S’il est un domaine dans lequel le CNRD excelle particulièrement et se surpasse volontiers, c’est bien celui de la multiplication des tactiques de diversion pour camoufler ses propres turpitudes et ses dérives autoritaires qui nous éloignent chaque jour des rives de la démocratie.

Et dire que le colonel Mamadi Doumbouya, lors de sa prestation de serment du 1er octobre 2021 en tant que Président de la transition, avait juré notamment « de préserver les acquis démocratiques ». Force est de constater que cet engagement n’est plus qu’un lointain souvenir.

Ainsi, pour échapper aux critiques tous azimuts sur la répression systématique des manifestations du FNDC et l’usage illégal et disproportionné d’armes létales par les forces de défense et de sécurité (FDS), la nouvelle trouvaille de la nébuleuse est de déplacer le débat et de le transformer en une discussion sur « l’âge » des manifestants, de manière à obscurcir les véritables problèmes. Sous couvert de protection des mineurs dans le langage du ministre de la Justice, se cache une curieuse inversion des responsabilités alors que l’État est le principal garant de l’exercice des droits de l’enfant.

Si hier, les manifestants sortis acclamer le coup de force de Doumbouya étaient tous majeurs, aujourd’hui ceux chez qui le combat du FNDC résonne en écho avec leurs préoccupations sont tous mineurs, de moins de 10 ans parfois. Et soudainement, le Ministre de la justice, dans un élan populiste rarement égalé, de se montrer soucieux de leur bien-être et de convoquer tout l’arsenal normatif de protection des droits de l’enfant à l’échelle nationale, régionale et internationale.

Cette tentative malhabile de diversion, qui ne trompe personne, me conduit à aider la nébuleuse à se poser les bonnes questions :

1-Laquelle des 5 victimes tombées sous les balles assassines des forces de défense et de sécurité constituait-elle une menace imminente pour leur intégrité physique au point de faire usage de leurs armes à feu et de leur ôter lâchement la vie, les arrachant brutalement à l’affection des leurs ? Les FDS étaient-elles en situation de légitime défense ou agissaient-elles dans le but de prévenir une infraction particulièrement grave mettant sérieusement en danger des vies humaines ?

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2- La nébuleuse peut-elle nous expliquer comment une fillette de 13 ans, assise dans le confort de son salon, peut-elle recevoir une balle dans le dos ? La Convention sur les droits de l’enfant des Nations Unies dont les dispositions sont si chères à M. Charles Wright consacre en son article 6 alinéa 1 que « les États parties reconnaissent que tout enfant a un droit inhérent à la vie ».

3- La réquisition de l’Armée par le MATD déployée pour assurer le maintien de l’ordre était-elle justifiée par un cas de nécessité absolue ou motivée par des cas de circonstances exceptionnelles ? Si oui, quels sont-ils ?

4- Le fait d’arrêter, parfois plusieurs jours après la manifestation, des personnes qui vaquaient tranquillement à leurs occupations, de les entasser dans des pick-ups, de les conduire dans des camps militaires, de les placer en file indienne, de les déshabiller, de les asperger d’eau et de leur administrer des centaines de coups de fouet aux fesses au moyen de fils électriques est-il imputable au FNDC ? La Charte de la transition et les normes régionales et internationales relatives à la prohibition de la torture et des traitements inhumains et dégradants feraient-elle exception à l’attachement viscéral de Charles Wright au respect des droits de l’homme ? Indignation sélective, quand tu nous tiens !

5- Elle est où la boussole, elle est où ? elle est où ?  Serait-elle ensevelie sous les décombres de l’appétit vorace du CNRD dont la confiscation obsessionnelle du pouvoir rendrait accessoires les pires exactions qui soient ?

6- A supposer que les manifestants soient des mineurs, ce qui serait le comble de la simplification abusive, il ne serait pas superflu de rappeler au Garde des sceaux que l’article 15 de la Convention onusienne sur les droits de l’enfant consacre ce qui suit :

« 1. Les États parties reconnaissent les droits de l’enfant à la liberté d’association et à la liberté de réunion pacifique.

L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet que des seules restrictions qui sont prescrites par la loi et qui sont nécessaires dans une société démocratique, dans l’intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique ou de l’ordre public, ou pour protéger la santé ou la moralité publiques, ou les droits et libertés d’autrui».

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7- En quoi le FNDC serait-il responsable des expéditions punitives des forces de défense et de sécurité qui investissent les domiciles de paisibles citoyens sans aucun mandat judiciaire, y volent tout ce qui a de la valeur et détruisent le reste du mobilier, y compris les ustensiles ?

8- Comment expliquer le processus de déshumanisation conduisant les forces de défense et de sécurité à gazer un cortège funéraire contraignant ainsi la délégation escortant le corps à sa dernière demeure à l’abandonner à même le sol ?

9-Pourquoi les autorités de la transition sont-elles si promptes à dénoncer les conséquences des manifestations sans s’attaquer aux causes sous-jacentes de ces manifestations et des circonstances qui nous y conduisent ? L’interdiction absolue des manifestations ne viole-t-elle pas les engagements nationaux et internationaux de la junte ?

10- « Aucune situation d’exception ou d’urgence ne doit justifier la violation des droits humains », en vertu de l’article 8 de la Charte de la transition. Le CNRD a-t-il lu sa Charte ?

Le caractère illicite d’une manifestation autoriserait-il les exactions auxquelles nous assistons ?

Cette liste non exhaustive de questions se voit clôturée par cette citation de Martin Luther King qui soutenait : « De même qu’un furoncle ne peut pas être soigné tant qu’il est caché, mais qu’il doit être ouvert dans toute sa laideur suppurante aux remèdes naturels de l’air et de la lumière, de même l’injustice doit être exposée – avec toute la tension qu’elle crée – à la lumière de la conscience humaine et à l’air de l’opinion nationale avant de pouvoir être guérie ».

Alors que la plaie des injustices, encore béante, peine à cicatriser, de nouvelles blessures viennent se rajouter nous éloignant encore un peu plus du processus de guérison. Qu’est-il advenu des assises nationales sur la réconciliation, ouvertes le 22 mars 2022 par la junte et censées nous réconcilier ? Un autre lointain souvenir évanescent ! Une promesse évanouie !

Nadia Nahman BARRY

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