Selon les chiffres de l’Institut National de la Statistique (INS), les personnes du troisième âge représentent 6% de la population guinéenne. La plupart sont des retraités ayant servi la nation dans le secteur formel ou informel. Malgré les dernières réformes de l’Etat, les conditions de vie de ces retraités sont jugées très déplorables. La pension mensuelle est qualifiée dérisoire et insignifiante. Avec ce montant qui varie en fonction de la hiérarchie et de la catégorie de chaque personne, les retraités ont du mal à subvenir à leurs besoins. En plus, avec la fragilité de leur santé, même la prise en charge sanitaire n’est pas effective, apprend-on.  Dans ce dossier, plusieurs retraités se sont exprimés sur leur sort tout en sollicitant plus de soutien de l’Etat guinéen.

Amadou Sow, vieux retraité qui a commencé à travailler à l’époque du régime Sékou Touré, dénonce sans détour.

« Nous vivons dans des conditions peu appréciables. Notre pension est maigre, la couverture sanitaire est partielle, la société nous regarde très peu. Nous ressemblons à des reclus sociaux, alors qu’on a beaucoup travaillé pour ce pays. Après 36 ans de service, quand tu vas aller à la retraite, tu dois aller avec la bienveillance de l’Etat. C’est ici que les gens vont à la retraite, sans être accompagnés de médaille. Ailleurs, quand vous exercez pleinement et sérieusement, on vous décerne une médaille d’honneur du travail. Dans les autres pays, vous êtes pressés d’aller à la retraite pour céder la place aux jeunes. En Guinée, nous avons peur d’aller à la retraite. Les gens changent leur identité de naissance, ils changent l’identité de leur engagement, ils diminuent leur âge pour ne pas aller à la retraite. La retraite est perçue par le guinéen comme une porte de camp Boiro. Aujourd’hui, il y a des gens de ma promotion qui sont en fonction. Même-moi, si je savais que c’était comme ça, j’aurais arrangé la situation. » a affirmé notre interlocuteur.

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Poursuivant, il ajoute : « Au temps de Sékou Touré, il y avait une amélioration, mais les régimes qui sont venus après, nous ont gommé. Je suis un musulman pratiquant, on me demande 40 millions pour aller à la Mecque et je veux bien y aller mais je n’ai rien. L’Etat ne nous regarde pas. »

C’est dans ce même ordre d’idée que Mouctar Sylla, enseignant à la retraite, renchérit en mettant en avant les limites de l’assurance maladie.

« Certes avec Mamadi Doumbouya, il y a eu des améliorations mais il en faut encore plus. Il faut qu’on nous regarde avec une bonne prestation salariale, avec une couverture sanitaire exceptionnelle. Parce que, c’est rare de voir un enseignant à la retraite sans perdre la vue, sans avoir la tuberculose. C’est pour cela qu’ il y a l’indemnisation de craies, mais cette indemnité est faible et le retraité n’en jouit pas. Quand nous allons dans les services de santé, on nous dribble, il faut se dire la vérité. Le médecin et sa suite montrent une posture. Nous comprenons qu’il faut mettre l’argent, sinon l’ordonnance ne passe pas, les soins sollicités ne sont pas accordés. »

Quant à Salif Bangoura qui vit en solitude à Kaloum, décrit la vie d’un retraité comme une mort sociale.

« Avec notre situation, nos familles ont éclaté parce que cette petite pécule-là, n’arrive pas à suffire aux besoins de la famille. Nos enfants sont débauchés et nos femmes ne sont plus à notre portée. Il y a un tohi-bohi en famille. Notre autorité paternelle est bafouillée. »

Pour l’économiste Safayiou Diallo, cette problématique est liée au mode de fonctionnement de la retraite dans notre pays.

« Le mode de financement de la retraite en République de Guinée à l’image des autres colonies françaises d’Afrique, repose sur la solidarité intergénérationnelle. Il convient de noter un déséquilibre démographique entre cotisants et retraités provoquant ainsi d’énormes déficits structurels. En un mot, les cotisations sociales ne permettent pas d’assurer les dépenses de pension. Cette situation serait en partie à la base des dysfonctionnements économiques dans le fonctionnement des institutions de retraite. »

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En ce qui concerne le sociologue-activiste, Ibrahima Aminata Diallo, il explique les faits et admet que la pension des retraités est dérisoire.

« Même celui qui travaille, a du mal à joindre les deux bouts à plus forte raison des retraités. Cette pension est dérisoire, surtout avec les différentes maladies de troisième âge : diabète, tension et autres. La pension ne peut pas suffire pour se prendre en charge. La condition de vie d’un retraité est à revoir. C’est un problème très préoccupant. Tous les gouvernements qui se sont succédés chacun en parle, mais il faut poser le vrai diagnostic ; afin que nous puissions partir à la retraite dans les conditions souhaitées où la dignité humaine sera respectée. »

Comme solutions, M. Diallo propose à l’Etat d’augmenter le montant de la pension, d’assurer la couverture sanitaire et de construire des logements sociaux pour les retraités.

En outre, force est de constater que la vie des retraités en Guinée est un véritable calvaire pour la majorité. Selon le constat du sociologue Abdoulaye Wotem Somparé, avec qui nous avons échangé sur le sujet, il y a peu d’anciens fonctionnaires qui passent du beau temps à la maison. Les vieux qui vivent mieux sont souvent des anciens dignitaires, des anciens travailleurs des grandes sociétés minières ou des institutions internationales et des grands commerçants ainsi que les anciens officiers supérieurs. Certains vieux aussi comptent sur leurs enfants pour une prise en charge effective.

Ibrahima Soya

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