Il semble que les personnes poursuivies devant la CRIEF sont impliquées dans plusieurs dossiers et qu’elles ont des réalisations qui sont estimées à des milliards, d’où les montants élevés qui leur sont demandés à titre de caution. Mais, le grand problème, c’est que même leurs avocats, d’après ce qu’ils déclarent, ne sont pas au fait de tous les dossiers concernés. Et pourtant, ils ont accès à la procédure. En plus, la loi permet au parquet spécial de communiquer, sans porter atteinte à la présomption d’innocence, sur les éléments objectifs tirés des dossiers de la procédure. Dire que les inculpés devant la CRIEF sont impliqués dans plusieurs dossiers sans qu’on ne sache lesquels et qu’ils ont des réalisations évaluées à des milliards sans qu’on ne connaisse le montant estimé de ses réalisations ne suffit pas. Il est vrai qu’au regard du patrimoine immobilier de certains commis de l’État et leurs revenus licites, on peut raisonnablement se poser des questions. On peut même être très choqué par le niveau outrageusement élevé des atteintes aux biens publics. Une pratique toujours déposée par la majorités des guinéens indépendamment de leur position politique. Mais quand on a judiciarisé la question, l’on est obligé d’aller au-delà des commentaires du quartier afin de monter un ou des dossiers assez solides pour résister à une analyse juridique approfondie même très approfondie.

On ne dira jamais assez que la création de la CRIEF est une initiative très salutaire. Car cette juridiction permettra aux commis de l’État de ne plus confondre leurs patrimoines propres à celui de l’État qui appartient à tous, de comprendre une bonne fois qu’ils sont au service de l’État et non le contraire et qu’ils doivent rendre compte de leur gestion.

Mais, aussi salutaire soit cette grande œuvre de moralisation de la gestion publique, il faut veiller à ce qu’elle se fasse dans le strict respect de la loi. Quand on parle du respect de la loi, il y a sûrement des personnes aux affaires aujourd’hui qui peuvent s’en moquer en estimant que ce qui est plus important, ce sont les condamnations qui pourraient tomber et non la manière dont elles sont obtenues. Telle était l’attitude de bon nombre de ceux qui ont maille à partir actuellement avec la justice. Mais mal leur en a pris. Sachons donc que la roue, et c’est dans sa nature de tourner.

Me Mohamed Traoré

Ancien Bâtonnier