En Guinée, malgré l’existence d’une stratégie de Stratégie Nationale de Réforme et de Modernisation de l’Etat-civil, des efforts doivent être consentis pour inculquer le réflexe de l’inscription des actes d’état civil auprès des masses et l’enregistrement des fais sociaux. Pour mieux comprendre l’importance des actes d’état civil, nous avons tendu le micro à M.Aliou Souaré, assistant de l’officier de l’état civil de la commune Ratoma le 06 novembre dernier.
www.Lecourrierdeconakry.com : Bonjour monsieur Souaré, qu’est-ce que l’état civil ?
Aliou Souaré : Bonjour Monsieur le journaliste. L’état-civil est un service public qui peut identifier les hommes de leur naissance, jusqu’à leur mort. Il enregistre tous les faits marquants la vie de l’Homme sur terre ; les personnes s’identifient à travers des documents qu’on appelle les faits d’état civil et qui sont enregistrés suivant une loi bien définie.
Quels sont ces principaux documents délivrés par l’état civil ?
Ces documents sont principalement l’acte de naissance. On dit que l’acte de naissance est le visa de l’Homme sur terre. C’est-à-dire qu’il a existé de tel moment à tel autre et avec telle filiation ; le second c’est l’acte de mariage. La Loi dit que si un individu arrive à un certain âge, il doit se marier c’est sacré pour les Hommes et consacré par Dieu. Donc, face à ces éléments il faut se marier et se marier nécessite de prendre un papier dans les conditions normales. Ce papier certifie effectivement qu’à cette période-là, les gens ont été unis par les liens du mariage. Ensuite, le troisième document c’est l’acte de décès. C’est-à-dire que l’intéressé a existé, il a produit, il s’est reproduit. Un jour, avec la loi de la nature il est appelé à disparaître parce qu’on dit que nul n’est éternel sur terre. Donc, le jour qu’il meurt aussi il faudrait qu’il ait un acte, un papier sur lequel on dit tel qui était né tel jour est parti tel autre jour. Voilà ce sont ces faits qui sont marqués dans un document que la Loi a donné compétence et pouvoir à l’état-civil de retracer l’histoire de l’Homme à travers des actes bien définis dont les nomenclatures sont bien définies.
Quelle est la démarche à suivre pour se procurer d’un acte d’état civil ?
Je vais commencer d’abord par l’acte de naissance ; après la naissance d’un enfant, ce dernier doit être répertorié dans un centre médical ou centre de santé. Et si vous allez dans les profondeurs du pays, il y’a des accoucheuses villageoises, dès que l’enfant nait on lui donne une déclaration de naissance ; c’est ce document que le parent de l’enfant prend et il se dirige vers un centre d’état civil pour l’enregistrement et obtient un acte de naissance pour son enfant.
Cela doit se faire dans quel délai ?
Avant c’était 15 jours, puis nous avons prolongé jusqu’à un mois, ensuite trois mois tout cela pour faciliter la prise de ce document selon le code de l’enfant à son article 157, on a prorogé jusqu’à six mois. Donc, du premier jour de la naissance de l’enfant jusqu’à 6 mois le parent peut venir devant l’officier de l’état civil pour obtenir ce document qui répond aux normes règlementaires. Passer ce délai, pour obtenir l’extrait de naissance, il faudrait se diriger vers le Tribunal qui fera un jugement supplétif tenant lieu d’acte de naissance mais qui ne sera valable que lorsqu’il sera transcrit dans une Commune ; il y aura le numéro du jugement et celui de la transcription. Et tous ceux qui font le passeport biométrique utilisent ces deux numéros de transcription pour les identifier dans la logique nationale de notre population.
Est-ce l’acte de naissance à un délai d’expiration ?
Non ! L’original de l’acte de naissance n’a pas un délai. Au niveau de la commune on donne un coupon qui est enlevé dans un registre à quatre volets qui sont repartis comme suit : le premier volet est remis au déclarant, le deuxième à transmettre à la justice, le troisième à envoyer au niveau du Ministère du Plan et des statistiques et le quatrième à garder dans les archives. Mais ces quatre volets ne périssent pas et l’original est valable jusqu’à la mort de l’intéressé.
Qu’en t- il de l’acte de mariage ?
Pour obtenir l’acte de mariage, il faut des documents que nous prenons pour célébrer le mariage. Il y a toute une liste dont chaque document a sa signification. Premièrement, il y a l’extrait de naissance qui nous évitera de célébrer un mariage de mineurs (-18 ans) ; le second document, c’est le certificat de résidence qui atteste que celui ou celle qui veut célébrer son mariage réside dans la zone où l’intéressé souhaite célébrer son mariage ; on demande aussi deux photos d’identités, une façon mieux d’identifier les déclarants. Ensuite, il y’a le certificat de mariage pré initial qui est un document délivré par les services de santé compétents qui attestent que le couple pourra se procréer et avoir des enfants saints. Il y’a le certificat de célibat des deux, car, jusqu’à maintenant la Loi guinéenne en son article 315 stipule que la polygamie est interdite à toute personne de la nationalité guinéenne, même si dans la pratique on voit autrement. Les déclarants doivent formuler une lettre de consentement des parents. Tous ces documents cités doivent être déposés dix jours avant le jour de la célébration du mariage. Ce sont ces documents qui font l’objet de publication de bans. C’est là qu’on informe la population que monsieur X veut marier mademoiselle Y telle date, venez porter vos réserves avant la date indiquée.
Là aussi après la célébration, le monsieur aura un coupon et les trois autres iront respectivement au Tribunal, au Ministère du Plan et des statistiques et un quatrième aux archives.
Quant à l’acte de décès, qui peut le délivrer et quelle est son l’importance ?
Nous le délivre mais avec des compétences très limitées. Car, nous avons juste trois jours, passé ce délai nous ne sommes plus habilités à élaborer un acte décès parce qu’il y a des gens qui sont capables de tuer des gens alors qu’ils sont vivants pour accéder à leurs comptes bancaires. Ce sont des dossiers dont on se méfie sérieusement à cause des problèmes récurrents. Tant qu’on n’a pas une déclaration de l’hôpital ou d’une autorité compétente de la localité où cela s’est produit, nous n’avons pas le droit d’élaborer ce document-là. Maintenant, en ce qui concerne ceux-là qui sont habilités à le faire, d’abord les services de santé font un papier accompagné d’un parent qui signera dans notre registre.
Quel est l’importance de l’acte de décès ?
L’acte de décès permet aux ayants droit de pouvoir bénéficier de ce que le décédé a laissé comme biens. Cet acte permet également de marquer l’histoire de la famille du défunt. Par exemple mon grand-père est né à telle date et il est décédé à telle autre. Mais malheureusement dans notre pays, il y’a des gens qui ne sont pas identifiés. Donc, qui ne sont pas connus de tel sorte quand il y’a un programme de développement, on ne trouve pas une base de données réelles. Si on avait un fichier de la famille, il y’aurait moins de problèmes en Guinée, parce que tout ce que l’on voulait faire en termes d’infrastructures routières, ou des ponts, ou encore des stades, des aéroports, des installations électriques on aurait une base de données réelles.
En matière de santé par exemple, s’il y a un taux de mortalité, l’on se demande est ce qu’il n’y a pas une épidémie quelque part et quelles sont les causes de cette épidémie. Pour donner suite à cela, l’Etat pourra définir une politique sanitaire en fonction de ces nombreux décès. Et de l’autre côté, s’il y’a beaucoup de naissance, les routes faites en 1858 seront des pistes en 2050. Donc, une projection d’un plan de développement en fonction d’une population sera nécessaire. C’est ça l’importance pratiquement de l’état-civil dans la vie courante, parce qu’il n’y a pas un travail que tu demandes sans qu’on te demande l’extrait de naissance, donc c’est la base de la vie.
Il y a de l’affluence dans vos locaux. Est-ce qu’on peut avoir une idée sur le nombre d’actes de naissance délivrés par jour ? Par mois et par an ?
Les statistiques varient, parce qu’il y’a une semaine de cela ou nous avons enregistré 100 naissances déclarées en seul jour. Et, aujourd’hui (mardi 6 novembre) nous avons ouvert un registre jusqu’à 13h, lorsque je visitais les registres, j’ai trouvé qu’il était à 45 naissances.
Il arrive de fois qu’on fasse plus de 400 naissances par mois. Donc, ça varie selon les saisons. Certains peuvent être empêchés par des mouvements sociaux, d’autres par des facteurs déterminants quand ils finissent de faire leurs baptêmes, deux à trois semaines après ils n’ont plus de revenus parce qu’ils ont fini de manger toutes les cotisations, donc, ils ne peuvent plus revenir faire l’acte de naissance de leurs enfants. Pourtant, ils sont nombreux à acheter beaucoup de viande, du riz et de jus et faire un baptême à pompe et oublier de venir prendre un papier à 5 000 GNF déclarant la naissance de cet enfant. A ce niveau il y’a des nouvelles dispositions, il faut la présence du parent qui doit signer dans le registre comme déclarant, sinon l’acte ne sera pas signé.
Et pour les mariages ?
En ce qui concerne les mariages, comme nous sommes dans un pays où 90% sont des musulmans, les périodes aux alentours du mois de ramadan, il y’a une grande affluence. Par contre, on enregistre presque deux ou trois mariages par les autres mois.
Et pour les actes de décès ?
Les actes de décès sont très rares. Malgré le fait que chaque jour nous entendons un avis de décès, les gens n’ont pas cette sensibilisation, cette compréhension de prendre un acte de décès pour quelqu’un qui est mort ; pour eux, il est mort, il est mort son histoire est terminée. Ce qui n’est pas normal.
Est-ce que l’absence d’acte de décès peut avoir des conséquences au niveau d’une famille ?
Ne pas prendre l’acte de décès de son parent a des implications négatives même sur la cohésion de la famille. Si on ne prend pas garde, quelqu’un va se cacher là-bas pour prendre cet acte de décès et aller au Tribunal et faire un jugement et nous allons pour la transcription, et c’est avec ce document qu’il va profiter des retombées du défunt.
A quoi servent les taxes de l’État-civil pour une Commune ?
La taxe de l’état civil alimente la caisse de la commune et la caisse de la commune ne peut fonctionner qu’à travers les recettes promues par tous ces services donnant des recettes à ladite commune.
Quelles sont vos principales difficultés ici à Ratoma ?
D’abord en enregistrant les actes de naissances, nous les faisons presque de manière manuelle malgré qu’ici à Ratoma on s’est efforcé à saisir à l’ordinateur pour faire les copies. Ensuite, il n’y a pas un fichier gardé pour les archives suivant une logique d’années et de naissances ; les archives sont en papiers et des papiers qui ne sont pas tout à fait de qualité et pourrissent après 5 à 6 ans de conservation ; les conditions de conservation sont dégueulasses et pourtant il y a des actes qui tournent dans le monde jusqu’à 10 ou 20 ans, lorsqu’on aura besoin de voir une source, il sera très difficile de retrouver. Nous avons également des difficultés de conservation, le manque d’informatisation et la qualité des outils de travail.
Assez de difficultés, quel appel avez-vous à lancer à l’endroit des autorités ?
D’abord, il faut reconnaitre qu’il y a eu un grand effort. Avant 2009 on enregistrait à peu près 30 registres de naissances par an et grâce aux efforts des autorités, l’année dernière on est allé jusqu’à 84 registres. Cette année, on ira j’en suis sûr à 100 registres de naissances. Nous remercions les autorités communales et nationales à travers la direction nationale de l’état civil et l’UNICEF qui appuie à travers des campagnes de sensibilisation et d’enregistrement gratuit des extraits de naissances chaque année.
Nous sollicitons tout de même de l’Etat de nous aider pour l’informatisation de l’État-civil au niveau national, parce que si on résout seulement au niveau d’un centre et laisser les autres il y aura toujours un centre quelque part qui ne marchera pas.
Avez-vous un message à l’endroit des populations ?
J’en appelle à la population de venir déclarer la naissance de leurs enfants. Ici à la commune de Ratoma nous avons trois centres secondaires et le centre principal. Il s’agit du centre de Sonfonia, celui de Lambanyi et de Simbaya Gare où les habitants peuvent obtenir des actes de naissances et de mariages. Cela grâce à la décentralisation des services publics à la population avec un personnel disponible et qualifié qui fait un travail de qualité et rapidement.
Merci beaucoup monsieur Souaré
C’est à moi de vous remercier.
Entretien réalisé par Oumar M’Böh