Ces dernières années, l’on assiste à un foisonnement de centres d’orphelinat en Guinée tant dans la capitale qu’à l’intérieur du pays. Ces centres d’accueil souffrent d’un manque criard de financement pour offrir un minimum de conditions aux enfants qui y vivent. C’est connu de tous, ces orphelins ne vivent que de dons et de maigres moyens de leurs différents fondateurs. Que fait l’État ? La question est tout entière. Nos enquêtes révèlent qu’aucune subvention n’est jusqu’à ce jour accordée à ces centres d’accueil qui absorbent des milliers d’enfants démunis sans parents, sans espoir.

Malgré les discours sur la protection de l’enfance en Guinée, la question de prises en charge des orphelinats est loin d’être une priorité pour les gouvernements qui se succèdent. Par manque de moyens, la quasi-totalité de ces centres d’accueil échappent aux normes réglementaires mentionnées dans le code de la protection de l’enfant.

Les codes sont clairs

« Pour ouvrir un centre d’accueil pour enfants, le fondateur est soumis à certaines exigences notamment, l’obtention d’un agrément délivré par le ministère en charge de la protection de l’enfance ; le fondateur du centre doit avoir des ressources suffisantes ; il doit avoir un local non-litigieux ; il doit disposer d’un personnel qualifié pour s’occuper des enfants et de leurs soins médicaux… »

Orphelinat Abou Mangué Camara

Sur le terrain, le constat est déplorable 

Parmi une trentaine d’orphelinats sur tout le territoire guinéen, seulement quelques-uns comptés du bout des doigts répondent aux normes. Constat : la plupart sont logés dans des endroits indécents et non identifiables avec tous les risques encourus (exploitation, maladies, trafics d’enfants, violation des droits, violences physiques et sexuelles). Mais pas que, la carence de personnel, l’absence d’infirmiers etc. De surcroît, les visites des cadres du ministère de tutelle (Action sociale) sont très rares sauf quand il y a des cas de force majeure. Par exemple : le récent cas de viol au centre Hakuna Matata.

Est-ce que les enfants sont à l’abri des violences sexuelles, mangent-ils à leur faim ? Apparemment, tout cela ne ressemble point aux préoccupations majeures des gouvernants.

« En Guinée, il n’existe pas un centre d’accueil digne de ce nom. L’État n’accompagne pas. Nous pouvons agir pour que l’État accompagne ces centres d’accueil. Moi je suis activiste des droits de la cause humanitaire. Nous avons souvent visité les centres d’accueil, surtout les orphelinats dont les situations laissent à désirer. Il n’y a rien de concret. Pour ça, nous interpellons les décideurs… », tire la sonnette d’alarme une activiste de la société civile guinéenne et membre du Conseil national de la transition (CNT) qui a préféré s’exprimer à notre micro sous l’anonymat.

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Aicha Nanette Sylla, Ministre de l’Action sociale et de la promotion féminine

 Réaction des autorités 

Approché par la rédaction du Courrier de Conakry, la ministre de l’Action Sociale, Aicha Nanette Conté soutient que l’État n’abandonne pas les orphelinats mais exige que tous les responsables prennent leurs responsabilités.

« Les orphelinats sont suivis à travers des visites périodiques par la Direction de l’Enfance, mais également aux visites inopinées de nos assistants sociaux. De temps en temps, moi aussi j’y passe. Depuis le cas malheureux (viol) de l’orphelinat Hakuna Matata, on ne les a pas abandonnés. Je voulais interpeller tous les autres orphelinats à se conformer aux règles. Il faut que chacun prenne ses responsabilités. Si vous ne pouvez pas tenir un orphelinat, ce n’est pas la peine d’en ouvrir » a fait savoir la ministre tout en insistant sur la protection des enfants.

Le directeur national de la Protection de l’Enfance, Akoi Koivogui, quant à lui, reconnait les problèmes qui existent dans les orphelinats du pays et met en avant la nécessité de régulariser ce domaine.

« Nous sommes en train de normaliser les centres qui existent déjà, et on ne veut pas en ouvrir pour créer plus de problèmes. C’est pourquoi les 3 et 4 dernières années, vous verrez que nous n’avons pas autorisé l’ouverture des centres. C’est ce qui fait que nous sommes plus dans l’option de retourner les enfants en famille. » dit-il avant de rappeler l’une des principales exigences de sa direction : « Le propriétaire du centre doit prendre des dispositions pour que les premiers soins des enfants soient effectifs (…). »

Akoye Guilavogui Directeur protection de l'enfance
Akoye Guilavogui Directeur protection de l’enfance

Selon le directeur, l’État privilégie plutôt les centres de transit pour que l’enfant puisse retourner dans sa famille biologique qui est l’endroit idéal pour son épanouissement. A cet effet, M. Koivogui encourage les centres d’accueil à s’aligner derrière cette idée.

« La demande de l’État, ce sont des prises en charge transitoires. Nous devons inscrire tous les centres dans cette logique. Il ne faut pas que les enfants restent de façon pérenne aux centres, parce que ce sont des charges. Il faut faire en sorte que les centres puissent avoir des connexions avec les familles. Pour nous, les enfants doivent être capables de retourner en famille ou en communauté avec un accompagnement. »

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« On a besoin d’une petite subvention ça va nous aider pour ne pas sombrer »

Sans l’appui nécessaire de l’État et les dons, ces orphelinats ont souvent du mal à assurer les besoins primaires des enfants. Illustration : la directrice générale centre d’orphelinat Maris de Kipé, Henriette Bouyé se dit être coincée. Elle sollicite une subvention pour tous les orphelinats.

« Je suis une vieille de plus de 70 ans. Je suis fatiguée, je n’ai pas le pouvoir de gérer ces enfants tous les jours. Il est temps que le gouvernement nous vienne en aide. On a besoin d’une petite subvention qui va nous aider pour ne pas sombrer. C’est un cri de cœur que je lance », a-t-elle supplié.

Directrice du centre Regina Marris
Directrice du centre Regina Marris, Henriette Bouyé

Elle estime que malgré les dons des personnes de bonne volonté, il y a toujours des besoins liés à l’alimentation :

« Nous avons des problèmes de nourriture vu le nombre d’enfants. Parfois, les gens voient débarquer des sacs de riz par les donateurs que nous remercions, mais ces sacs ne dure pas longtemps. Parce qu’il faut que les enfants mangent au quotidien. J’ai créé un système familial. Il y a trois repas par jour. Il y a le petit déjeuner avec du pain, si on a de la mayonnaise ou du beurre, ils mangent bien. A midi, c’est le plat et le soir, c’est du ragoût ou de lafidi. » a-t-elle expliqué.

Contrairement à ce cet orphelinat qui regorge en son sein, un établissement scolaire, une crémerie et un poulailler, qui permettent de faire une entrée d’argent, la plupart des orphelinats ne compte uniquement que sur les poches du fondateur. C’est le cas au centre orphelinat Abou Mangué Camara se trouvant à Sonfonia.

A rappeler que Abou Mangué Camara est un joueur de l’équipe du Horoya AC. Il se débrouille avec son salaire de footballeur pour assumer ces responsabilités face aux charges de son orphelinat. Il paye la location, les frais de scolarité, et assure les frais médicaux des enfants. Il a trouvé un terrain à Dubréka mais par faute de moyens, il n’arrive pas à bâtir un nouveau centre d’accueil. Depuis trois ans, Abou Mangué Camara sollicite l’aide de l’État et des personnes de bonne volonté pour réaliser ce projet de construction mais en vain.

A quand la subvention annuelle des centres d’accueil ? Vivement des lois portant prises en charge des orphelinats.

Ibrahima Bah

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