L’information judiciaire sur le massacre du 28 septembre 2009 a été clôturée le 29 décembre. Le procès tant attendu devrait donc se tenir devant le tribunal de Dixinn, en banlieue de Conakry. Selon nos informations, deux hauts cadres de l’armée guinéenne ont finalement bénéficié d’un non-lieu, au grand dam des parties civiles.

Le premier est l’actuel gouverneur de la ville de Conakry, le général Mathurin Bangoura. Ancien ministre des Transports, il est perçu comme un «membre influent » du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD), du nom de la junte militaire au pouvoir entre décembre 2008 et décembre 2010.

Ce statut, de l’avis de certaines parties civiles, l’aurait conduit à prendre part, le 27 septembre 2009, à «une réunion sur la planification de la répression » qui allait causer le lendemain, au stade de Conakry, 157 morts, 89 disparitions et 109 cas de viols – selon le décompte de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH).

L’un des avocats concernés a toutefois indiqué à Jeune Afrique que cet officier, qui jouit d’une certaine popularité au sein de l’opinion, semble moins impliqué que d’autres responsables soupçonnés d’avoir joué un rôle dans le massacre, lequel visait un rassemblement d’opposants à Moussa Dadis Camara.

Bienvenu Lamah, dont les hommes sont soupçonnés d’avoir pris une part active dans le massacre, est l’un de ceux-là.

Toujours selon la FIDH, ce capitaine de la gendarmerie était, au moment des faits, « responsable de la milice stationnée au camp de Kaléah (qui se trouve dans la préfecture de Forécariah, à 100 km au sud de Conakry) […]. Plusieurs dizaines de ses recrues, en tenue civile et armées d’armes blanches, ont participé au massacre ».

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Malgré ces soupçons, assurent nos sources, le pool des juges d’instruction a estimé qu’il n’existait pas de charges suffisantes pour prononcer le renvoi des deux officiers devant un tribunal. Au total, treize accusés devraient comparaître devant le tribunal de Dixinn.

Abandon des charges de «crimes contre l’humanité »

Le 9 janvier, un collectif de sept avocats constitués au nom des parties civiles a relevé formellement appel de « l’ordonnance de requalification, de non-lieu partiel et de renvoi devant le Tribunal criminel ». Une démarche également motivée par la requalification à la baisse des faits visés dans le dossier, jusque-là qualifiés de «crimes contre l’humanité ».

Selon les magistrats, cette requalification est justifiée par le fait que « le réquisitoire du 8 février 2010 du procureur général près la Cour d’appel de Conakry n’avait pas visé les crimes contre l’humanité » – le code pénal guinéen ne les réprime que depuis 2016.

Une interprétation contestée par les avocats des parties civiles, qui rétorquent que ce même réquisitoire visait le rapport international d’enquête de l’ONU sur les événements du 28 septembre 2009, lequel s’appuie sur le Statut de Rome, instituant la Cour pénale internationale (CPI), dont la Guinée est signataire depuis 2003. Un statut qui couvre notamment les crimes contre l’humanité.

Pour preuve, considèrent-ils, l’examen préliminaire ouvert depuis octobre 2010 par la CPI totalise quinze missions à Conakry. Et la procureure générale Fatou Bensouda a elle-même souligné en décembre, lors de la 16e session des États parties au Statut de Rome, l’intérêt que sa juridiction accorde à ce dossier.

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Konaté, l’autre haut gradé qui échappe à la justice

Ancien président de la transition et ministre de la Défense au moment du massacre, le général Sékouba Konaté a lui aussi de grandes chances de passer à travers les mailles du filet judiciaire.

Son « audition imminente », annoncée depuis juillet 2015 par Cheick Sako, le ministre de la Justice, se fait toujours attendre. Les autorités judiciaires guinéennes indiquent avoir adressé à la France, sans succès jusque-là, des demandes de commission rogatoire internationale afin de l’entendre dans l’Hexagone.

Le 26 septembre 2017, à 48 heures de la date anniversaire du massacre, un groupe de victimes a directement porté plainte contre lui, invoquant la « responsabilité de commandement des chefs militaires et autres supérieurs hiérarchiques » impliqués. Mais cette plainte a été rejetée par les juges d’instruction, qui avaient affirmé « ignore[r] la filiation » de Konaté.

Source : Jeune Afrique

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