1. Le NON du 28 Septembre est le NOM de Ahmed Sékou Toure. On l’appelle ainsi « l’homme du 28 Septembre ». En dépit de tous ceux qui veulent s’attribuer en partie ou en totalité la gloire liée à cet acte historique, ou noyer le rôle du sujet individuel dans le flou de l’union de tous les acteurs politiques, les faits et leur analyse mettent facilement en évidence que si Sékou TOURE n’avait pas voulu de l’indépendance, la Guinée n’aurait pas voté NON.

2. Il faut cependant éviter le piège de ce premier NOM, qui consiste à faire du NON du 28 Septembre le résultat simple d’un conflit de personnalité entre Charles de Gaulle et Sékou TOURE. Le NON était inscrit dans le cours de l’histoire, et l’HISTOIRE a voulu que le NON soit la rencontre d’une conjoncture historique avec un sujet qui est lui-même le produit d’une histoire sociale et politique. Sékou TOURE disait du marxisme que même si Marx en tant qu’individu n’avait pas existé, le marxisme serait advenu, parce que son moment historique était arrivé. De même, le moment historique des indépendances des pays colonisés était arrivé, et il s’est trouvé qu’en Afrique, Sékou TOURE en ait été le porteur et le sujet. Ce n’est pas une histoire de psychologie.

3. Le NON est aussi le NOM de la LIBERTÉ, de l’INDEPENDANCE et de la SOUVERAINETÉ. C’est un choix, dont il faut, dans la célèbre phrase (‘Nous préférons la liberté dans la pauvreté à l’opulence dans l’esclavage ») gommer, si on veut en comprendre le sens réel, gommer les adjonctions antinomiques – pauvreté et opulence – qui renforcent la radicalité du choix, pour le ramener à son expression plus simple et dire :  » Nous préférons la liberté à l’esclavage ! ». Exprimée ainsi, la phrase dit bien ce qui est en jeu : la liberté d’un côté, et alors il faut voter NON, et l’esclavage (la domination coloniale sous des formes édulcorées) de l’autre, et alors il faut voter OUI. La Guinée de Sékou TOURE seule osa voter NON. Car la liberté est un choix difficile, dans quelque domaine que ce soit : l’enfant qui se libère de sa mère, l’élève qui se libère des enseignements du maître, le serviteur, nourri par ses propriétaires qui se libère de ce confort pour s’en sortir (ou périr) par lui-même, la femme qui se libère des entraves du patriarcat, le jeune qui se libère des entraves des aînés et de leurs traditions, le musicien qui conteste les standards du mainstream, toute liberté à un prix. Et la Guinée de Sékou TOURE, à travers la formule de Sékou Toure, affirma : je veux être libre et je suis prêt à en payer le prix, et, Dieu le sait, elle en paya le prix ! Comme, avant elle, Toussaint Louverture contre Napoléon, les États Unis et l’Inde contre le Royaume Uni. Comme le choisissaient dans le sang et les douleurs de la guerre, les combattants de la liberté en Indochine ou en Algérie. Comme, plus tard, Mandela, plus libre dans les geôles de l’Apartheid que dans le confort qu’il pouvait se permettre en tant qu’individu de la classe moyenne, confort que choisirent Senghor, Houphouet et tous les autres leaders de l’Afrique Francophone, hormis ceux qui furent assassinés – Um Nyobe, Lumumba, Felix Moumie – qui durent donc payer le prix le plus fort, leur vie, pour avoir choisi la liberté. Voilà pourquoi le NON du 28 Septembre est le nom de la Liberté.

4.Le NON du 28 Septembre est aussi le NOM DE L’AFRIQUE, DE LA LIBERTÉ ET DE L’UNITÉ DE L’AFRIQUE. C’est le NOM d’un soutien radical aux Mouvements de Libération en Afrique – en Algérie, au Cap-Vert, en Angola, au Mozambique, au Zimbabwe, contre l’Apartheid. C’est le NOM de l’Union Guinée-Ghana avec des ministres résidents, puis Guinée-Ghana-Mali, c’est le nom de l’OUA, c’est le NOM de Nkrumah, co-président de la République de Guinée, c’est le NOM de Myriam Makeba intervenant à la Conférence Générale des Nations Unies au nom de la République de Guinée. Le NON du 28 Septembre est bien le NOM de l’AFRIQUE – et la Guinée en paya le prix fort, contre son développement, contre « l’opulence de l’esclavage ».

5.Aujourd’hui, le NON du 28 Septembre s’est totalement réalisé dans ses NOMS PREMIERS: la liberté, l’indépendance, l’Afrique. La Guinée en a payé le prix, au prix de l’opulence. Elle doit en être fière… et en assumer le prix. Et je pose maintenant cette question : QUELS SONT AUJOURD’HUI LES NOMS DU NON 28 SEPTEMBRE ?

Texte de l’intervention de Bailo Telivel Diallo prononcé le 28 Septembre 2016Lors du meeting au siège du PDG-RDA à Conakry