01 juillet 2022, la Cour pénale internationale (CPI) fête ses 20 ans. 14 juillet 2022, instruction du Président de la Transition, en Conseil des Ministres, instruction portée par le Ministre de la justice et des droits de l’homme, Garde des sceaux, Monsieur Alphonse Charles Wright, pour la tenue du procès des massacres du 28 septembre 2009 avant l’anniversaire du douloureux évènement. D’un côté, c’est la première fois que l’humanité s’est dotée d’une juridiction internationale pénale permanente chargée de juger les présumés coupables des crimes les plus graves contre l’espèce humaine. De l’autre, plus d’une décennie après les faits, une annonce sérieuse est faite par les autorités guinéennes afin de tenir ce procès tant attendu pour juger les présumés auteurs de l’une des parenthèses les plus sanglantes de l’histoire récente de la Guinée. Il s’agira, dans la présente tribune, de peindre les laborieuses négociations ayant précédé son avènement, des heurts et des réussites qui ont caractérisé son édification qui reste à parfaire et surtout évoquer l’application concrète de son principe fondateur qu’est celui de la complémentarité, à travers le test offert par l’Affaire des massacres du 28 septembre 2009 de la Guinée.

De laborieuses prémisses, de heurts notables et de réussites d’une construction à parfaire pour combattre l’impunité dans le monde  

Il était impensable d’imaginer une juridiction pénale internationale permanente ayant vocation à régir une matière pénale, un ressort de la chasse gardée des compétences étatiques, jalousement gardées. Il faut, tout de suite, rappeler que les précédents des tribunaux militaires de Nuremberg et de Tokyo ainsi que les tribunaux pénaux internationaux du Rwanda et de l’Ex-Yougoslavie ne constituaient que des tribunaux ad hoc circonscrits dans un laps temps défini et couvrant un espace bien déterminé. Les travaux d’éminents doctrinaires, l’action des ONGs et le rôle des Etats progressistes (Pr Cherif Bassiouni, Human Rights Watch, Amnesty international, Italy, Canada, Sénégal, Pays-Bas,…) ont été déterminants pour l’adoption du Statut de Rome portant création de la Cour pénale internationale le 17 juillet 1998 ; une juridiction fonctionnelle depuis le 01 juillet 2002. Elle a connu d’énormes difficultés dus à l’absence des Etats membres du Conseil de sécurité comme les Etats-Unis et la Chine et la menace de retrait des Etats africains par le passé. Cependant, de plus en plus, elle constitue une épée de Damoclès sur les potentiels auteurs d’infractions graves entrant dans sa compétence que sont les crimes contre l’humanité, entre autres. Comme toute institution, de surcroit une institution régie par le droit international qui est caractérisé par le principe de relativité, la CPI est loin d’être parfaite. L’élargissement de son membership à travers la promotion de la ratification de son statut par d’autres Etats, la célérité de ses procédures, le soutien aux victimes, l’information sur ses travaux et sur sa jurisprudence ainsi que son indépendance vis à vis des Etats sont autant d’avenues pour parfaire l’institution.  

La Guinée, la CPI et la traduction concrète du principe de complémentarité du Statut de Rome : le test de l’Affaire des massacres du 28 septembre 2009  

La Guinée est un pays partie au Statut de Rome et Etat membre de la CPI (signature le 08 septembre 2000 et ratification le 14 juillet 2003) sur le territoire duquel se sont produits les massacres du 28 septembre 2009, des infractions qui entrent dans sa compétence. Le Code pénal guinéen (Loi n°2016/059/AN du 26 octobre 2016) et le Code de procédure pénale guinéen (Loi n°2016/60/ AN du 26 octobre 2016) consacrent respectivement l’intégration des règles et principes du Statut de Rome et l’affirmation de la coopération avec la CPI. L’affaire est devant elle sous examen préliminaire à la phase 3 (recevabilité). L’affaire étant renvoyée pour jugement devant les juridictions guinéennes, après instruction et épuisement des voies de recours, il est aujourd’hui salutaire de voir ce procès s’ouvrir. Les diverses annonces des autorités guinéennes, ces derniers temps, sont rassurantes.

Les défis et les enjeux de la tenue d’un tel procès sont immenses mais non insurmontables : l’infrastructure adéquate, la mobilisation des ressources financières, les aspects sécuritaires, la formation des magistrats et autres intervenants aux subtilités du droit international pénal, la protection des magistrats, victimes, témoins et autres personnes impliquées, la communication, etc.

Pour terminer, il est important de souligner, comme l’ont dit d’autres, que la Cour pénale internationale (CPI) est là pour rester. Des crises, elle en a connu et elle en connaitra encore sans aucun doute ; mais elle continuera à planer au dessus des têtes de personnes susceptibles de commettre des violations graves des droits de la personne et à assurer la protection des victimes de telles infractions dans le monde. Sur le plan national, la tenue du procès des massacres du 28 septembre 2009 jusqu’à son terme en Guinée constitue un test considérable pour la CPI quant à l’affirmation de son caractère de juridiction complémentaire aux juridictions nationale en matière de répression des infractions graves réprimées par le Statut de Rome et par d’autres textes connexes.

                                                                                                  Conakry, le 25 juillet 2022

-Juris Guineensis No 34.  

Me Thierno Souleymane BARRY, Ph.D 

Docteur en droit, Université Laval/Université de Sherbrooke (Canada)  

Professeur de droit, Consultant et Avocat à la Cour