Figurer sur la courte liste des pays (Iran, Congo, Soudan, Venezuela, Guinée…) privés de droit de vote aux Nations Unies en guise de sanction pour non-paiement d’arriérés de cotisation fut le triste sort de notre pays, ce 11 janvier 2022. Heureusement que cet épisode fut de courte durée avec l’apurement de ce passif de 270 000 dollars comme l’a indiqué le Ministre guinéen des affaires étrangères, le 16 janvier 2022. Cette froide douche diplomatique n’est que la stricte application de l’article 19 de la Charte des Nations Unies qui prévoit « une suspension du droit de vote à l’Assemblée générale pour tout pays dont le montant des arriérés est égal ou supérieur à la contribution due par lui pour les deux années complètes écoulées. » Cet évènement inspire la présente tribune où nous allons nous intéresser sur l’interaction de la Guinée et (dans) les organisations internationales. Après un bref rappel des aspects historiques et géopolitiques de la présence de la Guinée sur la scène internationale, nous allons nous focaliser sur deux points : comment éviter l’isolement à tout prix et comment en tirer profit, surtout en ce présent contexte de transition.
Rappel des aspects historiques et géopolitiques : une présence variable
L’indépendance de la Guinée le 2 octobre 1958 et son admission comme 82 ème membre des Nations Unies le 12 décembre 1958 constituent son entrée dans la scène internationale à titre de membre de la communauté internationale. Sa diplomatie a porté très tôt sur le soutien des pays encore sous domination coloniale, l’affirmation de son panafricanisme et l’ancrage dans le mouvement non aligné, avec des subtilités diverses. Après une éclipse durant quelques décennies notamment pendant les régimes militaires, en dehors de quelques exceptions comme la présidence du Conseil de sécurité, la Guinée avait renoué avec une certaine présence sur la scène internationale sous le régime précédent ; la présidence de l’Union africaine et du Groupe des 77 plus la Chine en sont des notables illustrations. Cependant, il est loisible de souligner que la Guinée peut mieux faire en termes de diplomatie, en raison de ses richesses naturelles, de sa position géostratégique et de ses liens historiques.
Un isolement à éviter : assumer ses responsabilités
Comme de coutume, le régime d’exception introduit depuis le 05 septembre 2021 avec la prise effective du pouvoir par l’armée, la Guinée se retrouve sous diverses sanctions dont l’une des plus significatives est sa suspension des institutions à l’instar celles de la CEDEAO. Face à une telle situation, deux tendances sont possibles : ouvrir le dialogue avec la communauté internationale autour d’un agenda clair et un chronogramme précis en demandant son accompagnement ou bien adopter une position dure en restant sur sa position en évoluant à vase clos. Pour notre part, la Guinée a tout à gagner à opter pour la première tendance. Certes, la CEDEAO n’est pas exempte de critiques en n’ayant pas adopté des positions fermes contre le « third thermism » engagé par le régime de l’ancien président Condé, cependant, elle demeure une organisation à laquelle la Guinée est membre à part entière et dont elle doit appliquer les règles et obligations comme elle s’est librement engagée à le faire en ratifiant le Traité de Lagos instituant l’organisation. En général et en application du principe de subsidiarité, toutes les autres organisations internationales (Union africaine, Union européenne, Nations unies,…) calquent leur attitude sur celle de la CEDEAO ; il en est de même d’ailleurs pour certains pays auxquels la Guinée entretient des relations diplomatiques. Maintenir le contact avec la CEDEAO et ouvrir un dialogue franc avec elle, c’est assumer ses responsabilités et éviter à la Guinée un isolement préjudiciable à son développement.
Comment savoir en tirer profit : positionnement des cadres, exploitation des enjeux géopolitiques et assistance à la diaspora
En sus de cette invite de nature conjoncturelle ci-dessus, d’autres suggestions structurelles s’avèrent essentielles pendant cette période transitoire en vue de jeter les bases d’une refondation de notre diplomatie. Premièrement, à titre de membre fondateur et contributeur, la Guinée se doit de soutenir et appuyer les cadres guinéens dans leur positionnement dans la fonction publique internationale où les guinéens se comptent au bout des doigts. Deuxièmement, en raison de sa position géographique et de la richesse de son sous-sol, la Guinée se doit de continuer à peser de tout son poids sur les enjeux géostratégiques liés aux questions de l’environnement, de sécurité et des mines sur la scène internationale. Troisièmement, la Guinée doit œuvrer pour capter la dividende de sa diaspora diversifiée en termes de transfert de connaissances et de moyens matériels et financiers ; pour ce faire, il faut répertorier les immenses ressources de la diaspora et lui apporter soutien partout où elle se trouve. Les exemples marocain et sénégalais peuvent nous servir d’appui en la matière.
En définitive, la période transitoire est propice à la refondation des bases de notre démocratique à l’unique condition d’éviter son isolément dans la scène internationale dont elle est et demeure membre à part entière.
Conakry, le 31 janvier 2022
-Juris Guineensis No 22.
Dr Thierno Souleymane BARRY,
Docteur en droit, Université Laval/Université de Sherbrooke (Canada)
Professeur de droit, Consultant et Avocat à la Cour