Les partis politiques guinéens sont sur le qui-vive pour les prochaines élections communautaires dont la date reste encore à déterminer. La Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) a annoncé qu’elle dispose d’un avant-projet de chronogramme des élections qui sont des plus attendues en Guinée car les dernières élections remontent à 2005.
L’institution a connu quelques remous ces derniers temps. Mais elle se remet sur pieds peu à peu avec l’élection d’un nouveau président. Dans très peu de temps, les électeurs guinéens seront appelés aux urnes pour choisir leurs élus locaux sur la base de listes, soit de parti politique, soit de coalition de partis ou d’indépendants.
Pour accompagner le processus, l’ONG internationale Search for Common Ground à travers son projet « Choisissons nos élus locaux dans la paix. Les médias et la société civile engagent les citoyens au service des élections locales participatives, transparentes et pacifiques » financé par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) s’est beaucoup investit dans l’éducation et la sensibilisation des populations pour la tenue d’élections apaisées.
L’attente des citoyens est donc grande face à un cycle infernal de négociations entre les partis de la mouvance présidentielle et de l’opposition avec sur la table un accord politique signé en octobre 2016 qui tarde à se réaliser.
Ansoumane Sangaré, citoyen de la commune de Ratoma a des sentiments mitigés. «Mes attentes sont mitigées. La tenue de ces élections permettra de mettre un terme à certaines revendications qui se soldent par des manifestations de rues et poser les jalons d’une démocratie digne de nom. Par contre, en faisant la lecture des accords du 12 octobre 2016, on note une violation de la loi avec la nomination des chefs de quartier ce qui ne consolide pas du tout la démocratie ».
Les prochaines élections communales restent utiles selon Mme Sy Fatoumata. Selon elle, la Guinée a un pied dans la transition et l’autre vers une mise en place de toutes les institutions prévues par la constitution de 2010.
« Les élections communales vont nous permettre de nous doter des conseils élus. Cela rapproche beaucoup plus de dirigeants des citoyens et génère une gestion saine de la chose publique. Voyez-vous ce qui vient de se passer à la décharge d’ordures de Dar-es-salam qui a provoqué la mort de plusieurs riverains. Disons, la gestion des ordures relève de la mairie et si cela était le cas, je suppose que les dégâts seraient limités, et bien sûr s’ils sont dotés de moyens qu’il faut».
Au sujet de la désignation des chefs de quartiers par le parti gagnant dans la circonscription, Mme Sy estime qu’un tel fait pourrait engendrer un mépris des citoyens à l’encontre des présidents des conseils de quartier.
« Ils peuvent se dire vu le mode d’élection, ce n’est pas notre choix. Et la partie cachée de l’iceberg c’est au cours de la gestion des élections au niveau de la base dans les quartiers où les dirigeants des quartiers pourraient jouer le favoritisme. C’est le point qui intéresse les deux grands partis du pays partie prenante des accords du 12 octobre 2016 ». ajoute-t-elle.
L’attente devient longue pour certains comme M. Keita Louncény. Pessimiste face à la tenue des élections communautaires, ses attentes sont mesurées. « Je reste pessimiste quant à la tenue de ces élections. On a trop duré dans cette situation 7 ans sans élection locale et c’est depuis le règne de Lansana Conté qui perdure sous le mandat du Pr Alpha Condé. Ce qui reste clair nous resterons avec ces délégations spéciales jusqu’à la fin du 2ème mandat » indique-t-il.
Des élections avant fin 2017, un pari à gagner
Les partenaires du processus électoral observent avec une grande attention l’évolution de la situation. L’Union Européenne, principal bailleur du processus électoral en Guinée, par la voix de son représentant en Guinée a souhaité le bouclage du cycle pour évaluer l’impact de son intervention.
« Au sortir de la période de transition, avec l’adoption d’une nouvelle constitution en 2010, la Guinée s’est engagée dans un cycle électoral avec trois scrutins visant à asseoir les principales instances démocratiques : les élections présidentielles, législatives et locales. La présidentielle a été organisée à deux reprises, en 2010 et 2015, les législatives une fois, en 2013. Il reste les élections locales pour boucler ce cycle électoral, les acteurs politiques ayant choisi de privilégier les élections nationales. Ce n’est qu’après avoir accompli le cycle complet qu’il sera possible d’évaluer objectivement l’impact du choix des modalités d’élection sur le fonctionnement de l’Etat et de la société de façon générale et de tirer des leçons pour l’avenir ».
L’Union Européenne est impliquée dans le processus électoral à travers sa participation au dialogue politique inter guinéen à titre d’observateur. Au côté d’autres partenaires de la Guinée elle a activement pris part au dialogue politique inter guinéen qui a abouti à la signature de l’accord politique du 12 octobre 2016 et la mise en place de son comité de suivi.
Sur le plan technique et financier, l’UE a mis en place un appui de 15 millions d’euros pour : pour la présidentielle de 2015 et les élections locales à venir.
Aujourd’hui, le plus grand souhait de l’institution est de voir se tenir des élections locales d’ici la fin de l’année 2017.
« Pour boucler le cycle électoral et préparer sereinement les futurs scrutins, notamment les législatives prévues en 2018. Il est crucial d’organiser les élections locales transparentes, crédibles et apaisées pour mettre un terme aux délégations qui sont une solution transitoire, n’ayant pas vocation de se pérenniser ».
Ces derniers temps, des actes encourageants qui poussent à l’optimisme ont été posé selon le représentant de l’Union Européenne.
« Il s’agit de la promulgation du code électoral et du code des collectivités locales et au niveau de la commission électorale qui a d’ailleurs annoncé la finalisation de l’avant-projet de chronogramme des élections et le bouclage du dossier d’appel d’offre relatif à la révision du fichier électoral ».
C’est pourquoi de l’avis de notre interlocuteur, les acteurs politiques doivent accompagner cette dynamique qui contribue à l’apaisement du climat sociopolitique.
Face au défi de paix et de quiétude en période électorale, le parti Génération pour la Réconciliation, l’Union et la Prospérité GRUP se veut un parti responsable et conscient des enjeux nationaux.
« Nos militants sont sensibilisés et formés à l’esprit de citoyenneté même en dehors des objectifs électoraux. Nous sommes un parti responsable, conscient des enjeux pour la nation Guinée. C’est pourquoi à l’interne, nous organisons à un rythme hebdomadaire des discussions citoyennes sur des sujets électoraux avec nos militants et bien d’autres thèmes. Lors des dernières manifestations de l’opposition, chacun de nos militants avait pour mission de véhiculer une bonne image du parti puisqu’il portait des t-shirt. Dans un sens plus large nous intervenons également sur les réseaux sociaux pour montrer aux jeunes qu’il y a une autre façon de débattre et les écrits la parole des jeunes doivent être respectueuses » a confié Ahmed Kourouma, vice-président du Parti GRUP.
Du côté du Rassemblement du Peuple de Guinée (RPG) le parti au pouvoir, Lansana Komara soutient que c’est un souci quotidien.
« C’est un travail que nous faisons quotidiennement et depuis longtemps pour sensibiliser les militants et les ramener au calme pour ne pas que ça dégénère dans le pays. Si c’est pour organiser les élections il y a un cadre qui est défini par l’opposition et la mouvance où nous nous retrouvons chaque fois pour faire le point et situer les responsabilités pour que nous puissions aller de l’avant. Cela se fait dans le comité de suivi des accords et ce comité a constaté qu’il y a un réel progrès. Nous invitons toute la population que ça soit de la mouvance ou de l’opposition à la retenue » indique Lansana Komara, Membre du bureau politique tu RPG.
Alhassane Camara, secrétaire général de la plateforme ‘’Ma Cause’’, reste perplexe face à la tenue des élections communales.
« Je ne vois rien encore au bout. Je ne suis pas sûr qu’à trois mois maintenant là qu’on dise qu’on va aller aux élections. Mais si on force le pas, on ira à une élection qui va être contestée. Donc je dis et je répète, c’est ma voix. Je ne crois pas à la tenue des élections locales cette année. Il y a besoin de s’asseoir à nouveau pour mieux cerner les problèmes liés à cela. Il faut commencer par la question de la CENI jusqu’au tout produit fini. Je reste encore sur ma faim et je reste très perplexe quant à la tenue de ces élections ».
La tenue du dialogue politique est un atout sur lequel, l’administration du territoire compte bien s’appuyer pour avancer. Pour le Général Bouréma Condé, ministre de l’administration du territoire et de la décentralisation, nul ne se plaît dans la turbulence nul ne se plaît dans l’insécurité et dans l’incompréhension. « Le peuple de Guinée peut se féliciter de la tenue du dialogue politique. Ce sont les guinéens qui se sont parlés et se sont mis d’accord. Ceci nous permettra d’avancer de façon concrète »
M.Tabara Bah
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NB : Cet article est rédigé dans le cadre du projet, ‘’Choisissons nos élus locaux dans la paix’’. Porté par l’ONG internationale Search for Common Ground et financé par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD). Il a pour but de contribuer à des élections locales participatives, transparentes et pacifiques en Guinée. Ce projet répond à un appel de la CENI et ses partenaires experts dans la communication et la sensibilisation afin d’accompagner le processus électoral à toutes ses étapes par une campagne adaptées de sensibilisation pour faire de chaque électeur un citoyen conscient de ses droits citoyens.