Plus de 400 militant.es féministes du monde entier se sont réuni.es le 9 mai à Paris afin de remettre des recommandations aux ministres du G7. Objectif de ce 3éme sommet international du Mouvement Women 7 (W7) : pousser les Etats du G7, présidé cette année par la France, à adopter des mesures qui iront au-delà des effets d’annonce et constitueront des avancées concrètes vers l’égalité femmes-hommes. Hadja Idrissa Bah, 19 ans, Présidente du Club des jeunes filles leaders de Guinée a prononcé un discours, ovationné par une salle debout.
Je suis militante des droits des jeunes filles en Guinée, j’ai 19 ans. Nous luttons contre toutes les violences basées sur le genre, notamment le mariage des enfants. C’est un combat très sensible. Notre pays occupe le deuxième rang mondial, après la Somalie, avec 97% des jeunes filles excisées. C’est vraiment alarmant, malgré les efforts fournis, malgré l’existence de conventions, qui sont censées protéger les jeunes filles contre toutes ces pratiques néfastes. C’est important de rappeler que le militantisme vient accompagner ce qui existe déjà : les organisations féministes ont leur place, nous faisons en sorte que les lois soient connues par les victimes, nous leur disons qu’elles ne sont pas destinées à vivre cela, nous les incitons à dénoncer.
Il y a une sorte de révolution chez les jeunes filles, nous nous en réjouissons. Nous poursuivons le combat, il faut accompagner les organisations féministes. La participation doit être effective. Voici le message que nous adressons au G7 : nous ne voulons pas être des outils de communication ; nous ne participons pas à la mise en œuvre des lois, des programmes, des politiques. Mais sur le terrain, les lois sont nos armes, personne n’est au-dessus des lois.
Jusqu’à aujourd’hui, nous avons pu sauver du mariage 24 jeunes filles de 13 ans à 17 ans, c’est pire dans les villages… Ce sont des conquêtes réalisées sur le terrain. Il faut aller de la prévention à la répression, donner des moyens à la disposition des organisations, assurer la pérennité de leurs actions. Parce que si une jeune fille est sauvée qu’ensuite elle n’est pas prise en charge et qu’elle tombe enceinte, ça va retomber sur nous qui l’avons sauvée du mariage… Il faut que l’on fasse de ces victimes des modèles. Quand nous sauvons des jeunes filles du mariage forcé, nous sommes fières de dire qu’elles sont des modèles. Beaucoup de personnes prennent exemple sur elles.
C’est important de montrer que nous, les organisations des jeunes féministes, nous avons toute l’énergie et l’engagement qu’il faut et surtout que nous avons les outils qu’il faut pour agir sur le terrain. Nous menons des actions sur le terrain. Nous n’avons pas froid aux yeux, pas peur des intimidations, car sur les réseaux sociaux on nous traite de tout. Ce sont des questions qui remettent en question les fortes croyances religieuses, qui disent que c’est une obligation de marier une petite fille quand elle atteint l’âge de la puberté, de mutiler les petites filles, et nous disons non, nous appelons les mouvements religieux à dire la vérité, et surtout à influencer la communauté, avec le bon message et les bonnes informations. Aujourd’hui les mouvements religieux doivent être impliqués, ils doivent être nos protecteurs et non nos gourous. Le combat est en train de réussir. Nous avons créé, je vous assure, une sorte de révolution positive chez les jeunes filles. Tout le monde aujourd’hui veut réclamer son droit. N’est-ce pas ? [applaudissements]
Nous disons aux États du G7 que les violences basées sur le genre ne concernent pas seulement le Sahel, elles concernent le monde entier, c’est un sujet universel. Partout dans le monde, les femmes sont victimes de violences basées sur le genre. Si on combat cela, ce sera un acquis du G7 et du monde entier. Si nous y arrivons, le monde entier pourra faire la fête pendant la journée internationale des droits des femmes, nous pourrons danser. Mais maintenant il est temps de mettre les points sur les i, d’agir sur le concret, de s’adresser à nous et de nous faire participer à toutes les instances de décisions qui nous concernent, car nous sommes les victimes, parce que nous sommes des femmes.
Je maintiens que mon sexe ne doit pas être ma faiblesse, mais plutôt ma force.
Hadja Idrissa Bah, Présidente du Club des jeunes filles leaders de Guinée
Photo : Cyril Le Tourneur