C’est avec étonnement que nous avons lu dans certains médias en ligne un communiqué signé d’un conseiller en communication de Makhissa Camara, Directeur national des Impôts. Ledit communiqué porte atteinte à la présomption d’innocence du journaliste. On le condamne avant même qu’il ne soit devant le Tribunal le 15 juillet prochain.

Dans ce communiqué on mentionne «  que toutes les charges retenues contre le jeune Habib Marouane Kamara, sont la conséquence de propos calomnieux et diffamatoires qu’il a tenus, sans cesse, depuis des mois, sur le réseau social Facebook, à l’encontre de Aboubacar Makissa Camara, qu’il aurait traité de tous les noms d’oiseaux et couvert des sept péchés capitaux d’Israël. En conséquence, que cela soit donc clair pour tout le monde, Habib Marouane, est poursuivi en qualité de citoyen et non en qualité de journaliste et doit alors être jugé de toute évidence, sur la base du code pénal. »

La publication de ce communiqué ( sans doute moyennant des espèces sonnantes et trébuchantes) par des confrères  m’amène à penser que nous avons encore beaucoup de chemins à parcourir pour asseoir une véritable liberté d’expression en Guinée. Si  nous-mêmes, nous nous réjouissons du malheur d’un citoyen poursuivi pour avoir librement exprimé ses opinions, nous devons changer de métier. Ce que nous aurions dû faire, c’est d’entonner devant Mackissa, en paraphrasant l’autre, que nous ne sommes pas d’accords avec ce qu’a dit Habib Marouane Kamara, mais que nous allons nous battre jusqu’au bout pour qu’il puisse avoir le droit de le dire.

Nous devrions tous nous battre à nouveau pour que des dispositions entravant le libre exercice du journalisme et surtout la liberté d’expression sortent des codes et autres lois répressives. La  presse ne doit pas servir de bouclier à ceux qui souhaitent mettre les journalistes et les citoyens  en prison à cause de leurs prises de position.

Lorsque le Général Sékouba Konaté s’en était pris à notre confrère Mamadou Hassimiou Souaré, j’avais publié un article appelant tous les confrères à le soutenir et à lui offrir une protection collective.  J’ai fait la même chose, cette fois dans un cadre beaucoup plus associatif, lorsque Mohamed Bangoura, Directeur de Publication du site mosaiqueguinee a passé une journée entière en interrogatoire à la DPJ.  Et la requalification des faits concernant le dossier Mohamed Bangoura et Fodé Baldé (UFR) ne fait que confirmer la volonté du pouvoir et des juges de museler l’expression des voix discordantes.

« Voici près de 300 ans, deux journalistes politiques anticonformistes, John Trenchard et Thomas Gordon, écrivant sous le pseudonyme de Caton, publièrent une farouche défense de la liberté  d’expression intitulée : «  sans liberté de pensée, il ne peut y avoir de sagesse et il ne peut y avoir de liberté publique sans liberté d’expression ». En août 1789, l’Assemblée Nationale de la France révolutionnaire proclamait sa  déclaration des Droits de l’homme et du citoyen  dont l’article 11 établit que : « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc  parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». Ces principes sont connus de tout le monde et sont édictés dans la plupart des livres qui parlent de liberté de presse et d’expression.

Loin de moi toute idée visant à défendre ceux qui enfreignent aux principes de l’éthique et de la déontologie. Puisque autant la loi protège la liberté d’expression  autant elle protège les citoyens. Loin de moi  toute idée de soutenir les manquements aux principes. Mais, il ne faudrait pas que les leaders politiques, les hommes d’affaires, les patrons des régies financières, les directeurs des impôts et autres  utilisent les médias pour condamner un citoyen qui n’est pas encore reconnu coupable des faits par les tribunaux.

La calomnie et la diffamation  ne doivent pas constituer des armes entre les mains des puissants et des gouvernants pour museler la liberté d’expression. Nous devrions nous  inquiéter que le Code Pénal ou la loi sur la Cyber-Sécurité soient désormais brandis  contre les citoyens et les journalistes. Aujourd’hui c’est Habib Marouane Camara et Mohamed Bangoura. Demain, à qui le tour ? En attendant, Marouane devrait avoir son droit de réponse à ce communiqué.

AZOCA BAH Journaliste