Tribune ! Dans le cadre de la transition, j’écrivais il y a quelques mois encore, qu’il s’agissait d’une opportunité d’inclure massivement les femmes, car avec les enfants, elles sont les premières victimes des crises politiques, économiques et sociales. Elles doivent donc faire partie de la solution aux problèmes qu’elles subissent et être incluses pour les prises de décision.
En outre et même si la transition n’a pas vocation à se pencher sur les défis de développement de notre pays, la promotion de l’égalité hommes-femmes et la réduction significative des inégalités de genre sont des impératifs pour toute nation désireuse d’atteindre une croissance forte, inclusive et durable. Ainsi, les nations, les sociétés et les organisations qui sont aujourd’hui performantes, sont celles qui ont fait de la parité et de la diversité de genres leur fondement. De nombreuses études montrent qu’inclure les femmes, notamment aux postes les plus élevés, permet d’améliorer les prises de décision en offrant des perspectives et des solutions diverses aux problèmes et défis rencontrés. Cela permet également d’améliorer la gouvernance des organisations et des institutions.
Par ailleurs, sur le plan mondial, il est aujourd’hui clairement établi que promouvoir la réduction des inégalités de genre permettrait d’ajouter l’équivalent de douze mille milliards de dollars US à la croissance mondiale. Cette inclusion pourrait également augmenter la productivité mondiale de 40% à l’horizon 2025. S’agissant de la Guinée et selon la Banque mondiale, nous pourrions accroître le PIB par tête de notre pays de près de 10% à l’horizon 2035 en luttant contre les inégalités de genre. La parité et la diversité de genres ne sont donc pas des sujets faits pour amuser la galerie, ce sont des aspects qui relèvent du bon sens économique et qui sont essentiels à la transformation et la prospérité de nos pays.
Pourtant, nous sommes encore loin du compte alors que plus d’un guinéen sur deux est en fait une citoyenne guinéenne. Nos institutions, nos instances gouvernementales et les structures du secteur privé formel sont très loin de refléter la composition démographique de notre population. Nous sommes d’autant plus loin du compte que cette transition semblait, pour beaucoup d’entre nous, être une opportunité de poursuivre la tendance initiée depuis une décennie quant à la représentation des femmes au gouvernement. En effet, selon le graphique ci-dessous, la Guinée a enregistré une augmentation de près de 57% du nombre de femmes ministres entre 2010 et 2021 (avant le 5 septembre 2021). Nous avons fait mieux que la moyenne mondiale et celle de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
Il semblait important de maintenir la cadence, notamment dans cette période charnière pour notre nation. Il paraissait également important de donner le « la » en termes de respect des règles que l’on décide d’adopter. Or, la composition du gouvernement de transition ne respecte pas la charte de transition. Cela est décevant, même en nuançant avec la nature des postes occupés et par le fait qu’on reste au-delà des moyennes mondiales et CEDEAO. La déception est d’autant plus grande lorsque l’on analyse les autres postes de responsabilité comme celui de secrétaire général, pour lequel les femmes ne représentent que 8% des hauts-cadres nommés.
On ne peut se contenter de la sempiternelle excuse selon laquelle nous ne trouvons pas de femmes compétentes. Elles existent et sont présentes en Guinée et au sein de notre diaspora. On ne peut se contenter de certains arguments fallacieux qui voudraient que l’égalité en genre le disputerait à la compétence. Les deux vont de pair. Et ces deux objectifs peuvent être atteints simultanément. Encore faut-il s’en donner les moyens. Cela requiert une volonté politique ferme, des politiques et programmes publics sérieux, des plaidoyers permanents et une capacité de suivre les tendances avec des données pertinentes. Je continue de croire que nous pouvons faire mieux que cela. La nomination des chefs de cabinet est une (maigre) consolation, car elle a consisté, à peu de chose près, à reconduire les mêmes cadres en effectuant quelques permutations.
Ainsi, au terme des cent premiers jours, le bilan dressé est mitigé quant à la représentation des femmes au sein du gouvernement et de certains autres postes de décision. Il reste peut-être encore des nominations et il est encore temps d’améliorer la situation, notamment au regard de la composition du Conseil national de la transition (CNT). Nous espérons, cette fois-ci, voir la fumée blanche.
Ancienne et première femme ministre de l’économie et des finances de Guinée, Malado Kaba, est une économiste du développement qui possède plus de 25 ans d’expérience professionnelle dans le domaine du développement international. Elle siège également dans plusieurs conseils d’administration. Elle fait partie de la cohorte inaugurale de l’initiative Amujae leader du Centre présidentiel des femmes et du développement de Mme Ellen Johnson Sirleaf et est membre du groupe de réflexion et d’influence des femmes (GRIF).