Depuis quelques années, il a été constaté, une récurrence de sinistres (incendies, fissures dans des maisons et immeubles, graves accidents de circulation, naufrages en mer, etc.) en Guinée. Les populations à cet effet ont souvent dénoncé les sapeurs-pompiers pour leur lenteur, le manque d’eau dans leurs citernes ou encore le manque d’anticipation et de prévention de ces sinistres. Certains citoyens pensent qu’il faut tout simplement se passer de ces soldats du feu dont l’apport est quasiment nul dans la cité pendant que d’autres citoyens croient qu’il n’y a rien à attendre d’eux face à un sinistre.
Mal formés et dépourvus d’équipements, les pompiers guinéens sont impuissants à chaque fois qu’ils tentent d’intervenir sur les lieux d’un sinistre. Mais ce que beaucoup de personnes ne savent pas, c’est que la Protection civile guinéenne fait face à une faiblesse structuro-fonctionnelle dans un environnement pourtant en perpétuelle mutation (démographie galopante, urbanisation incontrôlée, exploitations minières désorganisées, …) avec de nouveaux acteurs.
En effet, l’actuelle Direction Générale de la Protection Civile (DGPC) est l’héritière de mutations successives de la protection civile dont la toute première structure fut créée en 1954, quand la Guinée était encore une colonie française. Il s’agissait à l’époque de « Service des sapeurs-pompiers » qui avait pour mission d’assurer la protection civile de Kaloum. Depuis, cette structure a certes évolué mais très lentement et de façon laborieuse. Pour preuve, la DGPC à date ne dispose pas de décret d’attributions et organisation alors qu’elle relève du domaine régalien de l’État. Pour dire vrai, la protection civile guinéenne ne dispose quasiment pas de textes d’application et, si textes il y a par endroit, l’on constate généralement un décalage entre ces textes et leurs applications effectives dans le fonctionnement de cette entité. L’élaboration d’un code de la protection civile restant au demeurant jusqu’ici un souhait.
Du point de vue administrativo-financier, la DGPC est chargée de la mise en œuvre de la politique du gouvernement dans les domaines de la protection civile. On aurait dit qu’avec cela, elle aurait les moyens de ses missions, hélas, la DGPC est une structure qui n’a quasiment pas de mécanismes financiers et comptables. Elle n’a de ce fait, ni SAAF, ni agent Comptable. Elle n’a pas non plus de compte bancaire ni de journal comptable. Le budget qui lui est alloué dans le budget national de développement (BND) est directement géré par la Direction des Affaires Administratives et Financières (DAAF) du ministère de la Sécurité et de la Protection Civile (MSPC).
Le DG de la Protection Civile (PC) n’ordonne pas les dépenses de son institution. Cette situation est compréhensible puisque depuis la création de la PC à nos jours, il n’y a pas eu un décret d’attribution et de fonctionnement définissant clairement les responsabilités financières de sa Direction Générale. C’est donc le DAAF du MSPC qui exécute et contrôle les dépenses de la DGPC. Dès lors, il y a lieu de souligner qu’il est inapproprié, eu égard à la nature de la mission de la Protection Civile, que son budget soit géré par une structure extérieure à son organigramme. Par ailleurs, faut-il rappeler, qu’il semblerait difficile de réussir un accompagnement conséquent des partenaires techniques et financiers (PTF) si la DGPC n’a pas son propre compte bancaire et son propre journal comptable.
Du point de vue opérationnel et logistique, les unités opérationnelles de la Protection Civile sont confrontées à plusieurs difficultés dont entre autres :
- Les camions d’incendie ne disposent pas de grande capacité d’eau permettant une intervention d’une longue durée. Ces camions disposent de 2 000 litres à 3 000 litres or, un camion de 3 000 litres utilise 2 ou 3 lancées d’eau, au maximum de 10 minutes. Après cela, il faut aller chercher de l’eau et très souvent à la base à Tombo quand c’est à Conakry et dans les fleuves quand c’est à l’intérieur du pays, pendant ce temps, le feu continue ses ravages ;
- L’inexistence de bouches et poteaux d’incendie qui datent du temps colonial. Ces bouches et poteaux d’incendie sont presque toutes arrachées, donc il n’y a pas de source d’approvisionnement en eau ailleurs sinon que dans les Services d’Incendie et de Secours (SIS). L’urbanisation des villes n’a pas tenu compte de cette nécessité ;
- La vétusté et le manque de camions incendie (FPT) et d’ambulances d’intervention (VSAV) ;
- L’insuffisance d’effectifs d’agents d’intervention pour la couverture nationale efficace (929 agents pour tout le pays). A titre de comparaison illustrative, en 2019, la Côte-d’Ivoire comptait plus de 3 000 pompiers au niveau de son ONPC.
Ces faiblesses endogènes de la DGPC combinées à des facteurs exogènes comme le difficile accès de certains quartiers et marchés de Conakry et de l’intérieur du pays, les constructions anarchiques qui ne respectent pas les normes avec des branchements électriques qui déclenchent des incendies à tout va rendent la tâche de la DGPC extrêmement difficile.
C’est bien au regard de tous ces facteurs que le Gouvernement guinéen a décidé en 2021, d’opérer un changement structuro-fonctionnel de la Protection civile en faisant appel à une agence des Nations Unies. Un Office National de la Protection Civile devait voir le jour la même année après la validation le 14 juillet de la même année, d’une étude sérieuse. L’État étant une continuité, il ne reste plus qu’à prier pour que les nouvelles autorités se penchent sur cette question car la naissance de l’ONPC, permettrait de mitiger les multiples risques domestiques et industriels auxquels les citoyens sont exposés au quotidien.
Par ailleurs, il est important de noter que plusieurs pays africains[1] tels que la Côte d’Ivoire, le Togo, le Bénin, la Tunisie, etc., ont adopté ce mode de gouvernance de la Protection civile.
[1] https://www.onpc-ci.org/, https://anpctogo.tg/, http://www.onpc.nat.tn/index.php/fr/