L’évasion fiscale coûte chaque année huit milliards de dollars aux Africains. Organisée en grande fête par les pays riches, cette fraude massive ralentit le développement du continent.

Un peu plus de huit milliards de dollars en Afrique : c’est le montant augmenté par le Tax Justice Network , dans son rapport 2023, des fraudes à l’impôt sur les sociétés, aux taxes douanières et à l’impôt sur le revenu de richesses particulières.

Cette perte annuelle subie équivaut à 15% des dépenses fiscales de santé sur le continent africain, un triste record dans le monde.

L’année 2024 pourrait cependant marquer une : l’entrée en vigueur d’un accord conclu entre près de 140 pays, sous la coordination de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), prévoit désormais un taux minimum d’ imposition des sociétés de 15%.

Mais une autre question a émergé : celle du poids des pays riches dans la gestion des questions fiscales.

Le leadership de l’OCDE en matière de coordination fiscale mondiale est en effet remis en cause par une initiative africaine. 

Frustrés de ne pas être, selon eux, suffisamment consultés, 125 pays, pour la plupart en développement, ont soutenu aux Nations unies, le 22 novembre dernier, un projet de résolution proposé par le Nigeria, appelant à une « convention cadre sur la coopération Internationale ».

Quarante-huit pays, pour la plupart développés, dont l’Allemagne, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et le Japon, ont voté contre.

Le vote de l’Onu devrait conduire à une coopération accrue entre l’OCDE et le G20. Désormais, les Etats en développement réclament qu’on les entende sur un phénomène planétaire, l’évasion fiscale, qui impacte plus durement les pays les plus pauvres.

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Les pays riches organisent l’évasion fiscale

Au niveau mondial, les pertes fiscales totales subies chaque année par les Etats s’élèvent à près de 500 milliards de dollars et les multinationales sont en grande partie responsables du siphonnage des revenus imposables.

Les entreprises multinationales représentent en effet un tiers de la production économique mondiale, la moitié des exportations, près du quart de l’emploi mondial et sont responsables de… 65% des pertes fiscales.

Les multinationales échappent notamment à l’impôt sur les sociétés en transférant leurs bénéfices vers des paradis fiscaux, des pays où le taux d’imposition sur les entreprises est quasiment nul.

Ces transferts de bénéfices s’élèvent à plus de mille milliards de dollars chaque année.

Or, ce sont les pays riches, dont nombreux sont des territoires d’outre-mer britanniques (Iles Caïmans, Bermudes, Iles vierges britanniques…) qui organisent ce transfert de capitaux en offrant des régimes fiscaux avantageux.

Au sein de l’Union européenne, le Luxembourg, l’Irlande et les Pays-Bas ont également créé des législations attractives pour les multinationales.

Les membres de l’OCDE sont ainsi responsables de près de 80% des pertes fiscales subies par les pays du monde entier.

La Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement, la Cnuced , estime que chaque année, 89 milliards de dollars quittent le continent africain et échappent ainsi à l’impôt.

Ces flux sortants, ou flux financiers illicites (FFI), comprennent « la fuite illicite de capitaux, les pratiques fiscales et commerciales illégales, comme la fausse facturation des échanges commerciaux, et les activités criminelles provenant de marchés illégaux, de la corruption ou du vol » .

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Les femmes sont les premières victimes

Pour ce qui concerne l’Afrique francophone, les deux Congo sont les pays les plus touchés par ces fuites de revenus. Les deux autres puissances économiques de la zone, la Côte d’Ivoire et le Sénégal, arrivent également en tête de la liste des pays victimes.

La Cnuced souligne que, dans les pays africains touchés par cette fuite de capitaux, « les gouvernements dépensent 25% de moins pour la santé que les pays où les FFI sont faibles, et 58% de moins pour l’éducation. »

Les femmes ayant statistiquement un accès plus faible à la santé et à l’éducation, elles sont ainsi les premières touchées par cette réduction des budgets sociaux.

Les fuites de capitaux constituent parfois une perte irréparable pour certains Etats. C’est le cas de la République démocratique du Congo (RDC) et de la République du Congo, où celles-ci représentent respectivement 89% et 538% du budget national consacré à la santé.

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