Exception parmi les treize territoires de l’Afrique française, la Guinée a voté « non » au référendum du 28 septembre 1958 pour la création de la Communauté franco-africaine, suivant la position du parti dominant du président du Conseil du gouvernement Sékou Touré. Reprenant l’alternative qu’il a posée lors de son voyage africain en août, de Gaulle analyse ce vote comme une volonté de rupture avec la métropole, par rapport aux autres pays qui acceptent d’intégrer la Communauté avant d’accéder à une indépendance négociée entre chaque territoire et Paris.
Le gouvernement français adresse dès le 29 un communiqué à Sékou Touré pour tirer les conséquences de cette « sécession » : départ immédiat des agents de l’État en dehors de quelques services techniques, comme le Trésor ou la sécurité aérienne et maritime, repli rapide de l’armée et de la gendarmerie françaises et suppression des aides financières et douanières, comme la remise en cause de la garantie pour le projet Konkouré de production d’électricité.
La République de Guinée est proclamée le 2 octobre mais son président, Sékou Touré, n’entend pas rompre avec la France. Il ne cesse d’octobre à mi-décembre de demander la reconnaissance officielle de son pays par la France, l’établissement de relations diplomatiques et le maintien de la Guinée dans la zone franc. Mais les messages restés sans réponse de Paris et les ambigüités du gouvernement français autour de la reconnaissance de la Guinée et de la négociation des accords de coopération conduisent Sékou Touré à se tourner vers d’autres États.
Des ambassadeurs sont envoyés auprès des pays de l’Afrique Occidentale Française et des capitales occidentales tandis que Sékou Touré se rapproche des États africains indépendants, au premier rang desquels le Ghana, et des pays de l’Est. Les pressions françaises pour créer le vide diplomatique autour de la Guinée se soldent par un échec. Fin novembre, la nouvelle République est déjà reconnue par 57 pays, dont la Grande-Bretagne et les États-Unis qui entendent l’empêcher de basculer dans le camp de l’Est. La Guinée obtient son admission aux Nations-Unies le 12 décembre tandis que la France s’abstient lors du vote.
La vidéo des Actualités française diffusée le 8 octobre 1958 sur la Guinée indépendante témoigne de cette période d’incertitude dans les relations franco-guinéennes. Elle reprend le discours classique de l’œuvre civilisatrice de la France qui a fait du « petit village » de Conakry « un port et une cité modernes », en l’accompagnant d’images d’immeubles et de circulation automobile règlementée dans la ville par un policier en uniforme. Il s’agit du rappel lancinant du rôle de la France dans la construction des États africains modernes. Le reportage présente également l’interprétation gaulliste du « non » guinéen comme un refus de la « Communauté offerte par la France », comme une volonté de « séparation » imputable à son « artisan » Sékou Touré.
La vidéo n’offre aucune vision ni commentaire sur le jour de la proclamation d’indépendance du 2 octobre. C’est en revanche le gouvernement guinéen qui doit « assumer désormais seul les destinées du pays » qui est représenté au travail. Cette édition du journal destinée à l’étranger s’efforce surtout de souligner l’impératif pour le jeune État de maintenir une coopération négociée avec l’ancienne métropole. Malgré la rancune à l’égard de « l’artisan de la séparation », le reportage indique que le « premier acte de Sékou Touré » a été « d’exprimer à la France son désir de collaboration ». La France doit ainsi manifester son rôle majeur sur la scène mondiale dans le processus vers les indépendances africaines, y compris pour le pays qui a souhaité une « séparation » immédiate.
Dans les annales de l’histoire guinéenne, on retiendra et cela jusqu’à la fin des temps, que ce pays a été le premier à rejeter le carcan colonialiste pour se diriger sur le chemin de l’indépendance et de la souveraineté. Le non historique du 28 septembre 1958 a ouvert la voie aux indépendances africaines, la presque totalité des pays francophones d’Afrique ont accédé à leur indépendance en s’inspirant du modèle guinéen. Il en sera ainsi durant des décennies, la Guinée demeurera le réservoir dans lequel les jeunes Etats indépendants d’Afrique viendront s’abreuver.
Aujourd’hui nous sommes à 65 longues années de cette période glorieuse pendant laquelle le pays était considéré comme le porte flambeau du continent noir. L’implication directe de la Guinée dans presque tous les combats pour la liberté dans le continent africain : au Congo Léopoldville, en Algérie, en Afrique du sud avec l’ANC, en Angola et en Guinée Bissau, prouve à suffisance l’amour de la liberté et de la condition africaine. Dans tous les plans ce pays a excellé dans le combat pour la réhabilitation de ses valeurs confisquées par la colonisation. Ce passé honorifique et glorieux ne caractérise plus ce pays par la faute de ses propres fils.
Au regard de la tumultueuse histoire de la Guinée, on a l’impression que depuis 65 ans, ce sont les mêmes revendications qui tournent en boucle, les mêmes qualificatifs qui sont attribués aux chefs, les mêmes critiques contre les régimes successifs. Le temps mis pour faire ces inutiles combats autour du pouvoir aurait servi à conduire le pays vers l’émergence, le bienêtre matériel et moral. Quand on regarde l’immensité de tout ce qui a été réalisé par la première république, et voir aujourd’hui le sort qui lui a été réservé c’est ahurissant. Pourtant personne n’ignore que la première loi du progrès réside dans la préservation de ce qui est acquis. Les unités industrielles, la flotte aérienne, le chemin de fer vestige colonial ont disparu miraculeusement par la faute des fils de ce pays.
Le non de la Guinée au référendum du 28 septembre a été considéré comme offense au Général De Gaule. Et les conséquences suivront à travers ce qui a été appelé ‘’le complot permanent’’. Mais le navire guinéen malgré toutes tentatives de déstabilisation de l’impérialisme, ne tanguera jamais. Le jeune Etat a avec ses amis et ses moyens de bord préservé la dignité et la souveraineté du pays. Aujourd’hui, c’est avec un manque de pudeur que l’on traite le père de l’indépendance de dictateur, de sanguinaire. Qui ne se souvient pas de l’engagement révolutionnaire qui a poussé les étudiants à la campagne dans les brigades mécanisées de production (BMP) pour impulser l’autosuffisance alimentaire ? Quel accueil a-t-il été réservé à cette initiative par les détracteurs ?
C’est dire que de tout temps on a fatigué le pouvoir en place à travers des conspirations, des tentatives de déstabilisation, des actes de sabotage et des campagnes de discrédits. Une nation ne pourra jamais se développer dans pareille situation. Il y a trois facteurs déterminants de nos jours pour l’émergence économique d’un pays à savoir : les capitaux arabe et asiatique et la richesse naturelle. Pourtant la Guinée a tous ces avantages car elle dispose d’une fabuleuse richesse du sous-sol dont certaines ne sont pas encore inventoriées. Ce qui signifie que le pays a tout pour atteindre l’émergence.
Le seul handicap pour ce pays réside au niveau de ses ressources humaines qui tarde à prendre conscience du rôle qui est le sien dans le développement national. Depuis l’avènement du multipartisme intégral et surtout le discours programme du Général Lansana Conté avec la libéralisation des initiatives privées, on a l’impression que ces mesures ont été mal comprises par les guinéens. D’abord on a procédé à une privatisation sauvage qui a mis en péril l’héritage industriel de la première république, et des hommes peu scrupuleux se sont hissés à la tête des sociétés fantômes pour saigner à blanc l’économie nationale.
Pour des ambitions parfois personnelles et par envie de se donner une certaine position hégémonique une multitude de formations politiques a vu le jour. Au lieu de prendre en compte le devenir national, on assiste à une guéguerre entre les acteurs politiques, des fois avec des scènes inédites de violences et mort d’hommes. Comme la mer, on assiste à un éternel recommencement en Guinée. Des élections toujours contestées, des institutions républicaines discréditées et la quiétude sociale menacée par des éternels insatisfaits. La préoccupation majeure semble être cette lutte inutile pour la conquête du pouvoir avec ses corolaires de mise en danger de l’unité nationale.
La jeune génération doit comprendre que la Guinée a toujours été un exemple qui a servi les autres pays du continent. Ce passé glorieux doit réveiller en chaque guinéen le sentiment de reconquérir la gloire d’antan en incarnant les véritables valeurs qui ont prévalu dans le combat pour la souveraineté. La seule priorité qui doit être celle des guinéens est celle de se consacrer au développement national en faisant de leurs diversités un avantage et non un obstacle. C’est dans l’unité et la solidarité que l’on peut bâtir une nation forte et prospère. C’est pourquoi il est venu le temps de se focaliser essentiellement sur ce qui nous uni plus que sur ce qui nous divise. Les hommes passent mais le peuple demeure, il faut alors par bon sens refuser de personnaliser le débat en le réduisant à un individu.
C’est aux guinéens de se respecter et de se faire respecter par les autres peuples. Porter la totale confiance aux institutions et aux dirigeants du pays en leur accordant le maximum de crédit. Eviter de toujours nuire aux institutions en les lançant une campagne de discrédits. Le devenir de la Guinée n’incombe qu’aux guinéens et non à un autre peuple. Il faut que les guinéens comprennent qu’ils ont un grand rôle à jouer dans le continent africain. Aujourd’hui le pays est devenu très attractif à cause des nouvelles mesures institutionnelles, de ses richesses et de son ouverture aux investisseurs et opérateurs économiques de tout bord.
La politique extérieure du pays sous l’impulsion du Président de la République, le Pr. Alpha Condé a remis la Guinée dans la sphère des nations fréquentables. Cette opportunité diplomatique est une aubaine profitable à l’épanouissement des populations guinéennes. Les grands chantiers dans le domaine de l’hôtellerie, de l’énergie, des travaux publics et des mines confèrent au pays un avenir radieux et immédiat. Le mieux à faire est de se donner les mains pour la mise en œuvre de ces multiples chantiers porteurs de croissance et de richesses.
65 ans dans la vie d’un homme est significatif. Il témoigne d’une maturité et d’un sens élevé de responsabilité. Un homme de 65 ans est avant tout conscient de son rôle au niveau de sa communauté et de sa patrie. Le retard de la Guinée est bien évident mais, ce n’est pas aussi une malédiction comme le prétendent certains. Il dépend en grande partie du manque de patriotisme et de civisme des hommes et femmes en charge de la destinée du pays. Le gros problème qui est aujourd’hui une équation difficile à résoudre, est la qualification des ressources humaines.
Il faut une prise de conscience du peuple, que chaque guinéen se sente responsable dans son domaine et dans son secteur.
Le développement ne doit pas être seulement axé sur l’action gouvernementale, les citoyens doivent se sentir concernés comme acteurs de développement et non de consommation.
Il faut que les guinéens sachent que l’Etat c’est tout le monde et non les quelques membres du gouvernement.
Il faut que chaque individu puisse apporter sa pierre à l’œuvre de reconstruction nationale, les guinéens ont perdu assez de temps.
Puisque ce pays a été par le passé la locomotive de la prise de conscience effective du continent noir, il doit continuer à préserver ce passé pour la gloire des générations futures.
Il faut refuser le jeu des politiciens qui n’ont autre dessein que diviser pour profiter davantage de cette mésentente.
#MAM #CAMPBELL
ÉDITORIALISTE JOURNALISTE INDÉPENDANT ET ACTIVISTE CONSULTANT EN COMMUNICATION