Le seul homme dont la déclaration a donné de l’espoir et de la retenue au peuple de Guinée le 5 septembre 2021, est bel et bien le colonel Mamadi Doumbouya. Pour ce peuple, il est le seul comptable de tout ce qui se passera de bon ou de mauvais pour le pays. Les erreurs du passé sont-elles évitées, la justice est-elle rendue correctement ? Ces questions taraudent aujourd’hui l’esprit de nombreux guinéens qui sont confus devant l’étrangeté de ce qui constitue leur quotidien. Cette déviance serait-elle le vouloir du colonel Mamadi Doumbouya ou les agissements de ses associés qui auraient une appréhension autre que celle qui l’anime ?
Une chose demeure vraie, c’est qu’en Guinée par expérience le peuple a toujours condamné l’entourage du chef qui est chaque fois en déphasage avec lui. Le dilemme est qu’il n’est pas facile de connaitre s’il applique les instructions du chef, ou s’il œuvre à le pousser vers le précipice. Dans tous les cas, le colonel doit chercher à savoir les raisons de son désamour chez les populations qui l’avaient pourtant bien accueilli. On a parlé de refondation, de justice qui servirait de boussole à l’Etat, de lutte contre la corruption, et le détournement des deniers publics, la récupération des domaines de l’Etat etc. Tout cela serait une bonne chose si leur application ne souffre pas d’iniquité, de mauvaise foi ou de règlement de compte.
Aux premières heures de la transition, les hommes en noir ont déclaré intentionnellement dans le but de se mettre dans les faveurs des nouvelles autorités, que sous le magister du Pr. Alpha Condé, ils n’avaient pas les mains libres et qu’ils souffraient de l’interférence de l’exécutif dans les décisions de justice. Ce qui au lieu de les dédouaner a contribué à mettre en exergue leur malléabilité et leur irresponsabilité face à leur devoir sacré de rendre la justice. Le CNRD s’est engagé dans une lutte sans merci contre la sénilité dans l’administration. Des milliers de travailleurs et de cadres compétents sont mis et continuent d’être mis à la retraite sans aucune mesure de compensation.
Le peuple est inquiet face à la recrudescence des anciennes pratiques que le CNRD s’était juré de combattre notamment, le bâillonnement des libertés publiques, les arrestations et les séquestrations arbitraires. On assiste à une véritable chasse aux sorcières qui pourtant avait été prohibée dans les premières déclarations du colonel Mamadi Doumbouya. On ne fait pas ce qu’on veut et cependant on est responsable de ce qu’on est… Celui qui ordonne violences et tortures n’a pas la vue du fait ni par conséquent la forte impression sur l’imagination. L’exécutant obéit à un supérieur et se sent irresponsable. Certains se persuadent souvent d’aimer les gens plus puissants qu’eux en réalité, c’est l’intérêt seul qui produit cette amitié. Ils ne se donnent pas à eux pour le bien qu’ils veulent leur faire, mais pour celui qu’ils veulent en recevoir.
Le peuple de Guinée est en train de vivre une amère réalité de son histoire avec le procès des massacres du 28 septembre 2009. L’audition des acteurs principaux de cette époque a mis en exergue, la vérité du journaliste sénégalais Cheick Yérim Seck : le manteau du pouvoir est trop large pour les épaules de Dadis. Seul Dieu a pu sauver le pays de la catastrophe programmée par les putschistes du CNDD. Un adage africain dit : « Quand un démon rouge tue ton père, lorsque tu vois une termitière rouge tu fuiras ». La seule différence entre le CNDD et le CNRD est la lettre R, ce qui fait douter de nombreux guinéens quant à la gestion de l’Etat par les putschistes. Aujourd’hui des forfaits impossibles sous les Néron se commettent sans qu’on puisse en accuser personne. Les uns ont demandé, les autres ont proposé, les troisièmes ont rapporté, les quatrièmes ont décidé, les cinquièmes ont confirmé, les sixièmes ont ordonné et les septièmes ont exécuté. Cela ressemble étrangement au procès du 28 septembre 2009 où personne n’est responsable des massacres commis au stade du même nom.
Dans un pays où les anciens chefs ne font pas l’unanimité, il devient difficile pour un nouveau chef de casser cette tradition. Si le colonel Mamadi Doumbouya pense qu’il est aimé par le peuple de Guinée il se trompe car, les élus n’ont jamais bénéficié de cet amour, ce n’est pas un putschiste qui jouira d’un tel avantage. Qu’il sache que tous ceux qui le vénèrent aujourd’hui ne sont pas sincères avec lui. Ils seront les premiers à dire un jour, il n’écoutait personne il agissait toujours seul. Le passé doit le servir de leçon ce qui lui permettra de réussir cette transition.
Il doit savoir que tout ce qui brille n’est pas de l’or.
MAM CAMPBELL ÉDITORIALISTE JOURNALISTE INDÉPENDANT ET ACTIVISTE CONSULTANT EN COMMUNICATION
NB: cet article n’engage pas la rédaction du Courrier de Conakry