L’accord sur le Bilan mondial trouvé à la COP28 a été adopté à 11h15 heure de Dubaï. Il appelle les pays à « transitionner hors des énergies fossiles » et à accélérer l’action « dans cette décennie cruciale, afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050 », selon le dernier compromis que les Émirats arabes unis ont réussi à faire adopter par consensus ce mercredi. Des termes inédits dans une déclaration onusienne sur le climat. Sultan al-Jaber s’est félicité d’une décision « historique ».

Le texte était attendu depuis mardi après-midi et finalement publié à l’aube à Dubaï. Avec son adoption, moins d’une heure après l’ouverture de la plénière, il devient la première décision d’une conférence climatique de l’ONU à traiter du sort de toutes les énergies fossiles – pétrole, gaz et charbon. Et à décider de son éloignement progressif.

Le document de 21 pages négocié non sans mal par la présidence émirienne ne réintroduit pas le terme de « sortie ». Ce dernier clivait beaucoup trop : il était une exigence de l’Union européenne et de très nombreux autres pays, dont plusieurs d’Amérique latine (Colombie, Pérou, Chili) ainsi qu’une ligne rouge pour les petites îles et enfin, de manière beaucoup plus timorée et conditionnée, des États-Unis. Il est en revanche refusé par des pays producteurs de pétrole, Arabie saoudite en tête, mais aussi le groupe Afrique, plus favorable à une réduction des fossiles pour assurer son développement.

La dernière version, beaucoup plus consensuelle, propose donc une « transition [transitioning away from] des énergies fossiles dans les systèmes énergétiques, d’une manière juste, organisée et équitable, en accélérant l’action climatique dans cette décennie critique, de manière à atteindre la neutralité d’ici 2050 ».

Cet appel est une avancée : jamais une déclaration des 27 conférences climat de l’ONU passées n’avaient inclus ces termes des combustibles polluants.  Signe favorable à l’adoption du texte, il a reçu le soutien de l’Arabie saoudite.

L’objectif premier de la COP28 était de dresser l’inventaire des efforts réalisés depuis l’Accord de Paris, il y a huit ans, et de montrer la voie à suivre pour les prochaines années. À ce sujet, les nouveaux efforts climatiques nationaux (CDN) devront être rendus par les pays « au plus tard en 2024 ».

Le paragraphe 28, le plus scruté car portant sur l’enjeu majeur des trois grands responsables du réchauffement climatique lié aux activités humaines (transport, logement, agriculture…), appelle toujours à tripler les énergies renouvelables et doubler leur efficacité d’ici à 2030, ainsi qu’à « accélérer les efforts vers une réduction du charbon non traité » par les technologies.

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On retrouve ensuite ce que les ONG avaient qualifié de « liste de course » lors du précédent brouillon : « une accélération vers des technologies zéro et bas carbone, incluant entre autres » : les énergies renouvelables, le nucléaire, les technologies de captage et stockage de carbone, « particulièrement dans des secteurs » dans lesquels il est « difficile » d’opérer une réduction des émissions, et la production d’hydrogène.

La finance climatique pour l’adaptation chiffrée mais pas réunie

« Si le texte était adopté, cela représenterait un moment significatif », réagissait peu de temps avant l’adoption Stephen Cornelius, chef de la stratégie climat à l’ONG historique de protection de la nature WWF. Il saluait une « vraie amélioration de la précédente version, qui avait à juste titre provoqué l’indignation. Le langage autour des énergies fossiles est renforcé, mais il manque toujours d’appeler à une sortie totale du charbon, du pétrole et du gaz. Le texte appelle les pays à suivre la science climatique du Giec et vise à limiter le réchauffement à 1,5°C, mais les orientations ne sont pas entièrement alignées avec l’objectif. »

« Hier, ce qu’on avait sur la table était plus qu’une régression, c’était un arrêt de mort pour des millions de personnes », a commenté Nicolas Haeringer, chargé de campagne en France de l’ONG internationale 350.org, qui plaide en faveur du désinvestissement des énergies fossiles. Il reprend les termes utilisés vendredi dernier par John Silk, ministre de la République des îles Marshall, l’une des plus menacées par le changement du climat. « Il y a des améliorations substantielles, mais le compte n’y est pas […] Transitionner hors des énergies fossiles, ce n’est pas aussi fort que sortir », a-t-il ajouté au micro de notre envoyée spéciale Jeanne Richard.

« Ce n’est pas la promesse historique » de la sortie, espérée par les militants et plus de 100 pays, mais « une « transition hors », cela envoie quand même un signal important. Et si c’est adopté, ce serait quand même la première fois qu’on a de tels mots, qui couvrent non seulement le charbon, mais aussi le pétrole et le gaz », réagissait également Caroline Brouillette, directrice du réseau d’ONG Réseau Action Climat Canada. Elle a regretté cependant l’inclusion de « distractions dangereuses comme la capture et le stockage du carbone, le nucléaire ».

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Au-delà du seul cas des énergies fossiles, la partie finance « note une augmentation de la finance climatique de la part des pays développés en 2021 à 89,6 milliards », contre 83,3 milliards en 2020. Si le montant augmente, les 100 milliards annuels prévus depuis 2009 pour 2020 ne sont donc toujours pas réunis. D’autant moins que, rappelait encore l’ONG Oxfam en juin, leur valeur réelle ne serait que de 24,5 milliards de dollars car « ces fonds constituent des prêts et non des subventions », et « alourdissent le fardeau de la dette de pays déjà lourdement endettés ». En outre, le texte mentionne – cela n’était pas le cas jusque-là – l’obligation des pays développés de doubler leur aide au financement pour 2025 par rapport à 2019. Il chiffre par ailleurs que le fossé à combler pour l’adaptation est « estimé entre 215 et 387 milliards par an jusqu’à 2030 ». Il reprend ainsi les données du rapport du Programme des Nations unies pour l’environnement qui établissait début novembre à 387 milliards par an la somme indispensable pour mettre en œuvre les priorités nationales en matière d’adaptation.

Mais globalement, le chiffrement sérieux du financement climat n’est pas au rendez-vous pointent différents observateurs. « Les pays riches disent qu’ils veulent une sortie mondiale des énergies fossiles, mais ils refusent de la financer. Il n’y a pas assez dans ce texte pour les pays africains pour croire qu’il y aura des fonds pour les aider à dépasser des énergies sales ou à s’adapter aux impacts », a réagi Mohamed Adow, de PowerShift Africa.

Dans un commentaire écrit envoyé à RFI, Cristina Rumbaitis del Rio, conseillère technique à la Fondation des Nations unies, juge que la partie sur l’adaptation est « plus forte que les précédentes versions » et « montre les actions à prendre pour que tout le monde soit préparé et à l’abri des défis climatiques ». Mais au final, « la finance nécessaire » pour les mettre en œuvre n’est pas réunie, regrette-t-elle : « cela va laisser beaucoup de pays développés déçus et perplexes sur la façon dont ils sont supposés s’adapter aux effets du changement climatique […] sans ressources supplémentaires ». « Il y a beaucoup de travail en perspective pour la prochaine COP », conclut-elle, anticipant l’adoption du texte.

RFI Afrique

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