L’histoire n’est pas répétition mais, les événements qui s’annoncent s’apparentent bien à une répétition. En 2009, il y a eu un bras de fer entre les forces vives et la junte au pouvoir qui avait nourri l’intention de ne pas respecter les principes de la transition. A l’époque, le capitaine Moussa Dadis Camara, Président du CNDD ayant pris goût au pouvoir, nourrissait le secret désir de faire acte de candidature. C’est ce que les forces sociales et politiques ont dénoncé, elles ont alors jugé nécessaire, de faire front commun contre cette dérive du chef de la junte. C’est ainsi qu’un meeting sera convoqué au stade du 28 septembre pour essayer de dénoncer à l’opinion publique nationale et internationale, la vérité sur la vie sociopolitique de la nation.
La radicalisation des positions a été à l’origine de ce malheureux incident du 28 septembre 2009. Le refus d’obtempérer à l’interdiction de cette marche, a provoqué le courroux de la junte qui a alors décidé de sanctionner exemplairement cette offense à son autorité. Or le simple dialogue pouvait permettre d’éviter cette scandaleuse situation. Mais la nature humaine a ses faiblesses qui souvent conduisent au pire. La guerre des égos surdimensionnés, les uns forts des baïonnettes et des canons, les autres enivrés par le soutien populaire, toutes les deux parties avaient chacune confiance en son soutien. Il était regrettable pour les enfants d’une même nation de se regarder en chien de faïence, tous obnubilés par la quête du pouvoir à tout prix.
La junte voulait coute que coute se maintenir au pouvoir au mépris des déclarations et des promesses faites au peuple. Les militaires ont été victimes du leurre populaire qui s’est exprimé par l’enthousiasme de l’accueil qui leur a été réservé à leur prise de pouvoir. Le peuple fatigué de la déliquescence de l’Etat, des dérives politiques et économiques qui le caractérisaient ne pouvait que leur tendre la main. Tout événement qui annonçait la sortie de cette léthargie était la bienvenue. C’est cet enthousiasme spontané qui a conduit le CNDD à l’excès. Il faut ajouter à cela l’inexpérience et l’incompétence de cette junte qui ignorait grandement la conduite des affaires d’un Etat.
Les forces vives au sein desquelles se retrouvaient, le syndicat, la société civile et les partis politiques, étaient exaspérées par le pouvoir militaire, des dérives et des excès connus le long du régime du Général Lansana Conté. Elles voyaient alors une aubaine pour l’organisation des élections libres et transparentes pour le retour immédiat à l’ordre constitutionnel. Cela était une conviction pour ces forces vives car les conditions matures étaient réunies pour ce retour tant souhaité. L’exacerbation de cette contradiction a occasionné cet affront macabre qui peine encore de nos jours à livrer tous ses secrets. Un massacre, un véritable massacre a été commis ce jour au stade du 28 septembre, une première dans l’histoire du pays. C’est justement ce qui est à l’origine de ce procès qui étale aujourd’hui, la fébrilité du pouvoir du CNDD, la cruauté, l’animosité de certains chefs militaires et la communautarisation de l’armée.
Aujourd’hui, on a l’impression que l’histoire semble se répéter avec la situation sociopolitique qui caractérise le pays. Les promesses faites au peuple à la prise du pouvoir ne sont pas tenues. La justice qui devait être la boussole du CNRD est détraquée. On assiste à des séquestrations, des arrestations arbitraires, au bâillonnement des libertés collectives et individuelles. L’exacerbation de la pauvreté qui entraine de nos jours une précarité généralisée de la population, semble être une situation à laquelle se complait les nouvelles autorités. Quand la grande majorité peine à trouver la pitance quotidienne, une minorité se livre à une opulence insolente vexante. Ces nouveaux riches tous des parvenus du régime actuel se livrent à un train de vie qui met en exergue l’iniquité des nouvelles autorités.
La chasse aux sorcières est devenue effective pourtant, le colonel Mamadi Doumbouya avait déclaré qu’il n’y aurait pas de chasse. C’est au contraire qu’on assiste malheureusement aujourd’hui avec des harcèlements judiciaires des acteurs de la société civile et des leaders politiques et dont certains sont arbitrairement détenus sans jugement depuis de longs mois. L’actuel Procès des massacres du 28 septembre 2009 semble ne pas édifier le CNRD pourtant, une sagesse africaine enseigne : « C’est en voyant la poule plumée que la perdrix s’est ravisée ». Les nouvelles autorités affichent myopie et surdité face à ces tristes réalités comme pour dire que la poutre qui doit vous crever l’œil est invisible.
C’est dans cette angoisse et cette anxiété que les populations guinéennes démunies et désemparées se livrent à la quête de leur pitance quotidienne. Triste réalité, triste vie pour un peuple qui a été le porte étendard de l’émancipation du continent. Les raisons évoquées pour justifier le coup de force semblent ne plus convaincre la majorité des populations guinéennes. Les pratiques du régime défunt qui avaient été dénoncées comme mauvaises ont fait leur réapparition aujourd’hui dans la vie nationale. Les violations récurrentes du code des marchés publics par l’octroi massif de marchés de gré à gré à des soutiens de la junte, favorisant du coup la corruption et l’enrichissement illicite de la classe dirigeante alors que la majorité de la population végète dans la misère. C’est dire que le CNRD semble se bercer avec le son des sirènes des pseudos leaders et des opportunistes qui gravitent autour de lui.
Il est temps pour le colonel Mamadi Doumbouya de prendre ses responsabilités pour éviter à ce peuple martyr de Guinée, une autre tragédie à l’image de celle du 28 septembre 2009. Tous ceux qui s’agitent aujourd’hui le font à son seul nom, il risque d’être tenu responsable de la dérive égocentrique de certains de ses collaborateurs. Les guinéens se connaissent bien entre eux, il faut éviter de tomber dans le piège que votre entourage est en train de vous tendre car, ils seront les premiers à dire, il ne nous écoutait pas. Le peuple de Guinée ne réclame rien d’autre que le respect de vos premières déclarations, la libération des prisonniers politiques et l’arrêt des harcèlements judiciaires.« Les criquets condamnés à être grillés ensemble dans la même poêle n’ont pas intérêt à se donner des coups de pattes ».
MAM CAMPBELL ÉDITORIALISTE JOURNALISTE INDÉPENDANT ET ACTIVISTE CONSULTANT EN COMMUNICATION