Avouons devant le peu, le tout petit peu de Nation que nous insultons, que la connerie court ici à foison. C’est comme si toute la bêtise humaine que nous abhorrons, prend un malin plaisir à nous péter au nez à profusion. Dans ce bled à la con, désormais toute action que nous posons, toute parole que nous proférons, le tout est scruté par la lorgnette de l’ethnocentrisme dans les cafés et les salons. Les démagos de toutes sortes s’en empareront, pissant leur venin chanson. Chacun y allant de son analyse experte et béton, enfermé qu’il est dans sa supposée objective prison.
Chaque fois que vous donnez votre opinion, votre lecteur ou auditeur se précipite d’abord sur le ronron de votre nom. C’est le bon-teint-bon-ton de votre nom, d’abord ce nom accroché à votre ethnie ou à votre région, qui vous donne ou pas du galon. Désormais dans ce pays où tout marche à reculons, notre nom de famille est une balafre heureuse ou malheureuse en fonction de ce que nous défendons et nous vantons, de qui nous condamnons et nous dénonçons. On peut être l’un des plus grands écrivains qui a toujours égratigné les félons, un jour on tombe sous le coup de la suspicion des couillons, juste parce que nous appartenons à la même ethnie que le chef de l’opposition. On peut être un journaliste qui recueille des sympathies en millions, un autre jour on se fait charcuter sur l’autel des raccourcis et des plus subjectives (con) damnations. On peut avoir l’habitude de tracer le plus républicain des sillons, un jour on tombe dans le sillage de ce régionalisme en perpétuelle exacerbation. Surtout lorsque des viocs plus proches de la tombe que de la jeunesse en pleine émancipation, tiennent des discours qui montrent qu’ils n’ont rien dans le melon et qu’ils n’ont rien compris aux actuelles générations.
Qu’il se le tienne pour dit définitivement le grognon : moi, personne ne m’a accueilli dans les rues poussiéreuses de Conakry-cité de toutes les intersections. Je suis né sur ces lagons, sur cette côte Atlantique loin des vallons. Le Fouta Djallon de mes ancêtres est une terre que j’ai frôlée quand je faisais encore pipi dans mes caleçons. Et ce village de Thiâ’nguel perché sur les hauteurs de la Dame de Mali que je porte tel un balluchon, est aussi une portion de ma Guinée-mère que je prends sans me poser de question. Je suis à la fois de cette Conakry métisse de multiples collusions, de convulsions et de contusions, que de ce lointain et silencieux hameau que je ne réussis à atteindre que par contorsions de mon imagination. Et je ne permettrais à aucun patriarche sans conviction, de me raconter que je suis un étranger polisson, sur un sol qui a tranché mon cordon, sans demander à ma maman un quelconque pardon.
Je suis d’ici vieux garçon. Accepte-le ou non, ceci est un don pour lequel vers Dieu je n’ai pas adressé aucune sollicitation.
Merde ! Je dis merde à tous ceux qui pensent qu’un Peul en Basse-Guinée est un squatteur fanfaron. Merde ! Je dis merde à toi qui dégueules qu’un Soussou au Fouta est loin de sa maison dans ces merveilleux monts. Merde ! Je dis foutrement merde à toi connard aux fourbes circonlocutions, qui estime que le Malinké vivant sous la bienveillance du Nimba y est sujet d’immigration. Merde ! Je dis merde à celui qui vend sa daube avec aplomb, que le Forestier dans la savane de la Haute Guinée n’y est que par la bienveillance de quelques-uns qu’il aurait trouvé autour de leurs mortiers avec des pilons. Oui, je vous emmerde tous qui pensez que mon pays est un petit bonbon, dont chacun peut croquer un bout en prêchant la haine des autres et la séparation. Que sachent les prophètes de malheur et de la division, la Guinée est un tout qui appartient à toute sa population. Personne ne viendra y planter ou faire pousser sa mauvaise démangeaison. Je le dis et je le répète pour ceux qui carburent aux haineuses déclarations : Partout dans ce bled à la con, je vis ma citoyenneté à fond. Je n’y serais jamais un insignifiant étranger qu’un banal autochtone aurait accueilli par gentillesse, parce qu’il est bon. J’ai grandi entre les quartiers Béhanzin et Aviation, voyons ! Tétant soussou au biberon et causant peul qu’avec mes parents dans notre concession. Et voilà que quelqu’un a le culot de me brailler que je suis pas chez moi à Gnakry-Kingdom ! Je vous en foutrais, moi, de stupides révélations !
Un jour de belle inspiration, j’avais apostrophé que « moi aussi je suis d’ici » les chantres de la déraison, de la confusion. Ceux tapis dans tous les plis et replis de notre société en interminable fragilisation, insufflant bestialité rampante et animosité en constante fécondation. Dès que vous dites que Körö est une mauvaise infection, on objecte que votre abject diagnostic est du fait que vous êtes un Peul aigri maigrichon, tenant le Fama en totale désaffection.
Égratignez Kötö dans certaines de ses positions, alors vous passerez pour un Malinké flanqué fanatique trop aveuglé incapable de reconnaître la beauté d’un Al-hadjaèn qui n’a pourtant pas besoin de mascara et de fond de teint pour éblouir les tanties et les tontons. Finalement, vous ne pouvez plus donner votre appréciation. Vous ne pouvez plus avoir votre idée tranchée sur une quelconque question, surtout lorsqu’il s’agit de nos politi-chiens barbotant dans leurs agitations. Finalement, ce qu’on aime par dessus tous les experts de renom, ce sont ceux qui jouent les équilibristes à fond. Le grand écart entre deux positions, quitte à se faire exploser les couilles en toute saison. Tout ceci avec un dénominateur commun recyclé à chaque observation : scruter l’ethnie de celui qui livre ses incantations.
Moi je chierais mon exaspération sur tous les apôtres de la balkanisation de notre peu de Nation. Et ceux qui veulent jouer la carte de la communautarisation, afin d’avoir de quoi mâchonner avec leurs dents en putréfaction, racontant que certains Guinéens ne seraient pas chez eux ici ou là, ceux-là nous trouveront sur leur chemin prêts à leur opposer un violent et retentissant non. Ce pays, entièrement, nous appartient à tous, au même titre, même avec vos belliqueuses suspicions et supputations. Et puisque c’est notre commune maison, à laquelle tous nous appartenons, il est tout à fait naturel que son contenu nous partagions et que nous ayons le sens de la saine cohabitation. Que certains réclament ce qui leur est naturellement dû ne devrait pas donner lieu à des provocations et des discours de confrontation. A cet égard, rappelons qu’en Basse-Côte il y a cette sage interpellation : « Takhoun sée takhoun ma nèe ; kha na maara, a won takhoun ma nèe ». En espérant que mon cerveau de raton vous a pas trop emmerdé de vilaines rations, je ferme ma gueule et dégage !
Par Soulay Thiâ’nguel