Les événements qui se déroulent dans le pays depuis le fâcheux coup de force d’un petit nombre de militaires regroupés au sein du CNRD, ressemblent étrangement à un retour à la case de départ pour les guinéens. Les promesses tenues par les nouvelles autorités semblent ne plus tenir et, malheureusement on a assisté ces derniers temps à la recrudescence de la violence, de la confiscation des libertés individuelles et collectives. Pourtant, l’espoir était grand au soir du 5 septembre 2021, ce qui a suscité un engouement sans précédent et une adhésion massive à la cause de la junte. Cette junte par enthousiasme, naïveté ou populisme a commis des fautes qui la rattrapent aujourd’hui notamment, la libération des activistes et le démantèlement des PA sur l’axe. Cela pour dire que le régime déchu ne respectait pas les droits de l’homme, eux de prouver leur bonne volonté.
Les erreurs du passé ne seront pas évitées, elles sont plutôt commises à nouveau et à satiété. Le jugement que portent de nombreux observateurs est de condamner l’inopportunité de ce coup de force. En réalité, tout ce qui a été annoncé comme réformes, ne sont aujourd’hui que de simples propagandes car, elles peinent à se concrétiser dans les faits. Quand deux parties sont en conflit, il faut éviter le rapport de force qui est souvent préjudiciable à tous. Les raisons qui ont poussé les militaires à prendre le pouvoir devait les éclairer aussi à ne pas céder aux provocations du FNDC. Aujourd’hui la réputation du CNRD est entamée à l’internationale à cause des tristes événements qui viennent d’émailler le Golfe persique guinéen, et surtout du mandat d’arrêt lancé contre certains membres du FNDC qui sont aujourd’hui réduits au silence !
Personne ne pensait que le pays allait retourner à ses anciens avatars pour lesquels il y a eu rupture le 5 septembre 2021. Malheureusement, la passion et l’égocentrisme aidant, les militaires semblent avoir pris goût au pouvoir, les promesses ne sont pas respectées, les forces sociales et politiques se voient marginalisées dans la gestion de la transition. Le pays est dans une période d’exception cela est une évidence cependant, les militaires doivent savoir que la transition est avant tout politique, c’est pourquoi sa gestion doit être inclusive sans aucune exclusion. Il y a eu des assises nationales, le cadre de concertation auxquels les formations politiques les plus représentatives de l’opinion nationale n’ont pas pris part.
La logique d’un rassembleur est d’intéresser tout le monde, user de toutes les stratégies pour réunir autour d’une même table toutes les parties prenantes de la vie nationale. La force d’un Etat réside dans sa capacité à fédérer les forces sociopolitiques du pays. Les déclarations du 5 septembre 2021 qui avaient donné grand espoir aux guinéens, n’ont pas été respectées par les nouvelles autorités. Or, le changement de régime perpétré par les militaires devait en principe soulager les populations guinéennes, mais à l’allure où vont les choses, elles sont plutôt envahies par l’anxiété et l’angoisse. Les nouvelles autorités ont l’obligation de respecter leurs premières déclarations qui avaient suscité grand espoir. Le pays ne se gère pas par l’émotion et l’égocentrisme mais par la raison.
Le CNRD ne devait pas interdire les manifestations pourtant consacrées par la charte de la transition. Le refus d’autoriser la marche a été une faute de la part des autorités, elles devaient simplement l’autoriser et assurer sa sécurisation. Elles seraient aujourd’hui en position de force car, elles auraient permis au FNDC de montrer sa véritable nature. Ce qui fait dire aux gens que l’interdiction est à la base des violences. Le RPG arc en ciel a la tête haute, toutes les mesures qu’il avait prises pour la préservation de la quiétude sociale, que le CNRD a foulées au sol, s’avèrent maintenant nécessaires pour la pacification de la cité. Il y a des mesures impopulaires qu’il faut s’abstenir de prendre pour éviter les remous sociaux.
Le CNRD a péché par prosélytisme dès le départ, non seulement il a vite pris des promesses irréalistes ce qui devient pour lui aujourd’hui des écueils difficiles à éviter. La refondation dont il est question est un mort-né. Elle a échoué à partir du moment où les nouvelles autorités par enthousiasme ou ignorance n’ont pas appliqué effectivement la dissolution de la constitution et des institutions républicaines. La dissolution d’une constitution et de toutes les institutions devait signifier la suppression de tous les partis politiques et de toutes les organisations de la société civile. Les militaires ne l’ont pas fait par immaturité politique, si aujourd’hui ils veulent éliminer les ténors de la politique à travers un acharnement ou une chasse aux sorcières, le peuple n’acceptera plus cela. Que cela soit clair pour le Colonel Mamadi Doumbouya et sa bande.
La seule solution capable de ramener la paix dans la cité et de freiner la frustration massive est de revoir la démarche du CNRD qui doit accepter de mettre fin à l’exclusion des grands partis populaires. Ensemble ils doivent revenir tous à la table de dialogue afin de définir la meilleure voie pour mener à bien cette transition. Autant la rue n’est pas une solution, autant la force ne l’est pas également. Si le CNRD veut réellement aider le peuple de Guinée, le changement qu’il ambitionne ne pourra jamais se réaliser radicalement. Il faut tout un processus et plusieurs étapes pour y parvenir. La corruption, le détournement de deniers publics peuvent être réduits mais non éradiqués car, dans tous les pays du monde ils existent ; c’est pourquoi on affirme qu’il n’y a pas d’âme incorruptible il y a qu’à mettre le prix.
Si le CNRD n’avait pas jeté l’anathème sur le pouvoir déchu, il allait honorablement mener cette transition avec succès, mais malheureusement il a placé la barre très haut, il faut bien sauter pour l’atteindre or, ses pieds sont bridés cela devient très difficile. Les militaires ont commis assez de fautes préjudiciables à la paix et à la quiétude sociale, comme il n’est jamais trop tard pour bien faire, ils doivent pouvoir tirer les enseignements des récents événements. Se mettre à l’écoute de la communauté internationale, de la communauté nationale et des organisations sous régionales, régionales et internationales. Quand on pose un tel acte, il faut savoir en sortir grand !
MAM CAMPBELL JOURNALISTE INDÉPENDANT ET ACTIVISTE CONSULTANT EN COMMUNICATION