Madame Hawaou Bah, est enseignante en situation de classe et membre du bureau national du syndicat des enseignants et chercheurs de guinée (SLECG). En sa qualité de deuxième secrétaire chargée des questions féminines, compagnon de lutte d’Aboubacar Soumah, elle participe aux négociations syndicales avec le gouvernement. En marge des de ces négociations au Palais du Peuple, notre rédaction a rapproché Hawaou Bah, une syndicaliste membre du SLECG pour connaître un peu les raisons qui font que leur syndicat tient mordicus à leur deuxième point de revendication. Lisez…
Au tant que vos camarades syndicalistes, vous n’êtes pas prêtes à faire des concessions pour lever le mot d’ordre de grève….
Les enseignants de ce pays vivent dans la précarité. Les difficultés sont énormes. Laisser moi prendre l’exemple sur moi. D’abord je vais d’une de mes journées. Le 23 janvier dernier à 6H50 lorsque j’ai quitté chez moi pour me rendre au service, j’ai fait un accident à la cimenterie. Lors de cet accident j’ai eu des fractures au niveau de mes pieds. Cela m’a couté énormément d’argent. Parce j’ai risqué de perdre mes pieds pour manque de moyens.
Nous les enseignants sont assurés dans une société de la place, mais qui malheureusement elle n’a rien pu faire pour l’instant et elle n’est pas inquiétée. Et moi en tant qu’enseignante, ce que j’ai sur mon bulletin de paie est d’un million six cent mille francs guinéens. J’ai dépensé plus de 3 millions, donc le double de mon salaire. Mais malgré le fait que je ne sois pas bien portante, j’assiste aux négociations pour dire les quatre vérités à nos dirigeants qui n’ont pas une considération pour les enseignants.
Autres difficultés de tous les jours, même si vous vous rendez dans nos différentes écoles aujourd’hui, vous verrez qu’on nous donne des morceaux de craies pour enseigner les enfants. Vous ne verrez pas un Directeur d’école qui donne un paquet de craie à un ou une enseignante ; aucun enseignant n’a accès à une boite de craie par mois à plus forte raison un Bic. Mais où allons-nous avec cet état de fait ? Nous avons énormément de problèmes, de difficultés en difficultés. Nous n’avons pas accès à des cahiers. Vraiment nous vivons de façon misérable. Les enseignants ne mènent pas une vie de fonctionnaire. Aujourd’hui, tu ne peux pas rencontrer un enseignant qui à travers son propre salaire réaliser quelque chose. C’est dans cette fonction que tu verras des enseignants qui après 35 ans de service sortir sans avoir un seul bâtiment.
Au cours des négociations vous avez affirmé devant les membres du gouvernement et la presse que tous les enseignants ont des dettes dans les différentes banques. Expliquez-nous les raisons ?
C’est récurent ! Tu ne peux pas voir aujourd’hui un enseignant qui n’a pas un prêt dans une des banques. C’est la moitié de notre salaire que nous percevons à la fin de chaque mois comme salaire. C’est pour cette raison que, même si un enfant d’un enseignant arrive à obtenir une bourse d’étude, il est obligé de faire un prêt à la banque pour le soutenir. A travers le maigre salaire, tu ne peux pas soutenir ta famille au-delà d’une semaine. Par exemple, moi je quitte jusqu’à Dubréka pour venir enseigner à Gbéssia (Commune de Matoto). Ce que je dépense comme transport c’est trop. Et vous n’êtes pas sans savoir que j’ai perdu mon mari il y’a de cela 13 ans. Je n’ai aucun soutien, c’est moi qui assure la dépense de nos enfants et personne ne m’assiste.
Quel message avez-vous à l’endroit du gouvernement ?
Je souhaite qu’à travers cette interview que le gouvernement que dirige le Pr Alpha Condé pense aux enseignants guinéens.
Comment vous voulez qu’il pense aux enseignants ?
En nous donnant un salaire décent. Un salaire nous permettant au moins de subvenir à nos besoins primaires. C’est pourquoi le SLECG a pris cette grève-là très au sérieux. Et elle ne sera suspendue ou levée que lorsque le gouvernement nous paiera conséquemment, parce qu’on n’a pas où aller prendre de l’argent. Je vais vous faire une confidence. Le mois de janvier passé, il y’a un enseignant qui était venu chercher son salaire dans l’école où il enseignait, lorsqu’il est arrivé ils ont cherché son nom mais ils ne l’ont pas retrouvé à la comptabilité. Il s’est rendu à la Direction Communale de l’Education (DCE). C’est là-bas qu’ils ont trouvé son nom mais où ? Sur la liste des enseignants mis à la retraite, il a failli piquer une crise. Ce sont les autres enseignants qui ont contribué pour qu’il puisse payer la location de sa maison du mois de janvier. C’est pour dire combien nous vivons une vie misérable. Certains sont déjà morts.
Je prie l’Etat guinéen à travers le Professeur Alpha Condé, étant professeur qui connait l’éducation ; aussi notre Ministre professeur ; je leur prie humblement de penser aux enseignants. Nous n’avons pas une opportunité plus que celle-ci. Si nous ratons à leur temps, ce n’est pas au temps d’un autre que nous les enseignants nous allons rappeler nos droits. Surtout au Ministre Ibrahima Kalil Konaté K2 qui était hier avec nous et en classe et au syndicat. Ce monsieur connait parfaitement la vie que nous menons.
Mais c’est dommage pour nous qu’il soit un obstacle pour la satisfaction de nos revendications. Tout le monde a vu ce qu’il a fait derrière nos revendications légitimes.
Mais je le prie de changer l’idée parce qu’il doit mourir et il sera jugé à travers ses actes. S’il ne se rappelle pas du passé, ses actes le rattraperont un jour, tôt ou tard.
Ne pleurez pas madame, du courage et merci d’avoir accepté notre invitation
C’est à moi de vous remercier.
Propos recueillis par Oumar M’Böh pour le courrierdeconakry.com