A l’occasion de la récente célébration  du mois de l’enfant, la rédaction du courrier de Conakry a rencontré Me Thierno Souleymane Barry, consultant et avocat à la Cour pour parler du système pénal pour enfants en Guinée.

Dans cet entretien exclusif, l’avocat aborde brièvement le problème de siège du tribunal pour enfant et le manque de centres de détentions adaptés ainsi que la réinsertion de ces jeunes qui sont en conflit avec la loi. Me. Barry donne également son avis sur l’implication des orphelinats et les ONG pour la protection des enfants. Lisez !

Quel est votre regard sur la situation des enfants en Guinée ?

Quelque part, on note une certaine recrudescence de nos jours et certaines infractions concernant les enfants. Mais en dépit de cela, il faut noter également que la Guinée fait partie des pays signataires de la convention relative aux droits de l’enfant 1989. La Guinée fait partie aussi de la charte africaine des droits et bien être de l’enfant. En accord avec les dispositions de ses conventions, la Guinée a intégré les droits contenus dans ces textes-là dans notre dispositif interne en adoptant le code de l’enfant. Un code spécifiquement destiné à la protection des droits de l’enfant. Quelque part, il y a quelques avancées qu’on note. Mais de l’autre côté, il y a beaucoup de freins.

Quels sont ces freins ?

C’est notamment en matière d’éducation qui touche aux enfants albinos, aux enfants mendiants. Il y a la question de l’immigration irrégulière. Beaucoup de jeunes qui sortent du lycée qu’on entend assez souvent sur l’axe Mamou, Boké, Kourémalé et vers la méditerranée. Il y a donc l’immigration clandestine qui est un fléau.

Quel est votre regard sur le cas du tribunal pour enfants en Guinée ?

L’un des tares le plus palpable, c’est la situation du système pénal pour enfants en Guinée. Il n’y a pas longtemps, le tribunal pour enfants a fait une grève pour réclamer un siège. Alors que le tribunal existe depuis plus d’une dizaine d’années mais le tribunal n’a pas de siège. Ils ont des difficultés pour tenir leurs audiences. Parfois, ils tiennent des audiences de manière temporaire tantôt au tribunal de première instance de Kaloum, tantôt à la cour d’appel de Conakry. Donc, ce n’est pas un système digne d’enfant alors que la spécificité de la justice pénale, c’est justement accorder toute l’attention possible pour les enfants qui sont en conflit avec la loi et qui ont un besoin spécifique.

La Guinée possède-t-elle un centre de détention pour enfants ?

Il y un quartier de mineurs à la prison. Alors que dans les conditions normales, il y a une séparation drastique qu’on doit mettre entre les enfants et les adultes. C’est l’un des principes d’ailleurs cardinal. On se demande maintenant si cela se fait dans l’ensemble des prisons du pays. Je n’en suis pas certain. Même si au niveau des garçons, il y a une séparation entre les hommes mais au niveau des filles parfois il n’y a pas. Alors que vous voyez ici une discrimination fondée sur le genre en matière de séparation des enfants et des adultes.

D’autres choses en matière de justice pénale pour enfant. On sait que l’incarcération est vraiment la mesure de dernier ressort. Alors qu’ici on n’a pas de centre ouvert ou semi-ouvert où on peut garder ces enfants-là. Donc la réinsertion pose un grand problème.

Selon vous qu’est-ce qu’il faut pour remédier à cette problématique ?

Il y a un effort qui doit être consenti afin qu’il y ait une séparation, ce n’est qu’un des éléments. Mais mieux, il faut doter des moyens suffisants à la justice pénale. Par exemple :  en dotant le tribunal pour enfant d’un siège fonctionnel, en formant des juges pour enfant, en accentuant la formation en droit de l’enfant au niveau de l’OPREGEM (Office de Protection du Genre de L’Enfant et des Moeurs) et autres.

Donc ça veut dire que la Guinée ne répond pas à toutes les normes internationales ?

La Guinée ne répond pas à toutes les normes en vigueur concernant les droits de l’enfant. Mais comme je l’ai dit, tout n’est pas noir. Il y a des efforts notamment avec l’appui de l’UNICEF. Ce qui est important à signaler, c’est qu’au niveau de la protection et la promotion de l’enfant, c’est la part prise par des ONG locales, par les communautés à la base par des individus. De plus en plus, vous avez plus d’orphelinats, vous avez également beaucoup d’ONG. Certaines font de la dénonciation avec tout ce qui est de mariage précoce, les infractions sexuelles visant les enfants, la lutte contre la stigmatisation des albinos. Donc, il y a une forte présence de la société civile ce qui est très appréciable de nos jours.

Pensez-vous que les enfants sont mieux protégés dans les orphelinats ?

Chaque enfant a besoin d’un toit. Mais s’ils se trouvent que tous les enfants ne l’ont pas et que d’autres personnes protègent ces enfants tant mieux. L’important c’est d’accompagner ces orphelinats. Parce que c’est des gens de bonne volonté qui n’ont pas nécessairement ni la formation ni les moyens. A défaut d’installer des centres gérés par l’État, le gouvernement doit accompagner les initiatives privées en accentuant sur les moyens, la formation et autre.

L’État ne devrait-il pas veiller à ce qui se passe dans les orphelinats, puisqu’à ce niveau certains enfants subissent des violences ?

Il appartient à l’État de protéger l’ensemble des droits de l’enfant mais connaissant la situation actuelle de la Guinée et le fait que l’État ne le fait pas, d’autres structures le font. La meilleure manière pour l’État serait d’accompagner ces structures-là. Si l’État envoyait des assistants sociaux, des psychologues au niveau des orphelinats en aidant à nourrir et à vêtir ces personnes-là, ça serait une prise en charge. Puisque c’est le rôle primordial qui appartient à l’État. Mais si d’autres le font tant mieux ça serait intéressant que l’État puisse accompagner.

En tant qu’homme de droit, qu’est-ce vous proposez à l’État pour mieux assurer la protection des enfants ?

La population guinéenne est très jeune, la Guinée est un pays à forte croissance de la population. On sait que l’avenir d’un pays c’est sa jeunesse. Donc investir dans l’éducation des enfants et dans le respect des lois, c’est investir dans l’avenir du pays. Donc l’État doit fortement investir dans ce domaine.

Propos recueillis par Ibrahima Bah