Les libertés d’opinion et d’expression sont des droits fondamentaux pour l’épanouissement de tout individu. Avoir des pensées, des idées, des réflexions, des opinions est existentiel pour l’homme, comme le disait René Descartes « je pense donc je suis ». Et exprimer ceux-ci impose à l’Etat une obligation de moyen, afin de mettre en œuvre le dispositif permettant sa réalisation. Et c’est dans cette dualité que se complexifie la jouissance de ces libertés spécifiques.

Cependant à partir du moment où le vivre-ensemble, la protection de la réputation d’autrui, la consolidation de la paix, la stabilité de la nation exigent à ce que des aménagements soient apportés à ce droit pour les raisons d’Etat et de sécurité nationale parfois, l’ensemble des acteurs dans ces cas précis doivent faire preuve de patriotisme, voire de nationalisme si l’on veut aller plus loin.

La nécessité et la possibilité de restriction prônée par les traités internationaux notamment les articles 29 DUDH (Déclaration universelle des droits de l’homme), 19(3) du PIDCP (Pacte international relatif aux droits civils et politiques), et 9 (2) de la charte Africaine des droits de l’homme et des peuples, obligent les Etats membres à prendre des mesures législatives ou réglementaires pour encadrer l’exercice de ce droit bien précieux.

A cet égard une Loi régulant la liberté de la presse en l’occurrence la Loi organique L/2010/02/CNT du 22 juin 2010 qui prévoit des restrictions et punit leur atteinte de peine d’amende uniquement outre le droit des parties civiles, tout en indiquant que le tribunal correctionnel est celui compétent, est en droite ligne des possibles édictées par l’arsenal juridique international au sujet des aménagements que nous venons de citer et ne peut constituer un système dérogatoire spécial de notre pays.

En effet, les articles 126 et 127 de cette Loi organique donnent compétence exclusive au tribunal correctionnel pour connaitre des délits de presse  et refusent même que les victimes d’une diffamation par voie de presse saisissent à titre principal la juridiction civile pour réparation.

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Ces dispositions à elles seules démontrent à plus d’un titre que les délits de presse ne sont pas dépénalisés en totalité, en ce que la juridiction compétente (tribunal correctionnel) et la sanction (peine d’amende) sont déterminées, mais ils le sont partiellement  en ce qui est de la sanction privative de liberté (peine d’emprisonnement) qui ici est absente du fait de cette loi spécifique.

La matière pénale à titre de rappel est constituée traditionnellement des activités de la chaîne réunissant les officiers de la police judiciaire, le procureur de la République, le juge d’instruction, le juge correctionnel et le régisseur de la maison centrale. Aussi longtemps que votre dossier ou affaire serait connu par les personnes qui exercent ces différentes fonctions, sachez que vous êtes au pénal.

En réalité, la dépénalisation des délits de presse en Guinée n’est que partielle car la dépénalisation effective suppose la saisine d’une instance disciplinaire pour les sanctions et une juridiction civile pour les réparations et non une juridiction répressive comme c’est le cas avec la Loi de presse actuelle.

Quant à la question de détention préventive consécutive aux délits de presse, force est de reconnaître qu’elle n’est malheureusement pas totalement proscrite dans cette Loi comme le voudrait l’esprit véritable de la liberté d’expression.

L’article 132 de la Loi, nous fait bien comprendre que l’inculpé en la matière, domicilié en Guinée, en ce qui est des infractions limitativement visées aux articles 100, 101, 103, 104, 105 et 106 peut bien être préventivement arrêté et cela est à la discrétion du magistrat instructeur quand il estime que les faits poursuivis se recoupent avec l’une de ces dispositions ;

Ainsi, un juge correctionnel saisi de faits qualifiés de délits de presse qui à l’issue des débats déclare responsable ou coupable conformément à cette loi toute personne fut-il un journaliste professionnel ou non d’avoir enfreint à cette interdiction et décide en conséquence, n’a aucunement rendu une décision contraire à la liberté d’exercice de ce droit au vu de cette Loi.

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Et dans un état de droit, et surtout pour une affaire en cours, le monopole de l’interprétation et de l’application de la Loi revient aux cours et tribunaux, donc au pouvoir judiciaire et non aux autres pouvoirs. Le Juge de l’instance inférieure qui n’aurait pas bien dit le droit ou dont la décision est simplement contestée verra simplement sa décision déférée devant l’instance supérieure qui décidera ce que de droit, d’où la consécration constitutionnelle du principe du double degré de juridiction.

Et cela est bien mieux et productif que de s’attaquer à une institution,  à son personnel autrement que par voie disciplinaire ou à leur décision outre que la voie légale de recours, car le contraire du respect de la Loi n’est que anarchie.

En tout état de cause, tout autre moyen de tapage, immixtion, intimidation pour faire fléchir un magistrat ou échec à une procédure ne saurait être ni leçon pour lui encore moins jurisprudence pour les autres  mais au contraire une atteinte grave à la consolidation de l’Etat de droit et à la démocratie balbutiante que chacun a le devoir et l’intérêt de protéger.

Pour la bonne marche de l’Etat de droit, de la démocratie et la réalisation  des droits de l’homme, il serait mieux pour affirmer l’effectivité de sa citoyenneté et son engagement pour le respect des droits de l’homme, de faire usage en tout de la Loi comme repère et recours, sans oublier que la Loi elle-même n’est pas statique plutôt dynamique en réponse perpétuelle aux besoins des populations.

Et du tout connaître la loi est intéressant pour tout citoyen, continuer à former les magistrats c’est un droit et devoir constitutionnels pour eux et encore une obligation pour l’Etat, reformer la loi à laquelle ils sont soumis c’est mieux, discuter avec ceux qui font la loi pour nous est encore meilleur.

Mamoudou Deimbèlè Diakité

Magistrat, Juge au Tribunal de   Première

Instance de Macenta

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