Le 16 juin 2022 marque comme de coutume la journée internationale de l’enfant africain, une date  symbolique à l’intérieur du mois de juin, mois consacré en Guinée, à la promotion et à la protection des droits de l’enfant, avec force réjouissances et fastes. Quelques jours auparavant, le personnel du Tribunal pour enfants de Conakry s’était mis en grève pour exiger un local adéquat devant abriter l’institution destinée à rendre la justice dédiée aux enfants, une demande récurrente depuis une dizaine d’années. Paradoxe ! D’un côté, des moyens colossaux sont déployés pour des réjouissances éphémères, de l’autre côté, de légitimes revendications ne sont pas couvertes. Nous avions consacrées, dans un passé récent, une tribune pour attirer l’attention sur le dénuement dans lequel se trouve le système de justice pour enfants en Guinée.

Dans la présente tribune, nous allons rappeler les obligations de l’Etat guinéen pour la mise en place d’un système de justice pour enfants avant d’indiquer les perspectives pour le rendre efficace afin d’assurer pleinement la promotion et de protection des droits de l’enfant en Guinée.

Rappel des obligations internationales de la Guinée en vue de maintenir un système de justice pour enfants efficient  

La Guinée est partie non seulement à la Convention relative aux droits de l’enfant de 1989 mais aussi à la Charte africaine des droits et bien-être de l’enfant de 1991. Chacun de ces deux textes reconnaissent à l’enfant un système de justice différent de celui des adultes et est fondé sur la réinsertion plutôt que sur la sanction. L’article 37 de la Convention relative aux droits de l’enfant précitée souligne l’interdiction de la torture, de l’emprisonnement à vie, l’arrestation illégale et arbitraire, le traitement humanitaire, la séparation de l’enfant privé de liberté et de l’adulte, l’accès à une assistance juridique,… A l’instar de l’instrument universel, la Charte africaine des droits et bien-être de l’enfant sus-évoquée reconnait, en son article 17, la spécificité de la justice pour enfants.

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A ces deux textes phares, s’ajoutent de la soft law – guide – fait de résolutions non contraignantes mais très importantes allant dans le même sens et visant l’objectif fondamental la protection des enfants en conflit avec la loi. Ce sont entre autres les Règles de Beijing, les Règles de La Havane, les Principes de Ryad et les Règles de Tokyo portant entre autres sur l’administration de la justice pour mineurs, les mesures non privatives de liberté, la prévention de la délinquance juvénile, … Tous ces principes et règles se ramènent à un seul principe : la privation de la liberté de l’enfant de doit être qu’une « mesure de dernier ressort, et être d’une durée aussi brève que possible ».

En adoptant le Code de l’enfant, en révisant le Code pénal et le Code de procédure pénale et en mettant en place une organisation judiciaire prévoyant le juge des enfants, le Tribunal pour enfants de Conakry et la Chambre spéciale pour enfants, entre autres, la Guinée se conforme, en théorie, au principe de spécialité de la justice pour mineurs. Cependant, en pratique, on note le manque criard de locaux, l’insuffisance des moyens matériels, humains et financiers ainsi que d’autres problématiques concernant le système de justice pénale pour enfants en Guinée. L’absence d’un siège adéquat pour le Tribunal pour enfants de Conakry depuis sa création, en dépit de louables efforts du personnel sous la conduite de son dévoué Président, est une parfaite illustration.

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Les perspectives pour un système de justice pour enfant efficace en Guinée

La Guinée, avec l’appui de ses partenaires bi et multilatéraux que sont l’UNICEF et autres, doit inscrire comme priorité la justice pénale pour enfants dans son agenda de développement. Dans ce cadre, l’acte le plus urgent est de doter le Tribunal pour enfants de Conakry d’un siège fonctionnel. En outre, les actions qui suivent doivent être envisagées à savoir former des magistrats spécialisés en droits de l’enfant, installer des centres ouverts pour les enfants en conflit avec la loi, s’efforcer d’agir dans la prévention de la délinquance juvénile, etc….

En somme, la spécificité du système de justice pénale pour enfants est érigée pour tenir compte de la vulnérabilité de l’enfant en vue d’accroitre sa protection. Elle ne saurait être prétexte pour en diminuer la même protection, par faute d’allocation de moyens adéquats et suffisants. Pour rappel, le 16 juin est choisi en souvenir du massacre d’enfants par le pouvoir d’aparteid lors d’une marche à Soweto (Afrique du Sud) pour défendre leurs droits, le 16 juin 1976. A l’occasion de ce mois de juin, mois de l’enfant africain, nous formulons nos vœux de bon respect des droits de l’enfant, à l’endroit tant aux enfants – particulièrement ceux qui sont en conflit avec la loi – qu’à celles et ceux qui œuvrent pour leur mise en œuvre.

-Juris Guineensis No 31.

Dr Thierno Souleymane BARRY,

Docteur en droit, Université Laval/Université de Sherbrooke (Canada)

Professeur de droit, Consultant et Avocat à la Cour

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