Genève, 19 septembre 2022 (PEC) La Presse Emblème Campagne (Press Emblem Campaign www.pressemblem.ch) est très préoccupée par la détérioration de la liberté de la presse au Mali. L’ONG basée à Genève demande que le sort des journalistes disparus soit éclairci et que le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, actuellement en session, exhorte les autorités à respecter leurs engagements en matière de droits humains.
La liberté d’expression est compromise par des menaces anonymes et des emprisonnements sans procès. «Soit on se tait, soit en fait la propagande des militaires et son s’aligne, soit on quitte le pays», résume un observateur ayant requis l’anonymat. Depuis le coup d’État ayant balayé
le président légalement élu Ibrahim Boubacar Keïta le 18 août 2020, la liberté de la presse n’a cessé de se dégrader.
Multiples enlèvements
Les responsables des organisations de journalistes sont plus qu’inquiets et multiplient les appels. Ils ont vivement dénoncé les enlèvements de journalistes au centre et au nord du pays, notamment Olivier Dubois, Amadou Dicko et Hamadou Nialibouly. Le dossier n’avance toujours pas sur le cas de Birama Touré, disparu à Bamako le 29 janvier 2016. Selon une enquête de RSF, il est très probablement mort sous la torture dans les locaux des services de renseignement en 2016.
Le journaliste français Olivier Dubois a été enlevé à Gao le 8 avril 2021 et est l’otage du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM). Né en 1974 à Paris, correspondant pour Le Point et Libération, c’est un spécialiste du Sahel qui vit au Mali depuis 2015.
Hamadoun Nialibouly, journaliste malien travaillant pour la radio Dande Douentza (la Voix de Douentza) a été descendu d’un car le 27 septembre 2020 à Mandjo, dans la région de Mopti, alors qu’il rentrait de Bamako après y avoir suivi un atelier de formation de journalistes dans le cadre du projet Mali Media. Ses ravisseurs ne seraient pas des djihadistes mais une milice de chasseurs traditionnels. Il est retenu depuis près de deux ans et l’on reste sans aucune nouvelle de son sort. Les enquêtes de police n’ont pas permis de retrouver les ravisseurs.
Moussa M’Bana Dicko, journaliste malien chef des programmes de la radio Dande Haire (La Voix de Hairé) a été enlevé chez lui à Boni (secteur de Douentza) le 18 avril 2021 par des présumés djihadistes. Ils ont expliqué à sa famille qu’il aurait tenu des propos critiques à leur encontre. Deouis son enlèvement seul un ex-codétenu a donné de ses nouvelles il y a plus de trois mois.
Recrudescence de la violence
Selon l’Expert indépendant sur le Mali, Alioune Tine, le pays d’Afrique de l’Ouest subit une grave recrudescence de la violence, perpétrée à la fois par les soldats djihadistes affiliés à Al-Qaïda et à l’État Islamique (EI), ainsi que les groupes communautaires et les forces maliennes. Les populations civiles sont les premières touchées, avec de nombreuses disparitions forcées et des allégations de torture. Un rapport de la mission de l’ONU au Mali (MINUSMA) avait déjà confirmé l’assassinat de 584 civils en 2021, un chiffre qui pourrait augmenter en 2022. « Le grand problème aujourd’hui, c’est l’impunité », affirme l’expert indépendant, qui soulignait, le 29 mars devant le Conseil des droits de l’homme, le manque d’enquêtes, la lenteur des procédures judiciaires et l’absence de juges d’instruction.
Le Mali, comme tout le Sahel, est devenu un pays encore plus dangereux après le départ des derniers soldats français de l’opération Barkhane le 15 août dernier. Deux reporters de RFI Ghislaine Dupont et Claude Verlon y ont été assassinés en 2013. Les journalistes espagnols Roberto Fraile et David Beriain, ont été tués lors d’une attaque au Burkina Faso le 26 avril 2021.
Les autorités maliennes se sont depuis tournées vers la Russie pour le soutien militaire, avec des instructeurs que Paris et Washington accusent d’être des mercenaires du groupe Wagner.
Le président de la Maison de la presse au Mali place néanmoins toute sa confiance en la justice malienne et invite les autorités à œuvrer pour retrouver et libérer les journalistes détenus.
Avec Hamidou El Hadji Touré, représentant de la PEC pour le Sahel