L’utilisation des méthodes contraceptives modernes trouvent petit à petit une place dans les habitudes des couples à Kindia. Malgré ses avancées, parler de ce sujet demeure encore difficile pour certaines femmes. Dans cette ville située à un peu plus de 130 km de Conakry, la capitale guinéenne, les femmes restent simplement discrètes sur le sujet. Elles évitent d’en parler, pas parce que c’est un sujet d’ordre privé, mais parce qu’elles ont peur de la réaction des voisins, de la famille, de la communauté…

A l’hôpital préfectoral de Kindia, les femmes viennent consulter le médecin pour satisfaire leurs besoins en produits contraceptifs. Elles se font discrètes et ne veulent pas être vues. « On pourrait parler de ce sujet ailleurs. Je ne veux pas qu’on me voit » me répond dame Yarie Camara que j’ai abordé parce que je voulais l’interroger sur le sujet. Elle a envoyé son enfant de trois mois chez le pédiatre. Elle en profite pour rencontrer la sage-femme qui lui place l’implant.

« J’utilise les méthodes de longue durée d’action mais je ne veux pas que ma belle-mère le sache parce qu’elle est hostile aux contraceptifs » témoigne Aminata Bangoura, la trentaine, mère de deux enfants. Elle s’est mariée à l’âge de 20 ans et habite au centre-ville de Kindia. Son premier enfant a 7 ans alors que le dernier a 4 ans. Pour la belle famille de Aminata Bangoura, au bout de 10 ans de mariage, le couple devrait au moins avoir 5 enfants. « Tous les jours, elle me dit que son souhait est que je fasse un enfant chaque deux ans » conclut- elle l’air pensif. Comme Aminata Bangoura, plusieurs guinéennes sont obligées de cacher leur adhésion à la planification familiale (PF) pour ne pas subir les repressions de la famille.

En Guinée, la planification familiale demeure encore un sujet tabou dans certaines localités. Les perceptions de la communauté sont souvent défavorables à une meilleure promotion de l’utilisation des méthodes modernes de contraception. « La religion et la tradition pèsent dans le choix des gens et ils ont des informations erronées sur la planification familiale. Du coup, ils sont réticents » estime Abou Maïmouna Diallo, membre du réseau guinéen des jeunes ambassadeurs pour la planification familiale. « Les réticences vis à vis de la PF doivent être levées mais pour cela, les dirigeants doivent être plus fermes et renforcer le cadre juridique » propose Hadiatou Yaya Sall, formatrice en journalisme.

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Renforcer le cadre juridique pour lever les réticences

La Guinée a adopté la loi L/010/AN 2000 du 10 juillet 2000 portant santé de la reproduction. Cette loi consacre aux femmes le droit d’accès à la planification familiale. Mais entre la loi et le contexte social qui parfois prend le dessus, le gap est simplement très grand estime Amadou Korka Bah, président de l’Association des Journalistes en santé. En effet, selon l’enquête démographique et de santé (EDS) de 2012 seules 7% des femmes âgées de 15 à 45 ans utilisaient des méthodes modernes de contraception. Le gouvernement veut porter cette prévalence à 22,1% en 2018. Une ambition clairement définie dans le plan de repositionnement de la planification familiale élaboré en octobre 2013.
Pour Mamady Keira, sécrétaire général de la coalition des organisations de la société civile, cet objectif pourra être atteint si seulement un accent particulier est mis sur la levée des réticences à travers la sensibilisation. Mais à côté de cette sensibilisation, il faut forcement favoriser le respect de la loi en attendant que les limites et insuffisances du cadre juridique soient corrigées, explique Mamady Kaba, professeur des ressources humaines et défenseur des droits de l’homme.

Amplifier les voix qui soutiennent la PF pour sauvegarder les acquis

Mambia est une collectivité de Kindia. Ici, plusieurs jeunes travaillent dans les mines. Ils ont des revenus qui les mettent à l’abri du besoin. Amadou Oury Barry est l’un de ces jeunes. « Je suis parfaitement d’accord avec la planification familiale » témoigne t- il. Il fait partie de ces hommes qui encouragent l’utilisation des méthodes contraceptives modernes.
« Les amis disent que je suis fou d’autoriser la PF pour ma femme » poursuit – il sur un ton de désolation. Il faut forcement que quelqu’un leur explique que la PF est une bonne affaire pour les couples et même pour les jeunes conclut – il en termes de proposition. En effet, amplifier les voix qui soutiennent la PF dans chaque communauté pourrait constituer un facteur de révolution de la pratique. Les femmes qui optent pour la PF mais qui refusent d’en parler par peur de ce que dira la communauté peuvent un jour abandonner aussi la pratique par peur. « Quand ma belle-mère a su que j’utilisais une méthode contraceptive, elle a demandé à mon mari de me renvoyer. J’ai été obligé de faire ce qu’elle voulait» confie Maïmouna Bangoura, rencontrée à Manquepas, un quartier populaire de Kindia. Elle a tiré un trait définitif sur les contraceptifs.

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Les efforts fournis ces dernières années par la Guinée pourraient être remis en cause dans cette localité si les pesanteurs socio-culturelles perdurent.
Le gouvernement a engagé plusieurs réformes au niveau des politiques publiques en matière d’accès des femmes aux soins de santé. Mais les défis dans le secteur sont encore énormes. Et garantir aux couples la possibilité de rester fidèle à la décision d’espacer les naissances devrait figurer dans les priorités des responsables en charge de la santé en Guinée.

A Kindia, le taux de prévalence contraceptive est en dessous de la moyenne nationale. En 2012, ce taux est estimé à 5,8%. Un taux que le gouvernement guinéen veut porter à un peu plus de 19% avant la fin de l’année 2018 dans cette ville qui dispose à ce jour d’une population de 439 614 selon le recensement général de la population et de l’habitat de 2014.

Afiwa Mata

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