Dans un entretien sans filtre accordé à notre rédaction, la journaliste et web féministe, Aminata Pilimili Diallo parle des problématiques des femmes guinéennes notamment les jeunes filles qui sont confrontées régulièrement à des violences de tout genre. Le Mariage précoce ou forcé, l’excision, l’avortement et le viol sont les sujets sur lesquels, l’activiste a donné son avis tout en interpellant la justice guinéenne a joué son rôle pour combattre ces maux. Lisez !

En tant que féministe, qu’en pensez-vous de l’avortement en Guinée ?

Ce que je pense de l’avortement, il est permis en Guinée dans les cas très spécifiques. Je suis d’accord avec la loi guinéenne, quand on doit avorter c’est quand on a été victime de viol, victime d’inceste ou quand on a un problème de santé si la grossesse va impacter notre vie ou la vie de l’enfant. Donc là on est permis d’avorter. Il ne faut pas qu’on dit qu’on doit autoriser l’avortement à tout le monde et comme on le fait en Guinée, il y a des gens qui vont avorter dans les maisons, dans les quartiers avec des médecins qui ne sont pas habilités à le faire. Il ne faut pas que ça soit autorisé à tout le monde et partout pour ne pas perdre des vies. Puisqu’on dit qu’en Guinée, l’avortement tue beaucoup c’est parce que c’est souvent dans la clandestinité, ça ce fait hors la loi.

Quel est ton avis sur l’utilisation des méthodes contraceptives des jeunes filles ?

Je ne sais pas trop comment les filles utilisent. Il y a l’utilisation des préservatifs, il y a l’utilisation de la pilule, il y a des femmes qui font des injonctions, des implants. Ma façon de faire la contraception c’est juste de l’utilisation du préservatif et je pense que c’est la meilleure si on l’utilise bien, parce qu’avec les pilules certaines ne savent pas quand utiliser. Les implants c’est bien mais parfois ça dérape. Mais l’utilisation des préservatifs, je pense que c’est la meilleure méthode. Pour le moment cette méthode m’a sauvé.

D’après vous, pourquoi le mariage précoce ou forcé persiste encore en Guinée ?

Le mariage précoce ou forcé, existe en Guinée comme toute autre violence faite aux femmes. Ça persiste parce que la justice guinéenne ne fait pas son boulot, les gens ne sont pas amenés en justice. Les autorités guinéennes négligent trop les violences faites aux femmes notamment le mariage précoce et forcé. Il y a le poids de la région et la tradition sur nous. Même si c’est interdit dans les textes de lois, ceux qui doivent appliquer ces textes de lois ce sont des gens qui font semblant d’être des gens qui sont ancrés dans la tradition ou dans la religion. Pourtant c’est faux, c’est des gens qui ne sont pas carrément religieux. C’est seulement quand il s’agit de parler des violences faites aux femmes qu’ils te sortent la religion ou la tradition. Donc c’est des gens qui font semblant d’avoir le poids de la religion ou la tradition. Ils prennent ça au sérieux plus que les textes de lois. C’est des juges, des avocats et des juristes qui sont censés appliquer la loi, ils ne doivent pas regarder la religion ou la tradition. Ils doivent utiliser les textes de lois ou ils laissent leur boulot parce qu’on est là pour ça. Donc, les cas de violences sur les jeunes filles persistes parce que les lois ne sont pas appliquées à la lettre, si les lois sont appliquées la tradition et la religion n’auront pas de poids. Il faut que la loi soit appliquée. Donc ceux qui sont censés faire la loi qu’ils fassent leur boulot.

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Quelles sont les conséquences néfastes du mariage précoce et forcé ?

Les conséquences néfastes du mariage forcé ou précoce d’abord c’est forcé et c’est précoce, c’est néfaste. C’est vrai qu’on a vu des femmes mariées forcé et précoce qui ont continué leur vie et étudier. Mais sur 100 filles mariées et précoces, tu trouveras que deux ou trois qui ont réussi leur vie donc ça bloque l’épanouissement de la femme, ça bloque ses études, ça bloque son boulot même la reproduction physique de la femme. Une fille de 13 ans qui se marie ça peut causer des violences conjugales. Le plus souvent quand une fille est forcée à se marier, il y a des viols qui ressort toutes les nuits quand son mari la touche, son mari la viole parce qu’elle ne veut pas, c’est du viol ça. Une petite fille qui ne sait pas prendre soin d’elle, comment elle peut prendre soin de son mari et de son enfants. Il y a la violence physique lorsque la femme refuse de coucher avec l’homme, parfois il y a la mort qui s’en suit, on a vu beaucoup de filles qui ont tué leur mari parce qu’elles ont été forcées. Ça peut même gâcher les relations de certaines familles.

Qu’est-ce qu’il faut pour lutter contre les mutilations génitales ?

Je reviens toujours sur la loi pour lutter contre les mutilations génitales féminines, il faut d’abord sensibiliser. C’est vrai il y a plus de 20 ans qu’on est en train de sensibiliser sur les mutilations génitales féminines mais est-ce que c’est la bonne manière de sensibiliser. Nous on entendait que l’excision est interdite mais les gens pratiquaient, on ne brisait pas le tabou. Mais aujourd’hui avec les réseaux sociaux, les médias et les féministes ainsi que les activistes qu’on a, le tabou est brisé. Les gens osent aller devant les religieux, aller dans les médias, sur les réseaux sociaux, sur le terrain pour parler de l’excision sans tourner autour du pot. Donc, il faut qu’on sensibilise, il faut impliquer les leaders religieux, les leaders d’opinion, les femmes surtout religieuses. C’est vrai il faut interdire l’excision parce que les gens pensent que l’excision est religieuse mais non c’est faux. En Guinée on a des chrétiens et musulmans qui excisent. Donc si on parle de l’excision côté islam, pourquoi les chrétiens de la Guinée excisent. La Guinée est le deuxième pays à pratiquer l’excision avec un taux de prévalence 96% devant la Somalie, mais la Guinée n’est pas le deuxième pays du monde à être plus islamique, la Guinée n’est pas le deuxième pays le plus enraciné en Afrique.  Mais pourquoi la Guinée est le deuxième pays dans le monde à pratiquer l’excision ?

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Du coup il faut sensibiliser les gens en leur donnant de bonnes informations. En leur montrant toutes les preuves par exemple si on me dit que l’excision est traditionnelle, on ne peut pas arrêter. Un exemple sur la virginité des filles, cela est d’ailleurs religieux, c’est traditionnel, pourquoi donc les 90% qui se marient ne sont pas vierges mais personne n’en parle.  Pourquoi alors qu’on a arrêté la virginité des filles ou on a exigé la virginité des filles pourquoi aujourd’hui presque tous les guinéens mangent avec la cuillère, ils sont dans les voitures, dans les villas,  on n’a pas trouvé ça avec nos parents, pourquoi continuer l’excision si c’est traditionnel ? Si c’est religieux, c’est le prophète qui allait donner l’exemple comme le cas de la polygamie.

Pour que l’excision s’arrête il faut sensibiliser en disant  toute la vérité. Puis nous avons appris qu’il y a aussi des femmes qui font de la sensibilisation et disaient aux gens n’exciser pas alors qu’elles excisaient leurs filles. On ne peut pas sensibiliser comme ça quand même. Il faut que celles qui sensibilisent soient des gens honnêtes et sincères. Honnête dans le combat ou on les enlève là-bas. Du coup, il faut sensibiliser, informer et briser le tabou, respecter ce que nous sommes en train de faire puis appliquer les lois.

Quels sont les inconvénients de l’excision ?

Les inconvénients de l’excision il y a le saignement, cela peut se répercuter sur la vie de la femme. Il y a l’anémie et les règles douloureuses, il y a des infections vaginales, ça peut même provoquer la stérilité. Il ya un traumatisme physique et psychologique, surtout pour les filles qui ont subi l’excision au village par des couteaux elles sont blessées et traumatisées. Elles n’osent plus qu’un homme leur touche. Le traumatisme physique peut créer l’indifférence de la fille lors des rapports sexuels. Elle ne sera pas excitée, elle ne ressent pas du plaisir pourtant le plaisir est un droit pour la femme.

Comment lutter le viol des jeunes filles ?

Parlant du viol, je crois que la Guinée est le premier pays au monde où il y a plus de viol. Tous les jours on a un cas de viol qu’on nous signale dans la semaine on peut te donner sept cas de viol. On peut dire que chaque jour il y a un viol. Parfois on t’appelle un seul jour on te dit qu’il y a 3 viols. En 365 jours, on a plus de 365 viols en Guinée. Il faut appliquer la loi, il y a des lois contre le viol. Il faut juger les présumés coupables devant tout le monde, la sentence doit être public, que X sache que Y a violé une fille, il a été emprisonné ou castré, moi je suis pour la castration chimique. Il a été ça et ça donc si moi aussi je viole on va me faire ça.

Propos recueillis par Monia Briggs

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