Mon Colonel, cette semaine ce courrier ne devrait pas vous être adressé mais au Procureur spécial ou au Président de la CRIEF. Mais vu l’ampleur du phénomène et les solutions à apporter, vous êtes la personne la mieux indiquée de la transition pour recevoir ce courrier.

Mon Colonel, depuis 2010 et depuis le 5 septembre 2021, l’observation étant faite, l’hypothèse posée et la vérification effectuée, il apparaît sans l’ombre d’aucun doute ceci et qui a valeur de déduction : la Guinée est un pays riche. Très riche ! Mais ses propres enfants « travaillent » à le rendre pauvre. Plus pauvre ! Encore plus pauvre !

Des hauts commis de l’État, sans scrupule aucun, dépècent et charcutent les maigres ressources publiques ! Qu’on ne s’étonne donc pas que malgré les fonds colossaux injectés dans tel ou dans tel secteur, qu’il y ait toujours de si piètres résultats. Un canari troué ne peut se remplir à moins d’en colmater sérieusement ses brèches.

Point d’étonnement également de voir pousser une forêt de villas cossues, de remarquer une multitude de grosses cylindrées rouler et des comptes en banque garnis.

Tant pis, si les élèves et étudiants manquent de salles de cours et d’amphithéâtres. Tant pis, si les routes se délabrent, si les pécules retardent, si l’eau et l’électricité font toujours défaut, etc.

Mon Colonel, aujourd’hui encore le scepticisme vis-à-vis de la parole publique s’explique par des attentes déçues, de nombreuses promesses non tenues et des espérances toujours en attente.

Joindre l’acte à la parole, donner chair et corps au discours, voilà le meilleur moyen de convaincre notamment en matière d’impunité, de sécurité et de lutte implacable contre les pratiques corruptives.

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Mon Colonel, à l’avenir l’État doit être délesté et dégraissé de certaines institutions qui grèvent le budget et dont l’utilité reste fort discutable. Surtout ces EPA à double emploi inutiles !

Également, un Gouvernement moins dodu et moins touffu saura mieux faire face avec plus d’efficacité aux enjeux du moment notamment les questions de développement.

Le traditionnel « partage » des postes entre copains et coquins « de longues dates » ralentit l’élan des politiques publiques au profit des populations.

Oui, mon Colonel, quand la chose publique devient privée et privatisée entre amis, est-ce alors si difficile d’expliquer et de comprendre les insuffisances en matière d’infrastructures scolaires, d’accès à l’eau potable, à l’énergie, à la santé, à la sécurité… ?

Et c’est pour venir convoquer et demander encore de l’aide auprès des Partenaires Techniques et Financiers !!!

Mon Colonel, depuis le 5 septembre 2021, vous avez entrepris une lutte implacable contre la corruption, pour abattre l’hydre budgétivore qui sévit dans l’Administration publique, je vous en félicite. Toutefois, de cette hydre à neuf têtes, vous n’en avez coupé qu’une, il en reste huit autres plus voraces avec des tentacules partout, jusque dans certains recoins de la Présidence même. Alors, encore un effort mon Colonel, abandonnez le couteau et utilisez cette fois-ci un grand sécateur, vous viendrez à bout des huit têtes en un seul coup.

Mon colonel, notre État a besoin d’un gros garrot pour arrêter ou du moins limiter l’hémorragie financière causée par les détourneurs des deniers publics.

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Si on ne le fait pas, alors arrêtons-nous de nous plaindre qu’il n’y ait pas assez de salles de cours, d’infrastructures sanitaires, routières…

Notre société ne changera pas pour être comme le Rwanda tant que la morale et l’éthique n’investiront pas politiquement et socialement nos mœurs.

L’impunité aussi est un cancer qui aura raison du corps social. C’est un scandale moral qui booste les pratiques corruptives.

A la fin, nous nous retrouverons dans un environnement pollué où ni le mérite ni l’effort encore moins le travail ne feront pas la dignité et l’honneur. Au contraire, c’est la rapine, le vol, le brigandage et l’escroquerie qui seront plutôt hélas honorés. Et quel honneur !

Pour finir mon Colonel, le constat ayant été fait, la Guinée a réellement besoin d’une radicalité positive dans la gouvernance. Au lieu de secouer le cocotier, on l’observe. Ainsi naissent et prospèrent les maux mais aussi les tares tant décriées à savoir : la corruption, les détournements des deniers publics, le clientélisme…

Le dire ne suffit pas, ne suffit plus. Il faut agir. L’action doit être la résultante de l’intention. De la bonne intention surtout.

J’ose espérer mon Colonel, que ces quelques vérités que votre entourage ne vous dira jamais, ne me vaudront pas une visite inopinée des Forces Spéciales.

Jeanne Laforestière

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