Après la présentation officielle de l’ossature de l’équipe gouvernementale du nouveau Premier ministre, Bah Oury, les guinéens s’impatientent pour connaitre l’identité des futurs ministres. Si certains se préoccupent à voir un gouvernement d’union nationale, pour Makalé Camara, Présidente de la Guinéenne en Politique, le plus important est d’associer les femmes. C’est pourquoi, elle souhaite que le CNRD mette en place un gouvernement paritaire avec 50% de femmes. L’ancienne ministre des Affaires Etrangères et des Guinéens de l’Etranger, reste persuadée qu’il y a suffisamment de femmes qui peuvent assumer de hautes fonctions dans le pays.
Dans un entretien accordé à la rédaction du Courrier de Conakry, la présidente du parti FAN, n’est pas allée avec le dos de la cuillère pour prouver que les femmes guinéennes méritent d’être associées à la gestion de la chose publique. Lisez !
LCC : L’humanité célèbre cette semaine la journée internationale des droits de la femme. Pensez-vous qu’en Guinée la situation des femmes évolue ?
La Guinée est à l’image du monde. Si les femmes ne sont plus ce qu’elles étaient, elles ne sont pas arrivées à percer le plafond de vert. J’estime qu’au cours de cette transition nous sommes entrain de faire des choses. Parce que pour nous, une transition est une opportunité à saisir pour faire avancer les droits des femmes. C’est pourquoi, la coalition que j’ai mise en place, le consortium qui s’appelle La Guinéenne en Politique  (LGP) qui représente 20 partis politiques, nous avons été les premières à déposer deux propositions de lois au CNT
Lesquelles ?
Une proposition concernant la parité et une deuxième proposition qui concerne l’observatoire des droits de l’homme. Tout ça, c’est pour faire avancer les droits des femmes.
Nous estimons qu’avec la parité ça nous donne une chance de prétendre à une instance de prise de décision. Ça nous permet d’être à des postes électives ou à des postes de nominations pour que les femmes puissent atteindre la parité. C’est le droit de la citoyenne guinéenne que nous défendons. C’est pourquoi au sein de LGP, la mission principale que nous nous sommes assignée, c’est la formation de tous azimuts.
Depuis l’indépendance de la Guinée, aucune femme n’a été présidente de la République, ni présidente de l’assemblée nationale encore moins première ministre. Selon vous pourquoi les femmes ont du mal à occuper de hautes fonctions ?
Nous n’avons pas du mal à occuper de hautes fonctions en Guinée. Il faut dire pourquoi les autorités de ce pays, les hommes ont du mal à faire confiance aux femmes ? Parce que ces hommes deviennent chefs d’Etat, présidents de l’assemblée nationale. Nous avons fait des bancs ensemble. Nous avons même fait le banc avant eux. Aujourd’hui? c’est la jeunesse qui a le vent en poupe. Plusieurs femmes ont fait leurs preuves. Même si on veut constituer aujourd’hui un gouvernement rien que de femmes, on peut trouver 25 femmes compétentes et éminentes. Il y a des femmes comme : Saran Daraba, Dr Makalé Traoré, Aicha Bah Diallo, Joséphine Leno, Dr Maimouna Sanagaré, Dr. Sikhé Camara, Aminatou Barry….
Pourquoi les hommes ne vous font pas confiance? 
Tout ce qui est éminent, l’homme pense que c’est à lui que ça revient. Alors on sait que quand la femme gère, elle gère avec beaucoup de rigueur, d’empathie et de compétence. J’ai été trois fois ministre dans ce pays. J’ai été ministre de l’Agriculture, de l’Elevage et de Forêts. J’avais 9000 travailleurs. Aujourd’hui ce ministère est divisé en trois.
Nous avons été activistes de la société civile. Quand ça ne va pas dans ce pays, chaque fois c’est les femmes qui se lèvent en première pour aller voir les protagonistes. Tant que nous sommes dans le second rôle, nos qualités sont reconnues mais dès que nous prétendons de venir au devant de la scène, on nous trouve des cornes. On nous trouve des choses à dire. Mais ça viendra parce que nous nous préparons pour ça. Parce que les associations que nous mettons en place, c’est de former les femmes à ce rôle de dirigeant. Nous sommes en train de coacher les femmes. Nous sommes en train de conscientiser les femmes pour qu’elles puissent oser venir en politique.
Récemment, Bah Oury a été nommé Premier ministre, pensez-vous qu’il pourra répondre aux attentes du peuple de Guinée ? 
Il faut le soutenir. Chaque fois qu’un fils du pays est mis devant, il faut l’aider à avancer. Parce que c’est le pays qui avance. Nous devons pas retarder ce pays parce qu’on ne veut pas la tête de Paul ou de Pierre. Tous les guinéens, chacun a droit à gérer ce pays. C’est notre droit citoyen. Celui qui a la chance d’être là, il faut le soutenir il faut le conseiller. Il faut essayer de le pousser pour qu’il puisse poser des actes pour que le pays puisse s’en sortir.
Parce que notre objectif principal, c’est de restaurer l’état de droit, c’est d’aller aux élections et pour y arriver, il faut que nous puissions nous unir. Parler du même langage. Je ne suis pas pour la politique de la chaise vide, parce que tout ce qui se décide sans vous, se décide contre vous. Il faut donc que tout le monde accepte de venir au tour de la table pour qu’on ait une discussion directe entre frères guinéens pour avancer.
Je pense que si le nouveau premier ministre, Bah Oury qui est un homme éminemment politique est soutenu par l’ensemble des guinéens, il pourra poser des actes en faveur du bien être social de tous les guinéens. Parce que nul n’est parfait.
Êtes vous favorable à un gouvernement d’union nationale ?
Un gouvernement d’union nationale, si c’est ce qui peut apaiser au tour de nous, parce que c’est la paix que nous recherchons. On pourrait être d’accord mais avec un bémol. Vous ne venez pas dans ce gouvernement pour être représentatif.  Les partis qui ont un grain à moudre, qui ont des cadres avérés peuvent envoyer des cadres pour travailler pour la Guinée. Mais n’est pas ministre qui le veut. On ne peut pas occuper une fonction ministérielle pour simplement parader. On vient occuper une fonction ministérielle pour faire des propositions utiles, pour faire en sorte que ce pays dépasse le niveau où il est rendu avec toutes ses ressources.
Il faut des cadres avérés et compétents. Nous sommes en transition, nous ne sommes pas en apprentissage. Une transition est passagère. Donc, si ce sont les apprentis qui sont là pour apprendre à comment gouverner et comment être un homme d’état, ils ne peuvent pas l’être en un an. Donnez la place aux compétents. Des gens reconnus comme cadres compétents qui ont fait leurs preuves pour qu’ils puissent nous sortir de cette transition qui pourra déboucher sur des élections crédibles et acceptées de tous.
Trois ans après l’arrivée du CRND au pouvoir, la mise en place des 10 étapes du chronogramme de la transition peine à se réaliser. Qu’en dites-vous? 
Nous avons un politique comme Premier ministre. On va voir s’il va donner un coup d’accélérateur à tout ça. Parce qu’hier, nous avons protester pour dire que la transition est éminemment politique. Aujourd’hui on l’a donné au politique attendons de voir.
Jusqu’à présent la nouvelle constitution n’est pas adaptée ?
Ils ont dit que c’est ce mois de mars. Donc attention de voir. Mais, il est clair que nous avons pris du retard sur le calendrier.
Êtes vous favorable à un glissement de la durée de la transition ?
Je ne sais pas. Favorable ou pas, c’est le terrain qui commande. Déjà nous sommes dans le glissement du programme que nous avons établi. Nous sommes de fait dans le glissement. Parce que, les résolutions qui sont sorties du cadre de dialogue, la programmation qui est faite n’est pas respectée jusque maintenant. Ce n’est pas que je sois favorable ou pas, on fait avec. Mais avec une gouvernance vertueuse quand même, des gens qui sont conscients que ce pays n’a pas besoin d’être traîné dans la lenteur dans les méandres de l’inconnue.
Que pensez-vous de la mise en place des délégations spéciales en lieu et place des élections communales?
Cette question n’est-elle pas derrière nous? Puisque déjà c’est acté. Il y a des textes qui sont pris. Ce que j’ai remarqué, généralement quand le CNRD s’est engagé dans un chemin, il s’en est pas détourné. Est-ce que vous pensez qu’ils vont revenir sur cette décision ? Si ce n’est pas le cas, attendons de voir. Parce que l’important aurait été effectivement si le CNRD n’est candidat à rien alors mettre une délégation spéciale n’est pas gênant. Parce qu’on parle de l’impartialité. On dit, si on donne aux partis politiques, chacun prêche pour sa chapelle mais si c’est les délégations spéciales ils (membres) vont être impartiaux pour faire des élections crédibles et transparentes
A l’occasion de ce mois de mars, quel est votre message à l’endroit des autorités de la transition et les femmes de Guinée ?
Le mois du mars, c’est le mois de la femme. Donc les autorités doivent regarder les femmes. Ce gouvernement qu’on va mettre en place, nous souhaitons qu’il soit un gouvernement paritaire. Il faut qu’ils (les responsables) osent avancer. Je disais tantôt que la transition est une opportunité à saisir, les femmes veulent profiter de cette opportunité pour revendiquer la parité. La parité pour nous c’est de mettre les femmes compétentes aux postes. C’est d’aller égal à égal. Nous passons notre temps à revendiquer cela. Qu’ils essayent avec les femmes compétentes. Nous avons des jeunes qui démontrent leurs preuves jusqu’aux nations unies  qui font le tour du monde. Sans les femmes ce pays n’ira pas de l’avant. D’ailleurs il porte notre nom, c’est la Guinée.
J’en profite pour souhaiter une très belle fête de 8 mars à toutes les femmes de Guinée et leur dire, les femmes de Guinée vous êtes résilientes, vous êtes tout pour ce pays. Prenez votre place en tant que citoyenne. La loi fondamentale nous confère cette qualité sans discrimination . Que toutes les femmes se lèvent pour prendre des postes de responsabilités à partir des quartiers, maries, ministères assemblée nationale jusqu’à la présidence.
Interview réalisée par Ibrahima Bah
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