« Cette question mérite d’être posée au regard de la crise qui secoue actuellement cette institution. En effet, une importante frange de la population guinéenne pense à tort ou à raison que les ennuis de M. Kèlèfa Sall s’expliqueraient par son opposition à un projet de 3ème mandat du Président de la République dont le second mandat prend fin dans à peu près deux ans.
Il faut noter dès à présent qu’un projet de 3ème mandat passerait obligatoirement soit par une révision constitutionnelle, soit par un changement de Constitution. Au sujet de la révision constitutionnelle, deux articles de la Constitution méritent particulièrement toute notre attention. Ce sont les articles 152 et 154. Le premier se rapporte à l’initiative et à la procédure de révision tandis que le second indique les domaines insusceptibles de révision. L’initiative de la révision appartient au Président de la République et aux députés. Autrement dit, le Président de la République peut présenter un projet de révision, et les députés une proposition de révision. Si l’initiative de la révision émane du Président de la République, il a deux options: soit il soumet le projet de révision au référendum, soit il saisit directement l’Assemblée nationale. S’il veut passer par le référendum, il soumet le projet de révision aux députés qui doivent l’adopter à la majorité simple. C’est seulement après que le projet est soumis au référendum. Mais, s’il décide de passer par une révision par voie parlementaire, il faut que le projet soit adopté à la majorité des 2/3 des députés.
C’est cette dernière procédure qui s’applique également lorsqu’une proposition de révision est approuvée par le Président de la République. La Cour constitutionnelle n’intervient donc que dans le premier cas c’est-à-dire en cas de révision par voie référendaire puisqu’elle est juge de la régularité des élections nationales et du référendum. Il faut s’empresser d’ajouter néanmoins que l’article 154 de la Constitution dispose que le nombre et la durée du mandat présidentiel ne peuvent faire l’objet de révision.
Mais, même si ce n’était pas le cas et que le Président de la République ou les députés optaient pour le référendum en vue de la révision de la Constitution, la Cour constitutionnelle serait appelée à se prononcer sur la régularité de la consultation référendaire. Et vu la configuration actuelle de cette Cour et le peu de garantie d’indépendance qu’elle semble offrir, ce serait difficile de compter sur celle. Et Kèlèfa Sall n’y pourrait absolument rien.
Aujourd’hui, la seule chose qui pourrait empêcher un projet de 3ème mandat, c’est la volonté du Président de la République de s’en tenir au respect de la Constitution comme l’ont annoncé certains de ses pairs africains et sa résistance face aux sirènes révisionnistes ou l’engagement des citoyens à faire obstacle à toute velléité de révision constitutionnelle qui ne serait motivée que par la seule volonté d’un homme de rester au pouvoir au-delà des deux que le peuple lui a confiés suivant les dispositions de la Constitution ».
Auteur: Me Mohamed Traoré