L’explosion du principal dépôt d’hydrocarbures de Kaloum survenu du 18 au 19 décembre 2023 a enregistré la mort de plus d’une vingtaine de guinéens et des dégâts matériels importants. Les conséquences de ce malheureux incendie se répercutent dans tous les domaines, notamment économique, politique, social, éducatif…
Cette explosion ayant détruit les stocks de carburant a causé la baisse de la desserte en électricité. Plusieurs quartiers de la capitale guinéenne sont privés de courant électrique. Cela affecte sérieusement les activités génératrices de revenus qui tournent au ralenti.
Le cris de coeur des ouvriers
Dans la banlieue de Conakry, notamment à Hafia dans la commune de Ratoma, les ouvriers sont très impactés par les coupures intempestives du courant. Dans les salons de coiffure ou dans les ateliers de soudure, les travailleurs passent le temps à attendre le courant sans cesse. Certains sont obligés de travailler la nuit pour libérer les clients qui ne cessent de leur mettre la pression.
N’diaye Mamadou, assis sur un banc avec un de ses élèves, joue au lido en attendant le courant. Ce Maître soudeur affirme que la perturbation du courant a complètement ralenti les activités de l’atelier et les clients se font très rares.
« Depuis l’explosion du dépôt d’hydrocarbures à Kaloum, le courant est perturbé. Actuellement le courant vient à 17h ou 18h. C’est en ce moment qu’on commence le travail jusqu’à minuit. Mais cela nous perturbe beaucoup. Puisque pendant la nuit, il est très compliqué de travailler avec un centimètre. C’est difficile de trouver la bonne dimension. Personnellement, j’ai beaucoup du mal à voir le millimètre la nuit. En plus, le travail nocturne dérange beaucoup les voisins dans leur domicile. Avant, on travaillait normalement. Mais aujourd’hui, le délestage a beaucoup changé notre façon de travailler. Puisque maintenant, on ne peut pas faire les bricoles pendant la journée. La rentabilité a baissé. Désormais quand les gens ne trouvent pas le courant à l’atelier ils se retournent. Les clients se font rares. Nous sommes assis, c’est très calme comme si nous ne sommes pas dans un atelier. Il n’y a pas de boulot. » a déploré M. N’diaye.
Tout comme ce dernier, c’est le même crie de cœur chez Bailo Diallo qui travaille avec son grand frère à côté dans un atelier familial.
« Actuellement nous sommes confrontés à d’énormes difficultés à cause du manque de courant. Avant on commençait le travail le matin pour finir le soir à 18h et rentrer à la maison. Maintenant le programme a complètement changé. On est obligé d’attendre le courant à 17h pour travailler. puisque à partir de 7h voir 8h le courant est parti. S’il y a les matchs de la CAN, le courant revient à 17h. «
En dépit du délestage du courant, les soudeurs sont contraints par les autorités guinéennes de s’abstenir à travailler pendant les matchs de la CAN. Les agents de l’Etat descendent sur le terrain pour le contrôle.
M. Diallo, déplore cette décision du gouvernement. Car il estime que c’est en travaillant qu’il pourra entretenir sa famille et payer ses factures.
« Nous avons peur de travailler parce qu’on nous demande d’attendre après les rencontres. Parce qu’il y a des agents de l’État qui descendent sur le terrain pour prendre les soudeurs qui travaillent. Maintenant s’il faut attendre après les matchs à 22h pour commencer le boulot, dans ce cas, on ne peut pas faire grand chose. Donc on est privé de notre liberté d’exercer notre profession. Toi qui cherche la dépense de ta famille comment vas-tu va faire ? C’est vraiment compliqué pour nous. »
Les menaces des clients
Selon lui, les ouvriers sont également confrontés aux menaces des clients. « Quand le travail retarde, c’est des problèmes. Les clients nous menacent. Certains nous convoquent à la gendarmerie. Hier même c’est un gendarme qui m’a interpellé par rapport à cette porte que je suis en train de faire. Mais j’ai su comment me défendre. »
Ces ouvriers demandent à l’électricité de Guinée de passer par tous les moyens pour fournir régulièrement le courant pour qu’ils puissent bien faire le travail.
Par ailleurs, dans l’un de ses communiqués annonçant la perturbation de la desserte du courant dans certains quartiers, EDG avait promis de procéder progressivement aux travaux de maintenance des lignes et des postes. Mais cela visait à permettre aux guinéens de suivre les matchs de la CAN.
A la fin de cette compétition sportive, force est de constater que les coupures intempestives sont très récurrentes à Conakry. Dans les quartiers, les citoyens manifestent souvent contre ce délestage. Cela va s’en dire que le problème de courant est loin d’être résolu en Guinée. Puisque malgré l’approvisionnement en carburant des pays voisins, EDG a toujours du mal à satisfaire ses clients. A quand la fin de ce calvaire ?
Ibrahima Bah