Depuis l’annonce officielle de la dissolution du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC) par le ministre de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation, (MATD), les commentaires vont bon train.
Votre quotidien, le Courrier de Conakry a tendu le micro à Me Adama Skel Fofana, avocat au Barreau de Guinée, pour savoir ce que la loi dit sur la dissolution d’une telle association. Lisez l’interview expresse !
Le MATD a annoncé hier soir la dissolution du FNDC, en tant qu’homme de droit, quel est votre avis ?
La dissolution du FNDC n’est pas la solution, parce que ça va tomber dans de mauvaises oreilles. C’est quelque chose qui existe déjà par une sorte de spontanéité. Quand on dit marche ou ville morte, tu vois tout le monde observer cela. Il faut se poser des questions.
Si les uns et les autres pensent que le FNDC est un mal, ce serait un mal nécessaire alors. C’est un garde-fou. Je pense que nous sommes chez nous, nous devons nous entendre. Sincèrement la démocratie n’est pas difficile. Parce que quand quelqu’un parle, vous saurez ce qu’il a au fond du cœur et vous saurez prendre les dispositions. Quand c’est bien appliqué, c’est tout le monde qui y gagne. Moi je suis apolitique, mais ce que je peux dire, on ne peut pas dissoudre FNDC.
Concrètement que dit la loi sur la dissolution d’une association ?
Juridiquement le FNDC n’a pas de statut mais le FNDC existe de fait. Il y a une association de fait. C’est-à-dire la volonté des uns et des autres. Quand vous demandez tout de suite dans tous les milieux socio-professionnels de la Guinée, vous demandez quels sont ceux qui sont d’accord avec le FNDC, vous trouverez tout le monde même dans les conseils de mosquées. Donc c’est une certaine spontanéité ! c’est une organisation non gouvernementale de fait. Voilà les difficultés auxquelles le gouvernement est confronté. Le FNDC aujourd’hui, c’est plus que de l’agrément. Ce sera un coup de pied dans l’eau, même un peu maladroit de vouloir dire publiquement qu’on va dissoudre le FNDC. Cette organisation est déjà installé. Le gouvernement même à légitimer le FNDC en rencontrant les membres.
Le gouvernement doit-il interdire les manifestations en Guinée ?
Non, le gouvernement n’a pas raison. Quand vous devez interdire, vous dites pourquoi vous devez interdire et vous demandez aux uns et autres de reporter et dire prochainement on vous autorise. Vous prenez des gardes fous, vous encadrez les manifestations. C’est-à-dire mettre en place un comité dont les membres vont au gouvernorat de Conakry pour indiquer les points de départ et les points d’arrivée et à quelle heure ça va finir. On met la mesure de sécurité.
Le moment où on a mis la charte, on a indiqué qu’il y a le droit de manifester. Du moment où on dit le droit de manifester, qu’on accepte que les gens viennent avec des pancartes qu’ils manifestent mais qu’on les apprenne le civisme. Ce qui est à déplorer souvent, il n’y a pas d’éducation civique. Par exemple : dire aux uns et autres, le bien qui est là, ce que Colonel Mamadi Doumbouya a pu faire pour accélérer les travaux et ce qu’il a tenté de mettre en place, si vous gâtez ça le futur président sur lequel vous comptez, il aura des difficultés pour finir. Ce qui est consacré par la loi, c’est ce qu’il faut faire. Permettre aux uns et autres d’avoir leur droit et d’avoir leur devoir aussi. C’est-à-dire les encadrer.
Moi je pense que c’est des futurs dirigeants de la Guinée qui constituent la jeunesse d’aujourd’hui. Il faut qu’on s’entraide, c’est un devoir pour l’État. Il y a une chose que nous partageons en commun c’est la Guinée. On a aucun intérêt à ce que nous soyons dans les situations dans lesquelles les maliens se trouvent aujourd’hui. Nous pouvons éviter cela. Si on tente par une décision d’interdire ou de dissoudre le FNDC, on va se ridiculiser. Moi à la place du gouvernement, j’aurai tenté une autre approche. C’est-à-dire appeler les membres du FNDC et les écouter. On va voir ce qui est faisable.
Selon vous, pourquoi ce divorce entre le CNRD et le FNDC ?
C’est un manque criard de dialogue qui est regrettable pour nous tous et c’est la Guinée qui sort perdante. Nous sommes tous appelés à jouer notre rôle. Vous êtes en train de jouer la vôtre pour la construction d’un État démocratique. Nous autres au niveau de ce que nous faisons à la justice, si on n’a pas cette philosophie, c’est que nous sommes pas des patriotes.
Ce manque de dialogue là et ce qui se passe aujourd’hui c’est regrettable. Je ne souhaiterais pas qu’une décision allant dans le sens de dissoudre le FNDC soit prise. Si elle est prise, ça va aussi créer des situations de révolte. On va donner un mauvais signal à l’extérieur et ce n’est pas bon. C’est regrettable pour moi de voir un étranger dire aux guinéens venez à la table de négociation.
Propos recueillis par Ibrahima Bah