Un journaliste éperdu a rencontré le hasard des chemins croisés de la mort qui se montre toujours perfide pour surprendre et tire sa force de sa troublante insouciance face au malheur et à toutes les douleurs occasionnées par elle.

C’est de Lomé où je me trouve, loin du pays depuis hier soir, que j’ai appris la disparition brutale et cruelle d’Abdoulaye Bah. Le moment de stupeur et d’incompréhension face à cette mauvaise nouvelle passé, vint l’instant où on médite à propos de la finalité de la vie et du mystère de la mort.

La dernière fois que je l’ai vu, sans me douter un seul instant , que je ne le reverrai plus qu’à travers les souvenirs que je garderai jalousement de lui que j’ai tant admiré et estimé, c’était la veille de la fête de ramadan. Il était, comme à son habitude et comme toujours plein de vie et d’énergie et habité par la passion de son métier . Difficile de parler ou d’écrire au passé s’agissant de lui qui était si jeune et semblait avoir encore de nombreuses et belles années devant lui, lui qui, au quotidien, par la force de son talent et de ses chroniques s’est imposé comme un des meilleurs esprits et espoirs de la presse Guinéenne, une fierté de la génération montante de journalistes. Certes, les « grandes douleurs sont muettes » et la mort est une circonstance de pudeur et d’humilité pendant laquelle chacun de nous se force à la générosité et manifeste une bonté profonde, mais elle rappelle surtout l’histoire et le parcours des plus anonymes d’entre nous. Si Abdoulaye a vécu dans l’anonymat parce qu’il n’était pas connu du  » grand public » tant il était effacé et sobre, sa plume fertile , caustique parfois sans , bien sûr, l’agressivité des frustrations intimes ou la méchanceté des espoirs perdus, était connue de tous. La mobilisation populaire pour lui rendre un vibrant hommage ne s’explique pas seulement par les conditions tragiques de sa mort ou l’émotion encore vive de perdre un journaliste chevronné fauché dans la fleur de l’âge, c’est l’expression d’une légitimité chèrement acquise et d’une bonne réputation professionnelle dûment établie à jamais : maintenant, chacun sait qu’il a vécu utile dans l’honneur et l’honnêteté si rares à notre époque et combien de fois aussi il sera pour toujours dans l’estime de ses compatriotes et la conscience d’une élite, malgré tout, sensible au talent, à l’effort, au mérite, à l’intelligence, aux symboles.

Il n’a peut-être pas choisi de vivre brièvement en marquant l’histoire, plutôt que de vivre longtemps et inutilement dans l’indifférence générale et la monotonie d’une existence tranquille, mais, c’est ce que l’histoire retiendra. Comme l’a chanté Enrico Macias dans son hommage à cet autre héros disparu prématurément et tragiquement Anouar Sadate « les martyrs forcent les portes de l’histoire ». Oui, c’est le destin souvent des grands hommes de vivre peu et de faire parler d’eux longtemps en inscrivant leur action dans l’éternité, aussi bien pour défier le temps frivole que pour prendre leur revanche sur une vie réputée éphémère et traître.Abdoulaye, tu vivras après ta mort vécue comme une grande injustice, au-delà de la fatalité. Salut, l’artiste !

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Tibou Kamara

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