Réunis à Abuja, les chefs d’État de la Cédéao ont décidé d’activer et de déployer « la force en attente » de la communauté ouest-africaine pour la restauration de l’ordre constitutionnel au Niger. L’organisation affirme toutefois qu’elle garde sur la table toutes les options pour « la résolution pacifique » de la crise.
Les chefs d’État de la Cédéao ont achevé leurs discussions à huis clos et ils ont manifestement décidé de hausser le ton contre les putschistes, pointe notre envoyée spéciale à Abuja, Liza Fabbian. La Cédéao a donc fait savoir qu’elle va « ordonner au comité des chefs des armées d’activer les forces en attente de la Cédéao et d’ordonner leur déploiement en vue de restaurer l’ordre démocratique au Niger ».
L’option militaire semble ainsi enclenchée, même si des précisions sont encore nécessaires pour mieux comprendre la forme exacte que ce déploiement prendra. Dans son communiqué, la Cédéao a en effet demandé que l’Union africaine (UA) approuve ces démarches et a appelé au soutien de tous ses partenaires, y compris l’ONU. Ces points seront donc à préciser, tout comme certainement le cadre légal et la composition de la force qui sera mobilisée.
« Je n’ai jamais vu le président Ouattara aussi ferme »
Durant la journée, le chef de l’État ivoirien avait déjà organisé une conférence de presse surprise avec Umaro Sissoco Embalo, lui qui a multiplié les échanges téléphoniques avant un rendez-vous avec le président nigérian. Alassane Ouattara a tonné contre les militaires putschistes de Niamey, estimant que « leur place était dans leurs casernes et que leur mission était avant tout de combattre le terrorisme ».
« Je n’ai jamais vu le président Ouattara aussi ferme » nous a rapporté un témoin. Macky Sall a partagé l’avis de son homologue ivoirien et a insisté sur un point : « Ce n’est le Nigéria qui a décidé d’intervenir chef son voisin, c’est toute la Cédéao ». Le président mauritanien, dont le pays n’est pas membre de la Cédéao, était aussi présent. Il a pris la parole pour dénoncer à son tour le coup d’État. Et non loin de la salle du huis clos, trois diplomates européens envoyés par l’UE ou leur pays ont également approuvé ces discours.
Plus tard dans la soirée, à son retour à Abidjan, le président ivoirien Alassane Ouattara a déclaré que les chefs d’État de la Cédéao avaient donné leur feu vert pour que l’opération « démarre dans les plus brefs délais ». M. Ouattara a précisé que la Côte d’Ivoire « fournira un bataillon » de 850 à 1 100 hommes, aux côtés du Nigeria et du Bénin notamment, et que « d’autres pays » les rejoindront. « Les putschistes peuvent décider de partir dès demain matin et il n’y aura pas d’intervention militaire, tout dépend d’eux », a martelé M. Ouattara.
Renforcement des sanctions
La Cédéao a aussi mis en garde contre « des États membres qui mettraient en péril la résolution pacifique de la crise au Niger ». Il est possible que cette phrase soit lancée en direction du Mali et du Burkina Faso, deux pays qui ont été suspendus de la Cédéao – mais dont les chefs de l’État ont fait savoir qu’ils n’accepteront pas d’intervention militaire au Niger.
Sur les sanctions, Oumar Touray, le président de la commission de la Cédéao, a rappelé que celles-ci sont maintenues, voire renforcées. Il a évoqué la fermeture des frontières, l’interdiction de voyager et le gel des avoirs « de toute personne ou groupes d’individus qui s’opposeraient à une action visant à entraver la résolution pacifique de la crise ».
Une résolution pacifique toujours sur la table
Mais malgré l’annonce concernant les forces en attente de la Cédéao, le président Bola Tinubu, comme Omar Touray, ont bien souligné que leur volonté a toujours été de régler cette crise à l’amiable. Les chefs d’État de la Cédéao ont aussi réitéré leur engagement à restaurer l’ordre constitutionnel dans la paix, si cela était possible.
Mais la patience des États membres de la Cédéao semble s’être épuisée. Bola Tinubu est longuement revenu sur les tentatives de négociation des derniers jours et leurs échecs répétés, aucune autre initiative de ce genre n’a été évoquée ce jeudi 10 août à Abuja. Pour preuve de ce statu quo, Mohamed Bazoum est toujours retenu par les militaires dans la résidence de la présidence. La Cédéao s’est d’ailleurs inquiétée de ses conditions de détention et dit tenir pour responsable la junte de son intégrité physique.
Soutien occidental
Et de son côté, la communauté internationale apporte peu à peu son soutien à l’organisation sous-régionale. La France a apporté jeudi soir « son plein soutien à l’ensemble des conclusions » adoptées lors du sommet des chefs d’État. En outre, Paris « réitère sa ferme condamnation de la tentative de putsch en cours au Niger, ainsi que de la séquestration du Président Bazoum et de sa famille », ajoute le ministère français des Affaires étrangères dans un communiqué.
Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a déclaré que son pays soutenait l’action de la Cédéao sans toutefois approuver explicitement la décision de déployer sa force. « La Cédéao joue un rôle essentiel en démontrant la nécessité d’un retour à l’ordre constitutionnel et nous soutenons le leadership et le travail de la Cédéao dans ce domaine », a-t-il dit.
RFI Afrique