Après rapatriement de sa dépouille dans la nuit d’hier mardi, M’Mah Sylla a reçu ce 24 novembre à l’hôpital sino-guinéen, le dernier hommage de ses compatriotes avant son enterrement. La cérémonie de funérailles a été marquée par une forte mobilisation des activistes des droits des femmes, des parents, collaborateurs et amis de M’Mah Sylla. Ils portaient des tee-shirts rouges avec un message frappant comme : ‘’Justice pour M’Mah Sylla’’ et sur les banderoles on pouvait lire ‘’La douleur l’a emportée sur la bravoure. Dors en paix, championne. Justice pour M’Mah Sylla’’.

Il faut également préciser que l’événement s’est effectué en présence de la ministre de de la Promotion féminine, de l’Enfance et des personnes vulnérables, Aicha Nanette Conté et de la Gouverneure de la Ville de Conakry ainsi que d’autres grandes personnalités du pays dont Hadja Halimatou Dalein Diallo.

Dans son discours de circonstance, la ministre en charge de la Promotion féminine a transmis le message du président de la République, Colonel Mamadi Doumbouya et du Premier ministre, Mohamed Béavogui. Après avoir prié sur le corps de la défunte, elle a présenté les sincères condoléances de l’Etat guinéen à la famille biologique de M’Mah Sylla. Ainsi, elle a demandé aux parents de la victime de faire confiance à la justice guinéenne qui fera son travail comme il faut. « Je vous promets que la justice sera rendue. Nous devons être patients et suivre le cours normal de la procédure. Ça sera fait non seulement pour elle mais aussi pour les autres victimes », a-t-elle promis.

Lors de ce symposium, les témoignages des uns et des autres se sont succédé. Et chacun retient de M’Mah Sylla, étant une femme reconnaissante et courageuse qui a un mental très fort. Puisque malgré tout ce qu’elle a subi, elle avait l’espoir de s’en sortir.

Sa copine qui l’a accompagnée en Tunisie pour son traitement témoigne: «Lorsqu’on était ensemble quand elle allait bien, elle me demandait toujours de remercier le peuple de Guinée particulièrement le président de la République qui s’est beaucoup investi pour son évacuation. Sans oublier les activistes comme Mme Hann qui s’est beaucoup sacrifiée pour elle et les médecins qui l’ont escortée en Tunisie. Lorsqu’on la déposée en Tunisie, quand les médecins sont venus pour lui dire au revoir, elle a dit à ces derniers de transmettre au président de la République qu’elle garde espoir qu’elle reviendra sur ses deux pieds. Elle me disait encore qu’elle est tellement pressée de rentrer en Guinée. Les moments que j’ai passés avec elle, je l’ai beaucoup remarqué, elle avait un mental fort. Elle n’avait pas de haine contre quelqu’un. Elle est tout le temps souriante, elle donnait le courage et l’espoir aux gens qui sont avec elle ».

C’est dans ce même ordre d’idées que la présidente de l’ONG ‘’Mon Enfant Ma Vie’’, Mme Sylla Djénabou Diallo, s’est exprimée pour dénoncer les cas de viols en Guinée et a fustigé le cynisme de certains agents de santé qui travaillent dans des cliniques clandestines. Sur ce, elle a demandé au ministère en charge de la santé de fermer toutes les cliniques qui ne répondent pas aux normes.

« Ce n’est pas aujourd’hui que des M’Mah Sylla existent, des M’Mah Sylla existent en Guinée depuis très longtemps. Il faut que ça s’arrête maintenant. Ce n’est pas aujourd’hui qu’on a commencé à dénoncer, on en parle, on crie, on pleure, on demande de l’aide, mais j’ai l’impression qu’on nous entend mais qu’on ne nous comprend pas. M’Mah Sylla a tenu bon. A chaque fois que j’allais la voir à l’hôpital, quand je pleurais, c’est elle qui me rassurait en disant ‘’Tantie, je vais m’en sortir’’. Un jour quand elle me racontait son calvaire, ce qui m’a plus touchée et qui me fait encore mal c’est quand M’Mah Sylla m’a demandé ‘’est-ce que c’est de ma faute ? ‘’ Je l’ai dit ce n’est pas de ta faute. C’est pour dire qu’une fille est morte aujourd’hui peut-être en pensant que c’est sa faute parce qu’aujourd’hui encore, on parvient à culpabiliser les victimes en Guinée. On a l’espoir, on compte sur vous (ndr autorités) pour qu’il n’y ait plus de M’Mah Sylla, que ça s’arrête, qu’on ait plus de cérémonie de ce genre. On veut que quand quelqu’un viole qu’il soit condamné. Quand un médecin fait mal son travail qu’il soit condamné. Il y a des cliniques sans agréments en Guinée, on a besoin que le ministère de la santé les répertorie et les ferme et que les faux médecins soient arrêtés. Plus de M’Mah Sylla en Guinée, plus jamais ça », a-t-elle suggéré.

En guise de réponse, le représentant de la famille de M’Mah Sylla a pris la parole pour remercier le président de la République et de toutes les personnes qui se sont impliquées dans l’affaire de M’Mah Sylla, qui, d’après lui, dépasse désormais les frontières guinéennes.

« Notre consolation est de savoir que M’Mah Sylla a été bien suivie pour son traitement par les services médicaux. Vous avez été très nombreux à lui rendre visite au chevet de son lit à l’hôpital. Notre consolation est la visite au haut niveau du président de la République, le Colonel Mamady Doumbouya, qui a effectué personnellement le déplacement. Au de la de tous les efforts, nous ne pouvons pas la garder parmi nous… Chers invités pour votre présence et votre amitié au nom de la famille que je représente ici, je vous adresse leurs condoléances et leurs sincères remerciements. Ces remerciements vont à l’endroit du président de la république pour son soutien moral, physique et financier qui a donné une dimension nationale et international au cas de M’Mah Sylla. Nos remerciements vont également à toutes les organisations des défenses des droits de l’homme et de la femme ».

La cérémonie s’est achevée au cimetière d’Enta dans la commune de Matoto où dame M’Mah Sylla a été enterrée et sera certainement à l’abri de toutes les violences injuste qu’elle subi sur cette terre.

Par ailleurs, il faut signaler que les activistes et défenseurs des droits des femmes organisent une rencontre demain jeudi à l’hôtel Palm Camayenne pour rendre au autre hommage à M’Mah Sylla. A cet effet, ils comptent immortaliser la victime en lui consacrant un magazine spécial portant sur son parcours.

Ibrahima Bah