Monsieur le Premier ministre, chef du Gouvernement

Monsieur le Premier ministre, à force de chercher en vain quel département s’occupe du civisme en Guinée, je me suis résolue à vous adresser ce courrier qui j’espère retiendra votre attention de chef du Gouvernement.

Monsieur le Premier ministre, ce courrier a pour but de vous interpeller sur le manque de civisme de nos concitoyens à tous les niveaux.

Monsieur, n’avez-vous pas remarqué le comportement de nos concitoyens en cas d’accident de la circulation ? Ils viennent s’arrêter en badauds, alors qu’ils ne sont ni secouristes, ni sapeurs-pompiers, ni policiers, rien. Parmi eux, des voleurs, des étourdis mentaux, des curieux, des spectateurs. Ces irresponsables viennent ainsi pomper l’oxygène aux blessés déjà mal en point et qui en ont besoin pour respirer, reprendre leur souffle, mais hélas ! Ils sont aussi là même en cas d’incendies ou d’explosions pour juste regarder et aller raconter en gonflant plus ou moins la réalité. Ils sont inciviques et même dans cet incivisme, certains filment, prennent des selfies, pour sauvegarde la scène de détresse, tels des vampires s’approvisionnant en chair fraiche. Rares auront l’idée d’appeler les sapeurs-pompiers ou le secours médical.

Voilà un trait caractéristique de l’incivisme chez nos concitoyens, monsieur le Premier ministre !

Les corps de métier ne sont pas en reste quand ils s’engagent dans la chose politique.

– Mon frère, tu es médecin, tu es allé battre campagne pendant des jours pour ton parti ? Tu es incivique ! Combien de patients sont morts pendant ton absence ?

– Ma sœur, tu es chef de service et tu es allé battre campagne pour ton parti, tu es incivique ! Combien de dossiers sont restés en souffrance pendant les 21 jours de campagne ?

– Tu es planton, tu es allé en campagne pendant trois semaines pour ton parti ? Tu es incivique ! Combien de courriers sont restés non distribués pendant 21 jours ?

– Etc…

Pourtant, on peut faire la campagne autrement, de façon moderne et civilisée sans freiner les activités liées au bon fonctionnement du service ! Et après les élections, on trouvera toujours des bouc-émissaires pour justifier notre retard de développement !

Voilà un trait caractéristique de l’incivisme chez nos cadres politiques, monsieur le Premier ministre !

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Que dire de certains responsables au sommet de l’Etat, de toute la faune guinéenne de l’enfant aux parents, monsieur le Premier ministre ?

Si aujourd’hui, les élèves bloquent les voix, c’est peut-être le signe d’un incivisme, mais encore plus et surtout, le signe d’un désarroi collectif, face à ce qui semble être le mépris des gouvernants et le silence de la société. Prenez en bonne note, monsieur le Premier ministre !

Quand on met dans la tête des gens que tous ceux qui ont un véhicule confortable, tous ceux qui ont bâti leur maison, tous ceux qui arrivent à s’en sortir tant bien que mal, quand on fait croire que tous ces gens sont des voleurs sans cœur…

Quand je dois expliquer dix fois, cent fois, mille fois que je travaille dur, que ce que j’ai est le fruit d’un labeur incessant, et que je n’ai rien volé à l’État…

Lorsque je vois des jeunes gens pleins de vigueur et qui restent là amorphes, sans initiative, vivant dans la maison du père et mangeant le fruit du travail de la vieille mère, des gaillards qui attendent je ne sais quoi et qui jalousent les autres…

Quand on va dire au villageois perdu dans ce monde de truqueurs que tous ses malheurs sont le fait des gens de la ville qui passent leur temps à avaler toutes les richesses, alors qu’on sait la vie dans certains quartiers de la ville plus précaire qu’au village…

Quand on va exciter la cupidité de gens préparés à professer qu’ils ne sont jamais responsables de leur situation, mais qu’il y a des jaloux, des sorciers et des malveillants…

Quand on ne craint pas de dire au pauvre que le riche le méprise, alors qu’on n’ignore pas que le pauvre ne peut comprendre qu’un véhicule de service n’est pas la propriété privée de l’homme au volant…

L’incivisme, ça commence donc dans la tête et depuis la maison. Nos enfants nous écoutent et nous regardent. Méditez cette petite histoire, monsieur le Premier ministre :

Un homme réveille son fils aîné aux aurores et ordonne :

– Tu vois cette chèvre ? Tu vas la prendre, tu vas au marché et tu m’en rapporte un bon prix ! Tu as compris ?

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– Oui papa !

Le garçon s’en va au marché. Malheureusement, un copain l’invite à prendre un verre. Au retour, il ne retrouve pas sa chèvre dans l’enclos de vente des animaux. Son copain s’inquiète :

– Qu’est-ce que tu vas dire à ton père ?

– T’inquiète, je sais quoi lui répondre !

Le soir venu, le garçon rentre à la maison et continue tout droit dans sa chambre, puis vaque tranquillement à ses occupations.

Après le repas de la soirée, le père interpelle finalement son fils :

– Mais la chèvre, tu l’as vendue combien ?

– Je l’ai vendue au même prix que toi tu l’as achetée, papa !

– C’est bien. On laisse tomber mon fils ! La prochaine fois, fais attention !

Vous pouvez vous-même, monsieur le Premier ministre, tirer la conclusion que ce père est un voleur et la chèvre, il l’a volée !

Vous pouvez vous-même, monsieur le Premier ministre, tirer la conclusion que ce père est un voleur et la chèvre, il l’a volée !

C’est comme la souris qui gifle sa fille, parce que celle-ci a volé dans la réserve familiale, réserve familiale que chacun sait constituée essentiellement de rapines ! Jugez-en vous-même, monsieur le Premier ministre ! Est-il besoin de convoquer la sagesse des anciens pour expliquer que « le poisson pourrit par la tête ? ». Et si donc nous sommes aujourd’hui tous inciviques, c’est depuis la base et il serait difficile de nous ramener.  Mais nous pouvons au moins, monsieur le Premier ministre, sauver la génération à venir en instaurant véritablement l’instruction civique à la base, c’est-à-dire à l’école, avec le coefficient le plus élevé des matières.

Alors, je vous en prie, monsieur le Premier ministre, dites à votre ministre de l’Enseignement pré-universitaire et de l’Alphabétisation, d’arrêter d’abrutir nos enfants avec ses nombres premiers et de faire de l’enseignement civique à l’école un challenge, un défi. En réussissant, il n’aurait plus besoin de ses caméras de surveillance inutiles et populistes pour contrôler le civisme aux examens des apprenants.

Veuillez recevoir, monsieur le Premier ministre, mes salutations distinguées !

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