#IWMF- « Vous allez écrire ce que nous dirons, pas plus », une mise en garde qui cache mal l’amertume d’un membre de la famille Haba. Les Haba, bannis du village, ont surmonté, sans aucune aide, la perte des siens (fils, maman, père, épouse, tante, etc.). Tous tués par Ebola. Cette famille qui vit essentiellement de l’agriculture vit à Kabieta, près de 20 km de N’zérékoré. Kabieta bien connu des chrétiens de la région forestière pour être un lieu de pèlerinage. Parce qu’ici, un certain Gobu Yaza, a été tué à cause de sa foi chrétienne. L’épidémie d’ébola avait donc mis à rude épreuve la foi des habitants de Kabiéta, la chrétienne qui ont failli expulser du village la famille Haba taxée de «maudite », parce sur 28 membres, 20 ont été contaminés, 15 morts d’ébola. Seulement cinq personnes contaminées ont été sauvées. Parmi, elles, quatre témoignent.
Seny Goumou, épouse Haba
‘‘Je n’avais plus droit à la vie en communauté’’
« La fille de ma coépouse était malade. Elle a été contaminée par son mari. On l’a ramenée au village pour l’aider. Son mari était guérisseur. Après ce fut le tour de mon mari et ma coépouse. Ils sont tous décédés. Nous ne savions pas que c’était Ebola. Mon fille aussi est tombée malade. Personne ne savait que c’était cette maladie. Quand elle est décédée tout le monde s’en est occupé. Imaginez quand votre fille est malade qu’est-ce que vous pouvez faire ? Nous avons été contaminés avec mon mari. Nous avons été transportés à N’zérékoré puis à Gueckedou. La plus part de nos amis sont décédés là-bas. Je suis allée là-bas avec mon mari et j’avais très peur. Et je n’étais pas de moi-même pas. Je n’ai pas compris grand-chose. Quand on est allé à Guéckedou ils ont pris soins de nous. Nous avons été bien entrenus. Dans ma famille 10 personnes sont décédées ici et 5 autres là-bas. On voyait les corps sortir chaque jour.
Quand on m’a dit que je suis guéri, j’étais heureuse. On m’a embarqué dans un véhicule jusqu’à N’zérékoré. Et je suis venue au village. Quand je suis venue au village, mes amis ont tous fui. J’ai quitté toutes les associations, je n’avais plus droit à la vie en communauté. Ils nous ont rejetés. Ils disaient que c’est un sort qui a été jeté sur notre famille. Personne ne voulait de nous. J’ai laissé mon champ de riz, difficilement il a été récolté. Je souffre dans mon âme. Quand on sort d’une maladie, on a tous besoin de soutien de nos amis, d’être entourés mais si tu vois le contraire, c’est difficile.
Le conseil que je peux donner, c’est de faire confiance au médecin. Quand je suis venu les gens pensaient qu’on tuait les gens là-bas. J’ai témoigné que je n’ai rien vu de bizarre au centre de traitement. Et de ne pas avoir peur des mesures d’hygiène ».
Mamy Haba, 26 ans
‘‘Mon mari m’a abandonnée à cause d’Ebola’’
« J’ai eu la maladie à travers ma maman. Elle était malade et nous ne savions pas que c’était Ebola. Nous l’avons entourée de soins comme d’habitude. Je souffrais de migraine avant, nous avons mis mes douleurs au compte de la migraine. Mais ce n’était pas les mêmes douleurs, ça on a compris. Mon papa aussi était très malade.
Alors le village a commencé à nous rejeter. Ils ont demandé de nous renvoyer du village. Tout le monde voulait nous voir partir d’ici. Ils ont dit que mon père savait qu’il était malade et qu’il est venu contaminer le village. Notre famille était mal vue. J’ai dit moi-même que je ne reste plus au village. Les autres sont allés au centre-ville, nous devons faire pareil. Nous avons donc rejoint la ville. Mon papa était déjà parti et nous les avons rejoints.
Pendant qu’on m’enregistrait, je tremblais, j’avais des frissons et je ne comprenais rien. Mon frère est décédé. Je n’avais pas peur. Quand ils ont pris la liste de ceux qui devaient aller à Gueckedou, j’étais la première à lever la main. Quand nous Sommes allés, ils ont bien pris soins de nous. Personne de ma famille ne pouvait imaginer que j’allais survivre.
Mon mari m’a abandonnée. Il m’a laissée avec ma grossesse de six mois. Je ne pensais pas à moi-même mais à mes enfants qui sont restés au village. Je prenais les médicaments mais je ne pouvais pas manger.
Quand on m’a dit que je suis guérie, je ne pensais qu’à mon retour. J’étais heureuse quand on m’a dit que je suis guérie. Je n’ai plus de mari. Il m’a laissée pendant que j’étais au centre de traitement. Il voulait me retirer mes deux enfants qui sont restés au village. Qu’ai-je fais de mal. Il ne s’est jamais fait de souci pour moi, mais plutôt pour ses enfants ».
Cé Haba, 20 ans
‘‘Je ne vais plus à l’école’’
« La maladie était dans notre famille. C’est le petit frère de ma grand-mère qui était malade. Nous ne savions pas que c’était Ebola. Quand vous êtes une famille nombreuse, tout le monde touche le malade pour prendre soins. Nous sommes tous restés avec notre sœur pour qu’elle retrouve sa santé. Mais finalement on était obligé de quitter le village. Ma grande mère aussi est restée longtemps malade. Nous n’avons pas soupçonné que c’était Ebola. Les gens du village ont dit de nous chasser d’ici Ils ont regroupé tous les membres de notre famille pour nous informer que nous devons quitter le village avant le lever du jour. La croix rouge a été informée de la situation et elle est venue nous chercher heureusement. Et nous avons été bien traités par ces gens-là. A N’zérékoré, après les formalités, nous avons été transportés à Macenta et depuis, les médecins ont vraiment pris soins de nous. Je me suis battu moralement pour retrouver ma santé. Je prenais mes médicaments comme on me le conseillait. J’ai été le premier admis au centre de traitement et j’ai été le premier à revenir dans le village. Après plusieurs prélèvements on m’a dit que je suis guéri. J’étais heureux.
A mon retour, je n’étais plus heureux. Une partie de ma famille avait péri. C’était difficile pour moi. Ma joie était mesurée. Mes frères et sœur étaient là. Je me suis retrouvé rien qu’avec de petits enfants et je suis le père famille. Que faire ? Et mes amis avaient peur de moi. J’ai montré mon certificat de ‘sorti guéri’ au président de district et j’ai bien expliqué au gens du village comment la maladie se transmet et les signes. C’est après plusieurs séances de sensibilisation que les gens ont commencé à s’approcher de moi. Quelques-uns, seulement.
J’étais à l’école, mais je n’y vais plus. Je faisais la 10 ème. Je dois m’occuper de mes frères. Je ne peux pas aller à l’école. Je sensibilisais également sur l’utilisation du savon, les mesures d’hygiène et tout le reste. Je veux travailler avec l’équipe de sensibilisation d’Ebola ».
Kodo Haba, 54 ans
‘‘Les gens te regardent comme si tu avais la peste’’
«Je remercie les médecins. Ils nous ont bien accompagnés. Quand je suis revenu, ma famille était heureuse de me recevoir. Le peu de personnes qui sont restées. Ma famille est disséminée. Nous avons perdu 15 personnes. J’ai vu que les médecins étaient inquiets, ils se battaient contre la maladie pour nous. Nous remercions Dieu, les médecins nous disaient qu’il fallait prendre les médicaments au sérieux et que cela nous donnait la chance de survivre parce qu’il n’y avait pas encore de médicament radical. Bien manger et boire de l’eau. Le combat des médecins pour notre vie est l’aspect positif pour nous dans cette histoire.
Le côté négatif a été mon retour au village. Les gens te regardent comme si tu avais la peste. Malgré la sensibilisation, ils gardent des yeux étranges sur nous.
Je n’ai plus personne. J’ai perdu ma femme et une partie de mes enfants. Ceux qui restent ont repris lentement le chemin de l’école. Je suis désormais seule dans tout ce que je fais. Je n’ai plus personne pour m’aider dans mes activités. Aujourd’hui c’est difficile pour moi ».
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