Dans son discours du 5 septembre 2021, jour de la prise du pouvoir, le Colonel Mamadi Doumbouya avait solennellement annoncé aux guinéens que la justice sera la boussole de la transition. Ainsi, elle sera indépendante et n’y aura pas de chasse aux sorciers. L’annonce a été perçue comme un ouf de soulagement pour les guinéens qui ont subi de l’injustice et les conséquences de l’impunité pendant des décennies. Mais très malheureusement l’espoir se transforme en désenchantement. Le rêve d’une justice équitable pour tous devient une illusion.

Pourtant après le méa culpa des magistrats du pays au palais du peuple devant le président de la transition, le rêve était permis. Puisque ces magistrats avaient promis de rendre justice en toute indépendance. Sauf que quelques mois après, les anciennes pratiques ont refait surface. Le pouvoir exécutif s’immisce dans les affaires judiciaires. Les dossiers judiciaires sont orientés contre des personnes ciblées. Les décisions de justice interrogent.

Pendant que les dossiers sur les domiciles des anciens Premiers ministres sont au niveau des tribunaux, la junte au pouvoir viole les démarches et déguerpit de force les propriétaires. Celle de Cellou Dalein Diallo est démolie et celle de Sidya est offerte au Bureau Guinéen des Droits d’Auteurs (BGDA).

Le récent cas des membres du Front national pour la Défense de la Constitution (FNDC) est le plus illustratif de la situation de l’état de l’appareil judiciaire guinéen. Oumar Sylla, Ibrahima Diallo et Bilo Bah, injustement arrêtés par les forces de l’ordre et de sécurité, ont été détenus à la maison centrale de Conakry pendant près d’un an sans procès. Il a fallu l’intervention du ministre de la Justice, Charles Wright pour que ces activistes soient libérés de manière illégale tout en violant les procédures judiciaires à la matière.

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D’ailleurs, c’est suite à cela que le Barreau de Guinée a tiré la sonnette d’alarme pour dénoncer l’immixtion du pouvoir exécutif dans les dossiers judiciaires. Avant de déclarer la journée du lundi 15 mai sans audience, les avocats ont également interpellé les magistrats à prendre leur responsabilité.

Bien que la création de la Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières (CRIEF) a été saluée par la majorité des guinéens, cette institution est devenue une arme destructive pour la junte militaire. Les dossiers seraient montés pour arrêter les anciens dignitaires du pays et les potentiels candidats aux prochaines élections présidentielles.

Depuis plus d’un an, Kassory Fofana, Amadou Damaro Camara, Mohamed Diané, Oyé Guilavogui et autres sont incarcérés à la maison centrale de Conakry pour dit-on, corruption, détournements des deniers publics, blanchiment des capitaux… Pendant tout ce temps, le procureur spécial de la CRIEF, Aly Touré, a du mal à trouver des preuves tangibles contre ces personnalités publiques.

Quant à Cellou Dalein Diallo et Sidya Touré, ils sont devenus des exilés politiques. Pour éviter de se faire arrêter injustement, ils ont fui le pays et ont peur d’y retourner. Ils disent qu’ils n’ont aucune confiance en la justice guinéenne.

Le constat révèle que la justice semble téléguidée par le pouvoir exécutif. Les magistrats manquent de courage pour prendre des décisions allant à l’encontre des autorités. Le pire est que l’appareil judiciaire est devenu plus inquiétant qu’au temps du régime Alpha Condé.

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Néanmoins, le seul point positif de la justice guinéenne en cette période de transition, c’est l’organisation en Guinée du procès historique des massacres du 28 septembre 2009. Lors de cet évènement douloureux plus de 150 guinéens ont été assassinés au vieux stade de Conakry et une centaine de femmes violées.

En outre, la justice est le point faible de la junte au pouvoir. Depuis l’arrivée du CNRD à la tête du pays à travers un coup d’Etat, la Guinée a connu trois ministres de la justice. Fatoumata Yarie Soumah qui était la toute première, a été limogée de son poste à cause d’un problème de principe entre elle et le Secrétaire général à la présidence Général Amara Camara. Cette dame non influençable a été remplacée par Me Alain Koné. Celui-ci aussi ne fera que quelques mois avant d’être remercié. Le troisième sur la liste n’est autre que le bouillant Alphonse Charles Wright qui passe de procureur général de la République au Garde des Sceaux, ministre de la Justice et des Droits de l’Homme. Malheureusement tout ceux-ci se sont heurtés au pouvoir militaire qui apparemment tient la commande de la justice et l’utilise à son gré.

Ibrahima Bah

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