Son visage souriant était peut-être le meilleur antidote à la déflagration surprise causée par l’élection de Donald Trump : mardi, jour où le candidat républicain devenait le 45e président des Etats-Unis, une frêle jeune femme à la peau noire devenait la première femme d’origine somalienne élue à la Chambre des représentants.

Ilhan Omar, 33 ans, fera ainsi partie des élus du Minnesota, un Etat du Midwest qui concentre la plus grande communauté somalienne (environ 50 000 membres) aux Etats-Unis. Déjà en août, lors de sa désignation comme candidate, après avoir battu aux primaires Phyllis Kahn, qui occupait le poste depuis 1973, le Star Tribune, le quotidien local, avait considéré qu’Ilhan Omar était en train «d’écrire une page d’histoire».

Aujourd’hui son élection au sein du pouvoir législatif américain, facilitée par le désistement «pour raisons familiales» de son concurrent républicain, lui aussi Somalien, est peut-être la bonne nouvelle de cette longue période électorale qui s’achève sur le constat d’une Amérique plus divisée que jamais.

Pieds dans le plat

La jeune femme, mère de trois enfants, très active dans le monde associatif (elle dirige les initiatives stratégiques au sein de l’ONG Women Organizing Women) a présenté un programme à forte connotation sociale : soutien aux familles défavorisées, plus large accès à l’éducation, protection de l’environnement, etc.

Mais elle n’a pas eu peur non plus de mettre les pieds dans le plat, en affichant sans complexe sa singularité culturelle : dès sa victoire officialisée, elle a ainsi d’emblée dédié son mandat «aux jeunes et aux femmes de la communauté d’Afrique de l’Est», promettant d’être également «la voix des musulmans». Dans l’entourage du nouveau président, certains ont dû avaler leur Coca light de travers. Pendant la campagne, Trump n’a-t-il pas appelé à «interdire l’entrée aux Etats Unis à tous les musulmans» ? En meeting à Minneapolis, la capitale du Minnesota, n’avait-il pas décrit la présence de l’importante communauté somalienne comme un «désastre» ?

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«Mon plus grand défi sera de représenter un district composé de communautés en réalité très différentes», avait expliqué de son côté la jeune femme dans une interview au Huffington Post avant son élection, ajoutant qu’à ses yeux «l’une des valeurs fondamentales de sa foi musulmane», c’est de «toujours tenter de parvenir au consensus».

Camp de réfugié

La vie de la jeune Ihlan Omar est assez représentative de celles des réfugiés somaliens présents aux Etats-Unis : née en 1982 à Mogadishio, la capitale somalienne, elle fuit la guerre et se retrouve à 8 ans dans un camp de réfugiés au Kenya. Elle y restera quatre ans avant d’être admise aux Etats-Unis. Une nouvelle vie dans un pays certes en paix mais non dénué de tensions : «Pour la première fois, je réalisais que j’étais noire et musulmane et que ma couleur de peau et mon hijab me distinguaient du reste de la population», expliquera-t-elle plus tard.

Elevée par son père et son grand-père, elle aurait succombé au virus de la politique sous l’influence de ce dernier. Très jeune, elle devient militante de base du parti démocrate, colle des affiches et fait du porte-à-porte. Sans pour autant négliger l’école et les études qui permettent à cette réfugiée modèle de décrocher un diplôme de sciences politiques. Son parcours politique ne sera pas pour autant épargné par la violence ou les polémiques : il y a deux ans, à l’issue d’un meeting, elle se fait agresser par sept ou huit hommes pour des raisons restées obscures. Le parti républicain l’a aussi accusé d’avoir contracté un faux mariage en 2009 avec un homme qui serait en réalité son frère (elle n’est mariée que religieusement, et non civilement, avec le père de ses enfants avec lequel elle vit depuis 2002).

«L’Etat aux 10 000 terroristes»

Reste que son élection au moment où Trump triomphe souligne opportunément que la diversité multiculturelle des Etats-Unis restera représentée au niveau des institutions fédérales. La jeune élue aura beaucoup de défis à relever dans «l’Etat aux 10 000 terroristes», surnom donné par un ancien maire de Saint-Paul, ville jumelle de Minneapolis, en référence à la formule touristique du Minnesota, «l’Etat aux 10 000 lacs». Lequel pourrait vite se retrouver dans le collimateur de la nouvelle administration si des attaques comme celle qui s’est déroulée en septembre venait à se répéter. En effet, le 19 du mois un étudiant de 22 ans d’origine somalienne, Dahir Adan, attaque à l’arme blanche les clients d’un centre commercial situé à une centaine de kilomètres au nord-ouest de Minneapolis. Vêtu de l’uniforme d’une compagnie de sécurité privée, il sera abattu par la police mais l’assaut sera aussitôt revendiqué par l’Etat islamique.

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Une agression qui survient deux mois après l’étrange attaque menée par un groupe de jeunes Somaliens qui, en une après-midi, avaient terrorisé les passants dans une banlieue huppée de Minneapolis, hurlant des appels à la charia et menaçant ceux qu’ils croisaient sur leur chemin tout en agitant les drapeaux de leur pays d’origine. Mais l’événement le plus préoccupant remontant à avril 2015, lorsque le FBI arrête six jeunes Somaliens qui s’apprêtaient à partir pour la Syrie. Jusqu’à présent, les autorités ont réussi à éviter les amalgames avec l’ensemble de la communauté somalienne, principalement installée dans le quartier de Cedar-Riverside, rebaptisé le «petit Mogadishio», à Minneapolis. Mais en sera-t-il de même quand Donald Trump sera au pouvoir ? Pendant la campagne électorale, Ilhan Omar avait fustigé l’«islamophobie et l’exploitation de la peur» du candidat républicain, l’accusant d’alimenter «les crimes motivés par la haine de l’autre» : «Que deviendront nos vies, si cet homme devient président ?» s’était-elle interrogée. La question est plus que jamais pertinente, et pas seulement pour la nouvelle élue à la Chambre des représentants

Sources ; Libération.fr

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