Par Asmaou Barry : Le 8 mars, c’est demain. Journée internationale des droits des femmes, raccourcie en « fête des femmes » chez nous en Guinée. Une journée sur 365 dans un monde où, de leur naissance à leur mort, les femmes de Guinée sont victimes à toutes les étapes de leur vie et vivent dans de conditions toujours précaires. Humiliées, frappées, violées, harcelées et insultées dans la rue et au travail ou encore mariées de force, mutilées et parfois victimes de crimes d’honneur. Cette couche qui constitue plus de la moitié de la population guinéenne continue d’être martyrisée.
Il est ainsi aberrant que l’on réduise, et banalise ces violences faites aux femmes avec des appellations et slogans réducteurs de cette journée du 8 mars. Comme si leur souhaiter « bonne fête » ou leur offrir des fleurs allaient atténuer leurs souffrances.
Il y a de bonne raisons de se persuader que la date du 8 mars n’est pas une fête. Au moins pour le moment.
Un rapport du forum économique mondial nous indique qu’il n’y a encore rien à fêter. N’en déplaisent aux dames, mais selon ce document, nos rêves d’égalité et de parité économique avec les hommes ne se concrétiseraient que dans 168 ans! Pour l’égalité homme-femme au travail, il n’y aurait quelque chose à célébrer qu’en 2 186. Ma génération et même celle de mes filles ne seront pas là en ce moment. De ce fait, je n’ai pas le sentiment qu’il me faille célébrer quelque chose en 2018. Par contre le prétexte du 8 mars m’inspire la lutte et le travail pour que les futures générations fassent la fête. Mais si c’est pour se retrouver au Palais du peuple, à Conakry, pour chanter, danser et écouter des louanges, alors je ne me sens pas concernée.
Partant de l’exemple sur la profession et l’emploi des femmes : est-ce que se mobiliser autour de l’égalité dans le travail, c’est pour dire uniquement qu’il y a des disparités de salaires entre hommes et femmes ? Ça devrait aussi être comment faire en sorte que les femmes puissent travailler sur de grandes thématiques et de grands défis de la société. Comment les rendre plus autonomes afin qu’elles sortent de la dépendance masculine.
C’est pourquoi les femmes doivent se battre davantage, pour obtenir plus de libertés, autant de de chance que les hommes dans les milieux professionnels et aussi mettre en avant la lutte contre les violences dont elles sont victimes. Parce que hélas, les violences faites aux femmes sont presque inscrites dans les gènes nos sociétés. Les femmes continuent à être victimes de préjugées, de stéréotypes et subissent des pressions. Cela au risque de compromettre leurs ambitions, leurs projets et leurs choix de vie… Ce sont des réalités qui se vivent et qui n’ont rien d’une allure de fête. Malheureusement, chaque 8 mars, on ne s’empêche pas de se retrouver pour se congratuler des droits acquis par les ainées; des droits dont on a même du mal à consolider. Et tout le monde trouve que cette « fête » est super.
Les femmes doivent savoir que si elles ont acquis des droits, ce n’est pas parce qu’un bon matin, les hommes ont trouvé qu’ils abusent et ont décidé d’être généreux envers elles. Ce sont des femmes qui se sont battues pour que les choses changent. Et puisque rien n’est jamais acquis pour toujours, c’est une bataille qu’il faut continuer à mener. Hommes et femmes doivent la mener ensemble.
Il faut décoloniser les esprits pour que les mentalités changent. Aux hommes de comprendre qu’être moderne ce n’est pas seulement rouler dans de belles voitures ou accéder à la dernière technologie. C’est aussi et surtout se battre pour sa fille. L’emmener à l’école, œuvrer pour qu’elle y reste, lui donner la possibilité d’être maitresse de sa vie dans l’espoir qu’elle vive dans une société égalitaire débarrassée de toute discrimination qui l’empêcherait de faire valoir ses talents.
Ne confondez pas, mesdames et messieurs, le 8 mars à la Saint Valentin ni même à la fête des mères. Le 8 mars n’est ni une fête ni un hommage, mais une journée de lutte pour les droits des femmes, lutte pour la dignité de la femme Demain, ne nous offrez pas des fleurs, nous n’en avons pas besoin Abandonnez plutôt ces stéréotypes et battons-nous ensemble, main dans la main, pour l’équité et la dignité humaine tout court.
Par Asmaou Barry
Présidente de l’Association des Professionnelles Africaines de la Communication