La CRIEF serait-elle en mal de dossiers à traiter pour qu’elle s’octroie les prérogatives de la MEDICRIME ? Tout porte à croire à cela quand elle s’invite dans le domaine de la santé pour prendre des mesures aussi absurdes qu’impopulaires. Le problème de faux médicaments n’est pas un débat nouveau, il y a belle lurette que le syndicat des pharmaciens a tiré sur la sonnette d’alarme pour évoquer la dangerosité de cette activité. Il prêchait dans le désert car, aucune mesure coercitive ne sera prise pour endiguer le phénomène. Par le fait de la corruption, les décisions ne peuvent être prises pour éviter de porter préjudice aux intérêts des lobbies qui entretiennent cette affaire, ce qui met en évidence la corruption dans le système de santé publique.
C’est pour cela que cette santé publique est perçue comme étant l’institution la plus corrompue du service public, et ce phénomène affecte indéniablement le développement. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les pays où la corruption est plus forte sont ceux où les taux de mortalité juvénile sont les plus élevés. Un système de santé efficace est l’un des services les plus primordiaux que le gouvernement ait à fournir aux citoyens. Or la corruption assèche les budgets nationaux alloués à la santé, ce qui réduit la capacité du gouvernement à fournir les médicaments essentiels tout en augmentant le risque que des produits dangereux ou inefficaces apparaissent sur le marché. Elle absorbe également les fonds destinés à des infrastructures telles que des hôpitaux, des cliniques et des écoles de médecine. Personne n’ignore l’immensité des fonds destinés à l’achat des médicaments. Mais de par leur valeur marchande élevée, ces produits incitent au vol, à la corruption et aux pratiques contraires à l’éthique. Des préparations frauduleuses de médicaments dont la mise sur le marché est autorisée de manière abusive causent aux patients des souffrances inutiles et peuvent avoir des conséquences fatales.
On ne peut donc pas se lever un matin pour combattre une telle hydre sans les préalables nécessaires à son aboutissement. Il fallait avant tout envisager des mesures compensatoires des effets collatéraux de l’interdiction de ces pratiques peu orthodoxes. Pour ce faire donc,
L’Etat doit procéder à la création :
¶ des dépôts de relais dans les capitales régionales et aussi dans les chefs lieu des préfectures. Cela pour assurer le ravitaillement correct des centres de santé et des hôpitaux en médicaments essentiels pour éviter toute rupture de stock.
¶ Limiter la prolifération des licences d’importation pour permettre au Ministère de la santé d’avoir une lisibilité sur les importateurs et la nature des produits importés.
¶ Renforcer la capacité des services de contrôle et qualité en matériels de travail et en formation adéquate, pour mieux exercer leur travail.
¶ Moraliser et crédibiliser le contrôle des services de douanes car, les médicaments sont tous des produits importés et non des produits locaux. Quand il y a la fermeté à ce niveau, le risque d’envahissement des faux médicaments peut s’amenuiser.
¶ Subventionner les médicaments à l’importation pour permettre aux pharmacies de les livrer à des prix abordables pour les populations.
¶ Inciter les pharmacies à l’ouverture des points de ventes dans les sous-préfectures et dans certains districts importants du pays.
¶ Procéder à un contrôle rigoureux des cliniques et officines pour voir leur fiabilité et définir leur aptitude à être ou à ne pas être.
¶ Limiter les agréments aux seuls titulaires d’un diplôme des institutions d’enseignement de la santé.
¶ Mettre à contribution les milliers de pharmaciens formés et en manque d’emploi.
C’est ce travail que devait faire l’Etat avant de se lancer dans un combat à issue incertaine. Mais dans la situation actuelle, les populations sont angoissées par l’absence de l’Etat dans les zones reculées ce qui mettra en danger des milliers de citoyens pour l’accès aux médicaments. Il faut reconnaitre qu’aujourd’hui les populations sont entre le marteau et l’enclume d’une part, elles seront privées de la fourniture des médicaments par leurs canaux habituels et d’autre part, l’Etat n’a pas de solution compensatoire du vide créé. Alors c’est le marché noir qui va proliférer avec le danger encore plus élevé que par le passé. Leurs affaires prolifèreront plus au détriment des populations et des mesures prises par l’Etat.
C’est le cœur du procureur spécial de la CRIEF qui a parlé et non sa raison. On voit derrière l’amateurisme et le manque d’analyse d’une situation pourtant en faveur des populations guinéennes. Personne n’est contre la mesure seulement, elle manque de pédagogie et de méthodologie pour sa mise en œuvre. L’immédiateté ne peut pas résoudre un tel problème, il faut une profonde analyse pour déterminer les tenants et les aboutissants de combat pérenne et non sporadique. C’est à long ou moyen terme que ce combat doit être mené car, les vieilles habitudes ont la vie dure.
Pour éviter donc de créer un autre problème aux populations qui sont réellement éprouvées par le taux de pauvreté et d’angoisse existentielle, la CRIEF doit pour le moment revenir sur sa décision et repartir de façon raisonnée, méthodique et pédagogique. Personne n’est contre la mesure seulement son application prématurée est dangereuse pour la quiétude sociale.
MAM CAMPBELL JOURNALISTE INDÉPENDANT ET ACTIVISTE CONSULTANT EN COMMUNICATION