour l’infime minorité de l’élite évoquée plus haut, les avis divergent mais convergent tous pour conclure que vous n’êtes pas l’homme de la situation pour lutter juridiquement contre la corruption.
Un premier groupe ne doute pas le moins du monde de la culpabilité des mis en cause, mais estime qu’il vous manque la compétence et l’expérience juridiques nécessaires pour prendre dans votre piège de vieux loups aguerris. Ce qui explique que depuis un an vous avez embastillé de hauts cadres de l’Etat sans preuves et sans bases juridiques. Ce groupe pense justement que Doumbouya a fait une grosse erreur de casting en ce qui vous concerne.
Pour le deuxième groupe, plus politique celle-là, l’arrestation de ces hauts cadres n’a absolument rien à voir avec de pseudos détournements de deniers publics mais vise à les éliminer de la prochaine course à l’élection présidentielle dont leurs casiers judiciaires sales ne permettraient pas de candidater. Et vous monsieur le Procureur spécial, vous êtes l’instrument de ce plan. Ce groupe est renforcé dans sa conviction du fait que depuis un an vous avez été dans l’incapacité de sortir la plus petite preuve pour confondre vos accusés.

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Le but de ce courrier, monsieur le Procureur spécial est tout simplement de vous demander de démissionner avant d’être lâché par les autorités ou humilié par tout le monde. Allez-y vous former, acquérir des compétences et de l’expérience et vous pourrez un jour, qui sait, être un bon rempart du pays contre tous ces intellectuels versés dans la corruption et qui vous font voir aujourd’hui des vertes et des pas mûrs.
Car, Voyez-vous, le problème de la Guinée, c’est que ses « intellectuels » souffrent d’une pauvreté mentale, d’une misère morale, d’un sadisme immodéré à l’encontre de leur propre pays. Les plus lettrés, pompeusement appelés « intellectuels » sont les plus faux, les plus égoïstes et egocentriques du pays.
Savez-vous monsieur le Procureur spécial que la Guinée, en termes de ressources naturelles est plus riche qu’Israël ? Mais les Israéliens sont moralement, mentalement plus riches que les Guinéens. Et Israël reste aujourd’hui une grande puissance. L’Israëlien pense pays, pense national dans tout acte qu’il pose. Le Guinéen pense moi, pense égo dans tout acte qu’il pose tant et si bien que nos structures de veille ne sont rien d’autre que l’expression vivante des comportements déformés, malformés et anti-national.
Ailleurs, il n’y a pas un fonctionnaire qui n’a pas un second emploi de son choix. En Guinée, notre second emploi, c’est la bière et la femme. Et après, il faut détourner, voler toujours les deniers publics pour assouvir ses lubies.
Non monsieur le Procureur spécial vous n’êtes pas encore prêt pour lutter contre cette hydre dont vous ne pouvez pas imaginer les longueurs des différents tentacules. Vous n’êtes pas Hercule, alors, de grâce, démissionnez, je vous en prie !

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Jeanne Laforestière

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