C’est la première fois en 20 ans : l’Euro a perdu de la valeur face au dollar qui a atteint l’un de ses points les plus élevés. Une baisse qui va impacter d’une manière ou d’une autre l’économie africaine.
Comprendre la hausse de la valeur du dollar
Selon l’historique de l’évolution du dollar par rapport à l’Euro, publié chaque mois par l’institut français de la statistique et des études économiques, c’est la première fois que la valeur du billet vert repasse au-dessus de celle de l’Euro, depuis Octobre 2002.
La principale raison selon l’économiste centrafricain Didace Sabonne, c’est la guerre en Ukraine qui « a négativement impacté sur l’économie Européenne dont la principale monnaie est l’Euro, tentant de la rapprocher de la récession ».
A côté, il y a « la hausse du taux directeur du dollar opérée par la réserve fédérale des Etats Unis » qui a poussé les détenteurs des titres à se rabattre sur le dollar pour effectuer les transactions en bourse.
Impact sur la zone Franc
Ce n’est pas qu’une bataille entre monnaies occidentales. Ce gain de la valeur du billet vert par rapport à l’Euro, impacte plusieurs secteurs des marchés internationaux, le dollar américain étant la monnaie par essence des transactions internationales.
La zone franc se retrouve mêlée dans la « bataille » en raison de l’adossement de son taux de change à l’Euro. En perdant de sa valeur face au dollar, l’Euro entraine le franc CFA dans sa chute.
De 550 FCFA pour un dollar il y a quelques mois, depuis mercredi 13 juillet dernier, il faut débourser en moyenne 640 francs CFA pour acquérir un dollar. Ce qui impacte significativement les africains de la zone CFA. « Cette hausse d’environ 100f CFA peut paraitre anodine, mais les pertes sont énormes quand on se retrouve à charger un conteneur de marchandises » se plaint Joelle Dombou, une E- commerçante camerounaise basée à Yaoundé au Cameroun.
La dame ressent de plein fouet cette dépréciation du Franc CFA, étant donné qu’elle est en train de passer les commandes pour les fournitures scolaires devant être revendues sur le sol camerounais à partir du mois prochain.
Dans le fond, les prix des marchandises n’ont pas changé à l’international. Pour Marcus Allosogbe, Entrepreneur dans le E-commerce et consultant en stratégie business opérant à Cotonou au Benin, « le fournisseur de son côté, le produit qu’il vendait à 10 dollars par exemple, il va continuer à le vendre à 10 dollars, mais c’est moi qui achète le produit, qui dois débourser plus d’argent pour acquérir les articles » dit-il.
Au-delà de ces frais supplémentaires, Marcus doit encore consentir d’autres efforts, lui qui trouve sa clientèle sur internet. La publicité qu’il paie par exemple, est facturée en dollars.
Consultant en stratégie business, il recommande de se diversifier, pour essayer de trouver des alternatives susceptibles d’assurer quelques bénéfices. Par exemple, trouver de nouveaux fournisseurs et privilégier ceux qui ne facturent pas en dollars, ou qui pratiquent des prix plus bas.
Plus encore, il recommande de faire des livraisons groupées pour réduire les coûts des transports.
Une opportunité pour l’Afrique
Mais il faudra relativiser l’impact de la montée en valeur du dollar, conseille l’économiste centrafricain Didace Sabonne. Pour lui, la hausse est « à la fois une bonne nouvelle pour certains pays, et une très mauvaise nouvelle pour d’autres »
Les importateurs seraient donc selon l’économiste, du mauvais côté de la balance, car, ils devront dépenser plus pour acquérir leurs biens et financer leurs budgets.
De l’autre côté, les exportateurs de matières premières, comme par exemple la Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de cacao, ou encore, les exportateurs de pétrole peuvent tirer leur épingle du jeu, en vendant en cette période où le dollar est à son plus haut point.
Toujours est-il, le risque est grand, qu’on assiste à une flambée des prix. Joelle Dombou confie d’ailleurs « on est déjà dans ce sillage-là. Le commerçant est là pour faire des bénéfices, nous n’avons pas de choix, nous allons le faire, pour pouvoir rentrer dans nos frais » confie l’E-commerçante.
Cette dépendance à l’importation va pousser les pays de la zone CFA à « répercuter les coûts sur les consommateurs finaux et pourrait accentuer l’inflation» corrobore l’économiste centrafricain.
Que peuvent faire les Etats africains ?
Didace Sabonne est sans ambages, « les marges de manœuvre des Etats africains sont réduites ». Déjà secouées par l’impact du covid-19, les économies de ces Etats subissent fortement les conséquences de la guerre en Ukraine.
Dans ce contexte, « la plupart risquent d’être obligés de revoir leurs budgets pour les adapter à l’évolution du dollar, les plus téméraires essaieront de subventionner, mais d’autres pourraient élargir leur assiette fiscale en augmentant les taxes » confie-t-il.
BBC Afrique