Le ‘‘Nem Nem’’ en Guinée, ‘‘Takhalil’’ aux îles Comores, ‘‘Felaka’’ à Madagascar, ‘’coupage’’ en République démocratique du Congo, ‘’Enveloppe ou pot de vin’’ en France, ‘‘Gombo’’ au Gabon et au Cameroun, ‘‘Communiqué final’’ au Benin, ‘‘Phénomène perchmerga’’ en Mauritanie. Autant de noms pour désigner ce cadeau empoisonné offert aux journalistes après couverture d’évènement.
Ce fléau menace les medias. Il est africain et mondial. La question a été revisitée par les panelistes de l’atelier 2 des 45 èmes Assises de la presse francophone à Antsirabe le 21 novembre 2016.
Au Bénin, selon Marcel Zoumenou, rédacteur en chef du quotidien ‘‘La nouvelle tribune’’ Bénin, ‘’Le gombo’’ tire son origine d’un pratique culturelle.
« En Afrique, particulièrement au Bénin, nous sommes redevables des personnes qui nous rendent service. Je peux dire que le Gombo tire son origine de cette tradition de commodité et de respect que nous entretenons entre frères. » A-t-il argumenté.
Marcel Zoumenou admet que cela affecte le contenu des articles puisque le journaliste se sent dans l’obligation de traiter le reportage avec complaisance. Pour lui, les rédactions doivent insister sur la valeur des conférences de rédaction et que la publication d’un article doit résulter d’un travail collégial.
D’un autre regard, le Guinéen Sékouna Keita, directeur adjoint du quotidien national ‘‘Horoya’’ estime que les médias d’Etat souffrent de leur statut. Pour lui, ces médias n’ont pas été préparés à devenir des structures indépendantes.
« Les journalistes de Horoya ont un statut de fonctionnaires. Les dirigeants du journal n’ont pas toute la liberté managériale pour aller à la recherche d’autres fonds. C’est une situation qui expose les journalistes au phénomène du ‘’Nem Nem’’ parce qu’ils n’ont pas suffisamment de ressources.»
Sékouna Keita fait une proposition qui est celle de permettre aux medias d’Etat de passer de leur statut de médias classiques à des médias modernes et compétitifs, avec un statut d’entreprise. Cette formule, selon lui, permettra de générer des ressources.
Quant à Lova Randriantarry, spécialiste malgache du droit des medias, le ‘’Felaka’’ affecte les entreprises de presse. Ces cadeaux qui, selon elle, prennent la forme de voiture, de billet d’avion, de villa sont encouragés par les patrons de presse.
« Il s’agit d’un moyen de survie développé par les journalistes, mais également encouragé par les patrons de presses et les annonceurs qui ne veulent pas payer le prix qu’il faut pour la publicité.»
Elle recommande la signature de contrat à durée indéterminée et l’instauration d’une grille salariale qui permet aux journalistes de s’attacher à une rédaction.
Les débats ont démontré que le phénomène de ‘’Nem Nem’’ touche toute la chaîne des rédactions. Les patrons de presse sont eux aussi clients du phénomène ‘’Guichet fermé’’ pour vendre la Une de leurs journaux au plus offrant.
Peur de la précarité ? Le Guinéen Alpha Kabinet Doumbouyah, directeur général de l’Agence guinéenne de presse a estimé que la tentation du ‘‘Nem Nem’’ chez les jeunes journalistes résulte de la précarité dans laquelle leurs devanciers qui n’ont de fortune et de reconnaissance que leur célébrité.
Des invitations ont été faites à l’Union de la presse francophone, notamment celle formulée par le Guinéen Alpha Abdoulaye Diallo, éditeur de l’hebdomadaire ‘‘Le Populaire’’, pour appuyer la formation de managers de d’entreprise de presse. Lui faisant chorus, la Guinéenne Monique Curtis Diallo, Membre de la section guinéenne l’union de la presse francophone a proposé à l’Upf d’accompagner les associations de presse, les gouvernements et les patrons de presse pour la mise en place de Conventions collectives pour réduire l’ampleur du phénomène.
Monique Curtis