L’obstination des nouvelles autorités à fouler au sol les revendications des forces sociales et politiques, a conduit ce 28 juillet 2022 à une scène de violences qui décrédibilise le CNRD sur le plan national et international. Personne ne pensait que les militaires qui ont basé les raisons de leur coup de force, sur les dérives et la confiscation des libertés fondamentales du régime déchu, pouvaient retomber dans les mêmes pratiques anti démocratiques. La force qui démet un tyran ne tardera pas à porter les habits de ce tyran, c’est à cela qu’on assiste aujourd’hui de la part des militaires. Le colonel Mamadi Doumbouya avait pourtant promis qu’il fallait désormais faire l’amour à la Guinée au lieu de la violenter. Ce qui s’est passé ce jeudi 28 juillet 2022 est un viol évident de la Guinée.
Le Président Ahmed Sékou Touré a dit : « on peut tromper une partie du peuple tout le temps, tout le peuple une partie du temps mais jamais tout le peuple tout le temps ». L’arrogance du CNRD à travers sa façon cavalière de mener la transition sans un consensus national, constitue le point de divorce avec les populations guinéennes, les forces sociales et politiques. Le CNRD doit savoir qu’il n’est ni légitime, ni légal donc il n’émane pas d’une volonté populaire pour qu’il se croit sur un terrain conquis. Si le CNRD était réellement venu pour résoudre les difficultés du peuple de Guinée, il n’allait pas restreindre les droits constitutionnels des guinéens par l’interdiction des marches et des rassemblements populaires.
Le refus du colonel Mamadi Doumbouya d’accéder à la sollicitude des forces sociales et politiques, s’explique par le fait qu’il a cédé à la sirène des va-t-en guerre qui gravitent autour de lui. Or son passé récent dont il ne peut se targuer est connu de tous. Au lieu de partir au charbon avec les forces sociales et politiques, il devait se remémorer de son discours du 5 septembre 2021 qui a donné tant d’espoir aux guinéens. Celui qui s’est fixé comme objectif la refondation de l’Etat doit pouvoir maitriser son égo pour atteindre cet objectif. La gestion humaine est difficile celle d’un Etat est complexe. On ne gère pas un Etat avec ses émotions seulement, avec la raison et le bon sens. Le peuple a en mémoire la transition du CMRN de feu Lansana Conté et celle du CNDD de Moussa Dadis Camara qui ont donné autant d’espoir que de désespoir. Tous les guinéens pensaient que la présente transition serait non seulement la dernière mais également celle qui leur apporterait la solution définitive à ses affres politiques et sociales.
De la manière où évoluent les choses, au lieu d’une solution le peuple se retrouve avec une équation à multiples inconnues. Tous les jours la vie devient difficile, tous les jours les populations se demandent du bien-fondé de ce coup de force car, elles assistent plutôt à une descente en enfer qu’à une entrée au paradis comme promis par les militaires. De la promesse à la réalité, la distance se mesure en millions d’années lumières. Ce qui fait peur aujourd’hui c’est le désamour du peuple pour son armée qu’il juge ne plus être républicaine. Après la tragédie du 28 septembre le fossé s’était élargi entre le peuple de Guinée et son armée, il aura fallu l’arrivée du Pr. Alpha Condé pour restaurer la confiance entre eux. Aujourd’hui cette armée est redevenue encore un véritable problème auquel sont confrontées les populations guinéennes.
Un conducteur qui regarde toujours dans le rétroviseur ne court pas de risque d’accident. Donc le passé est non seulement instructif mais, il peut aussi servir de base pour la construction du présent et même du futur. Les véritables problèmes de la Guinée connus de tous, étaient l’impunité et le manque de justice. Quand le colonel Mamadi Doumbouya annonçait le 5 septembre 2021 que la justice sera sa boussole, les guinéens l’ont naïvement cru. La conduite de la transition ne rassure personne et les événements de ce jeudi 28 juillet 2022 ont terni davantage l’image déjà écornée du CNRD. Les images de cette journée qui tournent en boucle sur les télévisions et les réseaux sociaux, la restriction des libertés individuelles et collectives, la sortie maladroite du Parquet général sont autant de facteurs qui dénotent cette dérive autoritaire.
S’écouter, s’accepter, agir et marcher dans la même direction est le souhait de tous les guinéens qui rêvent d’une Guinée meilleure. Cela est bien possible à condition de se débarrasser de son égo, de l’égocentrisme et épouser l’altruisme. Que ce soit le CNRD, les forces sociales et politiques, tous sont fils de cette Guinée. Pourquoi ne pas se mettre ensemble autour de la même table pour discuter les problèmes du pays, au lieu de se regarder en chien de faïence. Ce n’est pas en reprenant les erreurs du passé qu’on peut trouver la solution aux problèmes du pays. Les nouvelles autorités devaient tout faire pour éviter ce débrayage par la voix du dialogue. Opposer un refus absolu à toutes les sollicitudes des forces sociales et politiques prouve facilement une mauvaise foi et noie aussi tous les efforts pour le maintien de la paix.
Tant que le CNRD refusera d’accepter les revendications des forces sociales et politiques, tant qu’il ne cessera pas de s’acharner contre les leaders et responsables politiques du pays, tant qu’il n’arrêtera pas l’instrumentalisation de la justice, il ne connaitra pas la quiétude qu’il désire. Le CNRD doit revoir sa ligne directrice pour se conformer à ses premières déclarations du 5 septembre 2021. Si le souvenir du colonel Mamadi Doumbouya n’est pas court, il doit se rappeler les déclarations des magistrats, lors des journées de concertation au Palais du peuple. Il ne faut pas qu’il se laisse attendrir par leurs agissements car, ils ne tarderont pas à lui faire endosser la responsabilité. La démocratie a des exigences qu’il faut respecter. On ne peut pas vouloir à la fois d’une chose et de son contraire. On ne peut pas se dire démocrate et en refuser les principes, les règles et les contraintes. Le colonel Mamadi Doumbouya doit laisser du leste, devenir raisonnable, s’il veut mener à bien cette transition.
Que le bon Dieu l’éclaire et guide ses pas dans cette noble mission

MAM CAMPBELL
JOURNALISTE INDÉPENDANT ET ACTIVISTE
CONSULTANT EN COMMUNICATION

NB : Cet article n’engage pas la Rédaction du Courrier de Conakry.