Nairobi, 25 avril 2020: Sans la pleine participation et l’inclusion des femmes dans la riposte à la pandémie COVID-19, les efforts de l’Afrique pour aplatir la courbe et/ou anéantir la pandémie seront futiles et contre-productifs.

Sans la diffusion délibérée de données ventilées par sexe pour faire comprendre la réalité de l’impact de la pandémie de COVID-19, une grande partie de la population africaine restera privée de ses droits et oubliée alors que les ravages de la pandémie mondiale continuent de faire sentir leurs effets.

Alors que le monde continue inlassablement à lutter contre la pandémie de COVID-19, les femmes et les filles africaines attendent de toute urgence que l’Union Africaine et le Centre Africain pour le Contrôle des Maladies (Africa CDC) se concentrent délibérément sur l’analyse de l’impact de la maladie sur les femmes et les filles afin de garantir que les efforts soient inclusifs et transformateurs.

Le Réseau  de Développement et de Communication des Femmes Africaines (FEMNET) a organisé vendredi l’un des plus grands webinaires régionaux anglophones/francophones d’Afrique sur la riposte à COVID 19, en demandant des déclarations officielles de l’Union Africaine et du Centre Africain pour le Contrôle des Maladies.

« Les femmes africaines recherchent une intervention holistique et ciblée qui prenne en considération la diversité des femmes du continent. Nous voulons nous assurer que nos pays soient clairs au sujet d’un processus qui tient compte des femmes et ne diminue pas leurs besoins spécifiques au détriment des approches patriarcales. Nous avons besoin de réponses inclusives et dignes dans chaque approche », a déclaré Memory Kachambwa, Directrice Exécutive de FEMNET.

Dans le webinaire intitulé Préparation et riposte de l’Union Africaine à COVID-19, FEMNET a accueilli deux invités de marque à la plateforme afin d’informer et de répondre aux questions d’une centaine de femmes africaines participantes en provenance de 33 pays.  Mme Victoria Maloka, Directrice par intérim de la Direction « Genre et Développement » de la Commission de l’Union Africaine, a été rejointe au panel par le Dr Benjamin Djoudalbaye, Chef de la Division « Politique, Santé, Diplomatie et Communication » du Centre Africain de Contrôle et de Prévention des Maladies (CDC Africain).

En adressant leur appel à l’Union Africaine et au CDC africain, les participantes ont collectivement cherché à obtenir des gouvernements africains une réponse substantielle au COVID-19, tenant compte de l’égalité des sexes, qui mettrait particulièrement l’accent sur l’impact de cette maladie sur les femmes et les filles.

Ce webinaire régional se tient à un moment où les statistiques africaines sur la prévalence de la pandémie de COVID-19 au 24 avril s’élèvent à plus de 2,5 millions de cas d’infections et à plus de 175.000 décès signalés. Cinq pays figurant dans ces données, à savoir l’Afrique du Sud, l’Egypte, le Maroc, l’Algérie et le Cameroun, ont jusqu’à présent signalé un nombre de cas d’infection toujours plus élevé que les autres pays africains.

Ces statistiques, telles que présentées par le CDC africain et d’autres plateformes, n’ont toutefois pas encore permis de cerner les impacts dominants du COVID-19 sur la vie et les moyens de subsistance des populations africaines et, plus particulièrement, des femmes et des filles.

Des données ventilées par sexe sont indispensables !

C’est pour cette raison que FEMNET, en projetant les voix des femmes et des filles africaines de plus de 48 pays du continent, fait maintenant pression pour une riposte inclusive et digne à la pandémie, qui prendra spécifiquement en considération son impact et sa dévastation sur la vie des femmes et des filles en Afrique.

« Il ne suffit pas de présenter les données. Nous avons besoin de données ventilées par sexe. Nous avons besoin de données spécifiques qui soutiendront et guideront les processus d’intervention afin que les ressources puissent être correctement allouées là où le besoin est le plus criant » a déclaré Victoria Maloka de l’UA. « L’égalité des sexes doit être au centre de la riposte au COVID-19 afin que nous puissions nous assurer que cette pandémie n’annule pas toutes les avancées que nous avons réalisés jusqu’à présent dans la vie des femmes et des filles en Afrique ».

Actuellement, alors que les pays continuent de subir des revers économiques et sociaux en raison des confinements, des couvre-feux et des interdictions de voyager instaurés au niveau national, les progrès réalisés en matière d’égalité sexospécifique et de défense des droits des femmes semblent s’amenuiser de jour en jour en l’absence de données essentielles et de processus tenant compte des différences sexospécifiques.

D’après Victoria Maloka, la rareté des données ventilées par sexe contribue énormément à l’impact de la pandémie sur les femmes, car l’absence de cette approche fondée sur des données probantes expose les femmes à un risque plus élevé de subir un choc plus fort de la pandémie, directement ou indirectement.

« Nous sommes déjà confrontées à l’escalade des cas de violence sexiste. Les femmes souffrent plus qu’auparavant parce que les processus ne se concentrent manifestement pas sur ces questions, même s’ils répondent à la pandémie », a-t-elle déclaré. « Récemment, il a été porté à notre attention qu’il y a des cas de filles mariées même en cette période de pandémie, une question qui doit être traitée de toute urgence. Ce sont des questions qui pourraient s’échapper alors que les pays sont aux prises avec cette maladie ».

Memory Kachambwa de FEMNET souhaite élargir les espaces permettant aux femmes et aux filles africaines de dire la vérité aux autorités et aux décideurs politiques et s’assurer que leurs voix sur ces questions soient prises en compte par les gouvernements lorsqu’ils planifient des interventions au COVID-19.

« Nous voulons dire directement la vérité au pouvoir en place en nous adressant à nos décideurs politiques et à nos leaders tels que l’Union Africaine. Nous voulons obtenir des réponses là où les femmes ont crié mais où aucune réponse n’est provenue. Nous demandons un soutien spécifique pour les femmes, même si les pays abordent le COVID », a sollicité Memory. « Les gouvernements ne peuvent prétendre être inclusifs dans leur riposte si les droits des femmes vivant avec handicap ne sont pas pris en compte. Les gouvernements ne peuvent pas prétendre se soucier du sort des femmes enceintes et des mères allaitantes si elles sont victimes de négligence et de violence pendant les couvre-feux et les confinements. Ils ne peuvent pas prétendre être inclusifs si les femmes ne peuvent pas accéder à leurs santé et droits sexuels et reproductifs dans la crise actuelle.  Comment les gouvernements peuvent-ils prétendre à la légitimité lorsqu’ils ferment les yeux sur les cas des femmes battues à mort dans leurs foyers où elles ont été forcées de « rester à la maison » ? Nous voulons savoir quelles sont les ressources et les mesures en place pour prévenir la violence à l’égard des femmes aujourd’hui et quels sont les changements systémiques. C’est une réalité qui ne peut et ne doit pas être ignorée ». 

Les menaces à l’encontre des femmes s’intensifient dans le cadre de la riposte au COVID-19

La menace qui pèse sur les femmes et les filles en Afrique dans le sillage de cette pandémie mondiale continue de s’aggraver.

« Nous savons qu’en temps de crise, ce sont les femmes qui restent à la maison et luttent pour nourrir leur famille. Ce sont les femmes qui assument la charge de prendre soin des malades. Les femmes s’efforcent de chercher et de distribuer de la nourriture à ceux qui en ont besoin et nous savons ensuite qu’elles constituent la majorité des soignants et qu’elles font des travaux à haut risque pour s’occuper des malades. L’impact sur elles est dévastateur ». C’est ce qu’a déclaré Victoria Maloka.

Il s’agit d’un scénario qui n’est que trop clair aux yeux des organisations de défense des droits des femmes comme FEMNET qui travaillent sur le continent pour amplifier la voix des femmes et des filles en Afrique.

Nyaradzayi Gumbonzvanda, Ambassadrice de bonne volonté de l’UA pour l’élimination des mariages précoces et forcés, avocate spécialisée en droits hunains et Directrice du Rozaria Memorial Trust du Zimbabwe, a vivement encouragé le CDC africain à trouver un moyen d’intégrer certaines considérations sexospécifiques fondamentales dans leurs ripostes à la pandémie de COVID-19, ce qui renforcerait les interventions des gouvernements africains à se concentrer davantage sur les femmes et les filles.

« Il doit y avoir un moyen de s’assurer qu’il y a des indications qui obligent les Etats membres à fournir les données souhaitées afin de donner au leadership l’élan quant à la manière dont les pays peuvent réagir. Se concentrer par exemple sur le suivi des mariages d’enfants serait un grand pas vers l’élimination de cette pratique, même dans le cadre de la pandémie ».

Dinah Musindarwezo, une autre défenseuse régionale des droits des femmes travaillant avec WomanKind UK, a adressé son appel à l’Union Africaine pour qu’elle se penche sur la question de l’allègement de la dette des Etats membres afin de négocier des délais de remboursement de la dette qui aideraient les pays à mieux se concentrer et à accorder une attention toute particulière à la lutte contre la pandémie.

En conclusion, le webinaire régional a exhorté l’Union Africaine à souligner la nécessité d’intégrer la dimension sexospécifique dans les luttes contre la pandémie de COVID-19 afin d’aider les parties prenantes à mettre en œuvre des interventions plus dignes et plus inclusives qui ne laisseront pas de côté les besoins spécifiques des femmes et des filles.

Pour plus d’informations et/ou pour demander un entretien, veuillez contacter Mildred Ngesa, Responsable de la Communication de FEMNET, m.ngesa@femnet.or.ke / +254727137853

A propos de FEMNET :

Le Réseau de Développement et de Communication des Femmes Africaines (FEMNET) est un réseau panafricain, féministe et basé sur l’adhésion, sis à Nairobi, qui compte plus de 600 membres dans 48 pays africains. FEMNET envisage une société africaine où l’égalité entre les sexes est réalisée et où les femmes et les filles jouissent de tous leurs droits et vivent dans la dignité.  FEMNET existe afin de faciliter et de coordonner le partage d’expériences, d’idées, d’informations et de stratégies visant la promotion des droits humains parmi les organisations de femmes africaines par le réseautage, la communication, le renforcement des capacités et le plaidoyer aux niveaux régional et international.

Depuis sa création en 1988, FEMNET s’est positionné stratégiquement en tant qu’organisateur et animateur de dialogues sur des questions cruciales, notamment la participation des femmes à la gouvernance et au leadership, la promotion de la justice économique pour les femmes, la défense de la santé et des droits sexuels et reproductifs des femmes, l’élimination de la violence sexiste et des pratiques néfastes (telles que les mutilations génitales féminines et le mariage d’enfants) et le renforcement du mouvement des femmes en Afrique.