Recevez, monsieur le Directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anss), mes cordiales salutations et bon début de Ramadan.
Ce courrier ne devait pas s’adresser à vous cette semaine, mais vous devez le savoir, le journaliste colle à l’actualité. Et l’actualité en ce moment c’est vous, ou du moins le service dont vous avez la lourde responsabilité de diriger avec la confiance du peuple de Guinée à travers un décret du Président de la Transition, le colonel Mamadi Doumbouya. L’actualité, c’est donc vous car une… urgence sanitaire pointe à l’horizon pour ne pas dire qu’elle s’est déjà installée et affecte déjà la santé de bon nombre de citoyens guinéens. Il s’agit de la résurgence du Coronavirus, duCovid-19 ou alors de l’Omicron. Je ne vous apprends rien si je vous disais que plus d’une cinquantaine de cas a été observée à Kamsar et quelques cas isolés même à Conakry. Vous seul êtes en mesure de nous indiquer l’ampleur des cas d’infection dans tout le pays, à moins que, très grave, vous ne soyez au courant, ce que je n’ose même pas imaginer. J’en conclu donc que vous avez choisi de garder le silence, un silence que je qualifierai de coupable et d’irresponsable.
Car, médecin de votre état, ayant vécu j’imagine en Guinée pendant le pic de cette maladie, vous connaissez parfaitement les ravages de cette maladie virale et son cortège de morts. Plus grave encore quand les mesures de protection et de contamination ne sont pas appliquées.
Monsieur le Directeur général, le jeudi, les fidèles musulmans entament le mois saint de pénitence du Ramadan avec ses obligations de prières collectives. Et vous savez que les regroupements sont vecteurs de transmission en masse de la maladie. Vous savez également que les Guinéens ont abandonné les mesures sanitaires de prévention et de protection. Personne ne porte plus le masque, personne ne se lave régulièrement les mains, personne ne tousse dans son coude, on se salue, on s’embrasse, on s’étreint fortement, pas de distanciation sociale (les marchés, maquis et boîtes de nuit sont pleins à craquer) et on fait tous les gestes naguère interdits.
Ne pensez-vous pas alors que votre silence pourrait contribuer à accentuer le nombre de contamination ? Pourquoi et comment voulez-vous que les Guinéens se protègent contre quelque chose dont ils ne sont pas informés ? Savez-vous ce que l’on appelle les porteurs sains de la maladie, tout soignant que vous êtes ? Bien, si je suis porteur sain, cela veut dire que je peux être infecté mais mon organisme résiste bien et je ne développe pas la maladie. Traduction simple : porteur sain, ça veut dire que je peux continuer à contaminer des gens autour de moi en toute innocence. Sinistre responsabilité qui devrait vous faire réfléchir. Car l’insouciant, en ces heures, met en danger sa femme et ses enfants, ses voisins du quartier, ses amis et ses copains, bref tout le monde autour de lui. Qui peut prétendre qu’il garde l’esprit serein devant une telle responsabilité ? Mais ce porteur sain n’est pas à blâmer car c’est vous, par votre silence, qui portiez l’entière responsabilité à sa place. Quel intérêt avez-vous dans ces circonstances d’être le roi du cimetière ? Voulez-vous tous nous tuer ?
« Tuez-les par balles ». Ces mots qui claquent étaient ceux de Rodrigo Duterte, président des Philippines, au moment du confinement dans son pays. Dans une allocution, ce chef de l’Etat avait invité les forces de police à faire usage de leurs armes quand cela serait nécessaire, pour lutter contre la propagation du Covid-19. Même en allant jusqu’à « tuer » les personnes qui ne respecteraient pas le confinement et qui deviendraient dangereuses.
Nous n’en sommes pas là ni à un retour de l’état d’urgence sanitaire, mais si vous persistez dans votre secret et mutisme nous plongerons inévitablement dedans.
Bref, monsieur le Directeur général, les images du passé doivent servir de leçon pour corriger rapidement le tir. Acceptez de dire la vérité aux populations et au chef de l’Etat. Il faut une participation citoyenne pour tuer ce virus dans l’œuf.
Car une dernière chose monsieur le Directeur : le gouvernement et ses démembrements ne sont pas toujours responsables de nos misères. Il y a, avant tout, les attitudes du citoyen. Parce qu’un homme a des droits et des devoirs. On ne peut pas démarier ces deux éléments. Nous avons des devoirs envers la société. Surtout dans cette situation de début de pandémie qui pourrait nous valoir encore des cauchemars si on n’y prend garde !
Passez un bon mois de Ramadan et j’espère qu’avec votre réaction diligente, les Guinéens le passeront également bien !